Interpellé vendredi dernier, El Kadi a été placé en détention provisoire jeudi sur décision d'un juge d'instruction, a indiqué la Cour d'Alger dans un communiqué.
Il fait l'objet d'une «enquête préliminaire», pour collecte illégale de fonds et de dons «pour faire de la propagande pour le compte de parties étrangères» via le site web de Radio M qu'il dirige, selon le communiqué.
Il est soupçonné «d'avoir reçu des sommes d'argent et des privilèges de la part de personnes et d'organisations dans le pays et à l'étranger afin de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'Etat et sa stabilité», ajoute la Cour d'Alger.
Maghreb Emergent a indiqué que son patron était notamment poursuivi en vertu de l'article 95 bis du code pénal.
Ce texte prévoit une peine de prison de cinq à sept ans pour «quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage...pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'Etat, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale, aux intérêts fondamentaux de l'Algérie ou à la sécurité et à l'ordre publics».
El Kadi a été présenté devant le procureur «en l'absence de ses avocats qui n'ont pas été notifiés», a pour sa part indiqué Radio M.
«Message lourd»Au lendemain de l'interpellation de El Kadi, le siège de l'agence Interface Médias, qui édite Radio M et Maghreb Émergent, avait été mis sous scellés et le matériel saisi, selon ces médias.
L'arrestation de El Kadi et la mise sous scellés des bureaux des médias qu'il dirige ont suscité une vague de solidarité parmi ses collègues et les militants des droits humains en Algérie et en Europe. Une pétition en ligne appelant à sa libération a recueilli près de 800 signatures.
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Réagissant à son placement en détention provisoire, l'ONG Reporters Sans Frontières (RSF) a estimé que cette mesure était «l'aboutissement d'une longue persécution et d'un harcèlement judiciaire sans fin dont l'objectif évident est de faire taire un des derniers médias algériens encore ouvert au libre débat et à la critique».
«En décidant de placer Ihsane El Kadi en détention, les autorités ont clairement choisi d'aller jusqu'au bout de leur logique autoritaire pour museler les médias et adresser un message lourd à ceux qui continuent de défendre la liberté d'informer», a déclaré Khaled Drareni, représentant de RSF en Afrique du Nord.
Poursuivi pour un article de presse, El Kadi avait été condamné en juin à six mois de prison ferme, une peine confirmée en appel mais non assortie d'un mandat de dépôt.
Il avait été jugé à la suite d'une plainte de l'ancien ministre de la Communication Amar Belhimer pour un article publié sur le site de Radio M sur le mouvement islamiste Rachad, classé comme organisation terroriste en Algérie, et les protestations pro-démocratie du Hirak.
Pour RSF, El Kadi «paie sans doute le prix de ses articles critiques envers les autorités et de l'indépendance des médias qu'il dirige».
L'Algérie figure à la 134e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2022 établi par RSF.