Algérie: après le limogeage de Djebbar M’Henna, Tebboune nomme son 7ème patron des renseignements extérieurs

Lors d'un événement réunissant de hauts responsables militaires algériens. Photo d'illustration.

Lors d'un événement réunissant de hauts responsables militaires algériens. (Photo d'illustration). DR

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune, fraichement désigné dans des conditions iniques pour un second mandat à El Mouradia, a limogé, jeudi, le patron de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE), le général Djebbar M’Henna. Son successeur, pas encore annoncé officiellement mais quasiment confirmé, devient ainsi le 7ème patron de la DDSE sous l’ère Tebboune. Un nouveau record dans un pays à l’instabilité systémique.

Le 20/09/2024 à 19h54

La saison des limogeages reprend en Algérie, dont l’image vient d’être sérieusement écornée par la mascarade électorale qui a conduit à la «réélection» du président Abdelmadjid Tebboune, avec un taux d’abstention très éloquent, entre 80 et 90%.

Tebboune 2 en sort extrêmement affaibli. Il a donc toutes les raisons de s’en prendre à ceux qui, de près ou de loin, ont contribué, à ses yeux, à la désorganisation de ces élections, massivement boycottées par les Algériens de l’intérieur et de la diaspora.

Mercredi dernier, le patron de la télévision publique algérienne a servi le premier de bouc émissaire à Tebboune. Mais jeudi, un cacique du «système» a été congédié en la personne du général Djebbar M’Henna, ancien tortionnaire de la décennie noire, qu’on voyait comme le plus puissant patron des renseignements extérieurs du premier mandat Tebboune. Son bilan se résume à une série d’échecs «diplomatiques» et de nombreux coups bas manigancés contre les pays voisins de l’Algérie, qu’il s’agisse du Maroc, du Mali, du Niger ou de la Libye.

Remis en selle par Mohamed Mediène dit Toufik, général à la retraite et ancien patron de l’ex-Département du renseignement et de la sécurité (DRS), machine militaire répressive qui a tué quelque 250.000 Algériens durant la décennie noire, Djebbar M’Henna a été parachuté en septembre 2022 à la tête de la DDSE. Il y a été installé officiellement par Said Chengriha, chef d’état-major de l’armée, en remplacement du général Abdelghani Rachedi, malade et tombé en disgrâce.

Djebbar M’Henna, repris de justice condamné par un tribunal militaire en 2019 à huit ans de prison pour corruption et enrichissement illicite, a été réhabilité par Toufik, qui l’a propulsé en 2021 à la tête de plusieurs services de renseignement. Il a même réussi à l’imposer à Tebboune auprès duquel il siégeait au sein du Haut conseil de sécurité, au même titre que les anciens bourreaux de la décennie noire comme Abdelkader Aït Ouarabi, dit général Hassan, et Nacer El Djenn. Ce dernier est général et propulsé par Toufik à la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Laquelle serait derrière les chiffres ultra dopés livrés par la Cour constitutionnelle lors de la dernière présidentielle.

Selon certaines sources, Djebbar M’Henna a été écarté après l’implication de son fils, Mouloud, dans une affaire de cocaïne. Un alibi classique en Algérie pour renvoyer ou emprisonner les hauts responsables en rupture de ban même si leur progéniture trempe dans des trafics en tous genres. A ce titre, Khaled, le fils de Tebboune, a été condamné à de la prison ferme dans l’affaire dite El Bouchi, relative à un trafic de 701 kg de cocaïne.

Ce limogeage express est vraisemblablement lié aux récentes élections, au cours desquelles Djebbar M’Henna aurait manœuvré pour discréditer Tebboune, à défaut de lui avoir trouvé un remplaçant. Cette destitution ne fera l’objet d’aucun communiqué officiel de la présidence ou du ministère de la Défense expliquant les raisons exactes de ce limogeage et l’avenir réservé au général, à savoir retourner en prison ou profiter tranquillement de sa retraite. Les porte-voix du clan de la décennie noire se sont empressés d’expliquer que M’Henna avait été remercié pour raisons médicales.

Le nom de son remplaçant est déjà connu. Il s’agit du fraîchement promu général Mohamed Fethi Moussaoui, celui-là même qui, depuis son ancien poste de représentant des renseignements extérieurs au sein de l’ambassade algérienne à Berlin, tenait Tebboune à l’œil durant son hospitalisation en Allemagne à la fin de l’année 2020. Il a ensuite occupé le même poste à l’ambassade d’Algérie à Paris.

Depuis 2019, année de son élection, Tebboune aura pactisé avec sept chefs successifs de la DDSE. En avril 2020, le colonel Remili Kamel-Eddine est remplacé par le général Mohamed Bouzit, alias Youcef, à la tête de la DDSE. En janvier 2021, il est démis de ses fonctions puis emprisonné en septembre. C’est le général à la retraite Noureddine Makri , alias Mahfoud, qui le remplace jusqu’en mai 2022. La DDSE fera ensuite l’objet d’un turn-over entre Kehal Medjdoub nommé en mai 2022 et le général Abdelghani Rachedi nommé en juillet 2022, qui cédera son poste à Djebbar M’Henna en septembre 2022.

Dans quel autre pays du monde nomme-t-on sept patrons des renseignements extérieurs différents en cinq ans? Cela n’existe nulle part. Cela étant, si l’on ne considère pas l’Algérie comme un Etat mais comme un conglomérat de gangs, on comprend dès lors que les têtes tombent très vite en fonction des intérêts du moment et du temps qu’il fait.

Par Mohammed Ould Boah
Le 20/09/2024 à 19h54