C’est une grave insulte que le régime algérien vient de proférer à l’encontre des Algériens, à l’occasion de la toute nouvelle journée nationale de l’armée, instituée en juin dernier par décret présidentiel et célébrée pour la première fois hier, jeudi 4 août. Il y a un mois, c’était le défilé militaire, une séquence ultra-martiale célébrant le 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, mais qui visait surtout à envoyer un message d’intimidation au peuple algérien. Aujourd’hui, c’est au tour d’anciens généraux ayant, pour la plupart, beaucoup de sang algérien sur les mains, d’être couverts d’honneurs.
«Des généraux à la retraite, ayant occupé des fonctions importantes et stratégiques à la tête de l’Etat, ont eu droit aussi aux honneurs. Il s’agit de l’ancien président de la République (1995-1999) Liamine Zeroual, de l’ancien responsable des renseignements, Mohamed Mediène, dit Toufik, de l’ancien chef d’État-major de l’Armée nationale populaire de 1988 à 1990 puis ministre de la Défense nationale entre 1990 et 1993 Khaled Nezzar, de l’ancien directeur général de la prévention et de la sécurité (1988-1990) Mohamed Betchine et enfin de l’ancien chef de la troisième région militaire et de la 8ème division blindée Hocine Benhadid», énoncent des médias algériens.
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Bien que certains de ces anciens généraux sont actuellement toujours recherchés et poursuivis en Europe pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, à l’instar de Khaled Nezzar, ils viennent paradoxalement d’être honorés, à la surprise générale, par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Aucun de ces octogénaires «réhabilités» n’a assisté à cette cérémonie (pour cause de maladies chroniques). Leurs distinctions leur seront livrées à domicile, précise un porte-parole de l’armée algérienne, car ces généraux-vampires n’aiment pas apparaître sous les sunlights.
Il est à rappeler que le général Nezzar et le général Toufik ont été l’une des cibles privilégiés du Hirak, en raison notamment de leur implication directe dans les tueries de la «décennie noire» qui ont fait plus de 250.000 morts parmi les civils algériens. Leur réhabilitation peut être interprétée comme un doigt d’honneur, adressé par Tebboune aux manifestants du Hirak. Revanchard, le président algérien a sans doute toujours en tête le slogan-phare des manifestants du Hirak: «Tebboune l’usurpateur a été imposé par les militaires».
Autant dire que la toute première célébration de la «journée nationale de l’ANP» a été à jamais souillée par la décoration des principaux généraux qui ont ensanglanté l’Algérie au cours de la décennie noire des années 1990.
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Ces vieux généraux, récemment honorés, sont encore omnipotents, malgré leur condamnation à de lourdes peines d’emprisonnement par la justice algérienne. Khaled Nezzar, ancien militaire dans les rangs de l’armée française qu’il a intégrée en 1956, a écopé en septembre 2019 de 20 ans de prison au moment où il se trouvait en fuite en Espagne.
Le général Mohamed Mediène, dit «Toufik», ancien mousse sur les bateaux dans les ports de l’Algérie coloniale, en a pris pour une quinzaine d’années et a été effectivement emprisonné, lui qui se prenait pour le «dieu de l’Algérie». Sans parler de l’autre ex-général, lui aussi honoré ce 4 août, à savoir Hocine Benhadid (78 ans), incarcéré à deux reprises à la prison d’El-Harrach (en 2015 puis en 2018), et qui se déplace aujourd’hui en chaise roulante (et en catimini) vers des hôpitaux à l'étranger.
Mais il a fallu la mort subite et très suspecte de l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Ahmed Gaïd Salah, qui les a écartés, pour que tous ces généraux reprennent rapidement du poil de la bête. Leur retour en force, qui s’est manifesté par l’humiliation de la justice algérienne, militaire et civile, par une purge-vengeance sans précédent au sein du haut commandement de l’armée et des services du renseignement, et par la mise au pas du président Abdelmadjid Tebboune lui-même, est auréolé aujourd’hui par des auto-distinctions que ces généraux sanguinaires et corrompus s’attribuent en se faisant présenter comme d’anciens Moudjahids.
Et dire que Khaled Nezzar a failli être coincé et jugé en février dernier en Suisse «pour des faits gravissimes constitutifs de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, notamment des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture et des disparations forcées», suite à une plainte de TRIAL international.
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Tous ces généraux, qui ont directement dirigé l’Algérie d’une main de fer pendant de longues années, avant de connaître toutes sortes de tracasseries et tourments judiciaires, voire la prison et la décadence, se retrouvent aujourd’hui à être honorés par de hautes distinctions étatiques.
La junte algérienne donne donc à voir au monde une série en plusieurs saisons qui défie les meilleures réalisations à rebondissement de Netflix. Les Algériens ont eu droit à la saison glorieuse de Nezzar-Tebboune, suivie de celle de la déchéance, à laquelle a succédé celle des tourments et des persécutions, portés à leur point culminant par la fuite ou la prison, le coup de théâtre avec la mort subite de Ahmed Gaïd Salah suivie d'une réhabilitation et enfin des honneurs publics. Nulle part ailleurs au monde, on ne peut trouver pareil spectacle qu’en Algérie.
Le show surréaliste de la junte ne s’arrêtera pas à ce stade. Les honneurs accordés au tandem Nezzar-Toufik sont aussi un blanc-seing pour poursuivre en toute impunité leur vendetta parmi les rescapés du clan d'Ahmed Gaïd Salah. Les mois prochains vont être sanglants dans l’armée algérienne et particulièrement douloureux pour les proches du défunt chef d'état-major de l'ANP.