La justice algérienne vient d’ordonner la mise sous mandat de dépôt à la prison de Dar El-Beida, à Alger, de quatre jeunes influenceurs algériens. Ils sont accusés d’implication dans une affaire d’arnaque de 75 étudiants algériens, auxquels une société fictive, ayant plusieurs dénominations, dont Future Gate, aurait promis des inscriptions dans des universités et écoles supérieures en Turquie, Ukraine et Russie.
Les jeunes influenceurs écroués jeudi sont Numidia Lezoul, Aberkane Mohamed dit Stanley et Boudjemline Farouk alias Rifka. Pour sa part, l’influenceuse Ines Abdelli a été placée sous contrôle judiciaire car elle est encore mineure.
De quoi sont accusés réellement ces jeunes influenceurs? D’avoir fourni des prestations commerciales, tout ce qu’il y a de légal, en faisant passer une publicité, vu leur grande notoriété, pour la supposée société fictive ayant arnaqué les étudiants algériens.
Selon le procureur de la République près le tribunal de Dar El-Beida, les autres influenceurs ont recouru «à la tromperie, aux mensonges et à des manœuvres frauduleuses» au profit d’une société commerciale fictive, «à travers l’usage de spots publicitaires promotionnels et attractifs sur les pages des réseaux sociaux».
Or, contrairement aux accusations de la police algérienne, qui a monté de toutes pièces cette affaire, les influenceurs n’ont jamais été en contact avec les étudiants, et encore moins perçu un seul sou d’eux.
La principale accusée dans cette affaire est la jeune «instagrameuse» Numidia Lezoul, 25 ans, suivie par six millions d’abonnés sur Instagram, sans parler des centaines de milliers de followers sur Facebook et YouTube. Cette star des plateaux des TV privées algériennes, où elle étale régulièrement ses grands talents d’animatrice, actrice ou même chanteuse, est aussi connue pour le farouche combat qu’elle avait menée en juillet dernier, toujours sur les réseaux sociaux, pour mettre de l’oxygène à la disposition de milliers de malades du Covid-19 à travers l’Algérie.
Selon le site Algeriepart, «Numidia Lezoul a, certes, marchandé avec le principal accusé dans ce scandale d’escroquerie, mais en tant que prestataire de services qui offre des publicités personnalisées en profitant de sa grande notoriété publique. L’influenceuse algérienne n’avait aucunement une quelconque relation avec le business immoral et illicite des principaux responsables de ce scandale d’escroquerie».
Il n’en fallait pas plus pour que la police l’accuse d’avoir violé «la réglementation régissant les mouvements des capitaux» et participé à une opération de «blanchiment de fonds illicites».
Il faut dire que le régime algérien a commencé à resserrer l'étau sur les plus célèbres influenceurs algériens actifs sur les réseaux sociaux et ce, conformément aux menaces que le président Abdelmadjid Tebboune a proféré, mardi dernier, à partir du ministère de la Défense, devant les généraux algériens.
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Le président algérien a adressé en effet des menaces claires aux personnes actives sur les réseaux sociaux. «Le commentaire politique et la liberté d'expression étaient garantis, mais dans le cadre du respect, car ceux-ci n'ont aucune relation avec l'invective, la diffusion de mensonges et les tentatives visant à faire plier l'Etat au moyen de méthodes tordues», a ainsi déclaré Tebboune. Et de préciser: «Je ne cesserai de le répéter... Aucune démocratie n'est envisageable dans un Etat faible, une faiblesse qui favorise l'anarchie et les concessions sur les principes». L’Etat fort qu’est l’Algérie a donc montré l’étendue de son pouvoir en mettant derrière les barreaux les trois influenceurs, vivant en Algérie, qui comptent le plus de suiveurs dans le pays.
Le but de cette manœuvre est double: à la fois tétaniser toute voix critique envers le régime et faire diversion aux révélations explosives de Guermit Bounouira, l’ancien secrétaire particulier du défunt Gaïd Salah. Les manœuvres de terreur de la junte interviennent à un mois du 3e anniversaire du Hirak, qui sera probablement célébré le 22 février dans la rue. Et il ne faut même plus compter sur le football pour occuper les Algériens ou rendre moins pénible leur quotidien.