Tous les blogueurs algériens en exil à l’extérieur sont unanimes sur une chose: les fils de l’ancien patron de l’armée algérienne, Ahmed Gaïd Salah, ont à nouveau maille à partir avec la justice de leur pays. Enlevés, arrêtés ou mis en demeure après le refus de répondre aux convocations de la justice, les versions diffèrent aussi sur le nombre de personnes concernées, certains affirmant que les quatre fils de Gaïd Salah -Boumediene, Adel, Mourad et Hichem- ont été arrêtés ou enlevés, alors que d’autres laissent entendre que seuls Boumediène et Adel sont placés en détention à Constantine, dans les locaux du Centre technique de recherches et d’investigations (CTRI) relevant de la 5ème région militaire.
Ces sources croient savoir que l’arrestation des fils de Gaïd Salah serait en relation avec celle, il y a trois mois, du général Sofiane Aouis, ex-responsable de la Direction centrale des infrastructures militaires et ancien responsable de l’Établissement central de construction, une société de travaux publics relevant du ministère de la Défense. Ce dernier, en bon général de l’armée algérienne, avait caché le butin de ses détournements dans une cave bien aménagée dans son domicile, où la somme colossale de 3 milliards de dinars (23 millions de dollars) en liquide a été découverte. Aux enquêteurs, il aurait affirmé que c’est grâce aux fils de Gaïd Salah, qui intercédaient auprès de leur père, qu’il a réussi à octroyer de nombreux marchés en contrepartie de juteux pots-de-vin.
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Ce n’est pas la première fois que les enfants de Gaïd Salah sont accusés de trafic d’influence et d’enrichissement illicite. Lors de la vendetta implacable lancée par les généraux Khaled Nezzar et Mohamed Mediène dit Toufik contre le vaste clan de Gaïd Salah, dont des Premiers ministres, des ministres, des généraux et autres officiers de l’armée, ainsi que des hommes d’affaires, les fils du patron de l’armée de 2004 à 2019 ont été à un doigt d’être emprisonnés à leur tour.
Afin de les coincer, c’est Salima Tlemçani, journaliste attitrée des généraux de la décennie noire en Agérie, qui a été chargée de sortir, dans les colonnes d’El Watan du 11 août 2020, un brûlot intitulé «Les enfants de Gaïd Salah détenteurs de nombreux biens: les détails d’une fortune à l’ombre du général», avec comme illustration, sur toute la Une du journal, la photo d’Ahmed Gaïd Salah en habits de chef de l’armée algérienne.
Abdelmadjid Tebboune, qui n’a pas encore oublié que c’est Gaïd Salah qui l’a lancé, à l’époque, dans la course à la présidentielle de 2019 et lui a même offert les clés d’El Mouradia sur un plateau, a ordonné à la famille de Gaïd Salah d’intenter un procès en diffamation contre El Watan. La plainte, déposée dès le lendemain de la parution de cet article, fut immédiatement déclarée recevable par le tribunal de Sidi Mhamed d’Alger. En attendant, El Watan fut immédiatement sevré, toujours sur ordre de la présidence algérienne, de toute publicité «étatique», distribuée par l’Agence nationale de l’édition et de la publicité (ANEP).
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Pourtant, le 6 août 2020, Larbi Ounoughi, nommé directeur général de l’ANEP quatre mois plus tôt, a également préparé, dans une interview parue dans les colonnes d’El Watan, le terrain à l’emprisonnement des fils de Gaïd Salah.
Il y révélait que durant les deux dernières décennies, celles où Abdelaziz Bouteflika et Ahmed Gaïd Salah étaient au pouvoir, «l’ANEP a fait l’objet de monopole par des groupes d’influence au pouvoir qui y ont fait main basse». Selon lui, sur les 15.000 milliards de dinars qui ont été détournés des caisses de l’ANEP durant l’ère Bouteflika, Adel Gaïd Salah a accaparé une bonne partie de ce pactole publicitaire grâce à un quota accordé quotidiennement et indûment à son journal fantôme Edough News, paraissant irrégulièrement à Annaba.
Suite à ces accusations contre le fils de Gaïd Salah, Larbi Ounoughi a été débarqué sans ménagement par M. Tebboune de l’ANEP en septembre 2020, à la tête de laquelle il n’a pas bouclé six mois.
L’on se rappelle que le 19 décembre 2019, Abdelmadjid Tebboune, en prêtant serment en tant que nouveau président algérien, a décerné la médaille de l’Ordre national de mérite du rang «Sadr» au général Ahmed Gaïd Salah et l’a chaudement embrassé, à l’image des baisers de la Guerre froide qu’échangeaient les anciens présidents russe et est-allemand Léonid Brejnev et Erich Honecker.
Six jours plus tard, le président algérien était en larmes devant le cercueil du général Gaïd Salah, avant de présenter ses condoléances à ses fils, auxquels il a déclaré qu’il agira à leur égard comme il le fait pour ses propres enfants.
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Mais avec l’arrestation, ces derniers jours, des fils de Gaïd Salah, il semble qu’Abdelmadjid Tebboune a tourné casaque en levant la protection qu’il leur garantissait jusqu’ici, même s’il n’a jamais pu empêcher que leur soit imposée une ISTN (interdiction de quitter le territoire national).
En plus de n’avoir rien pu faire contre les arrestations des enfants de son mentor, Abdelmadjid Tebboune a également refusé de rencontrer la veuve de Gaïd Salah, qui a parcouru plus de 600 km, d’Annaba à Alger, en vue de connaître et comprendre le sort qui s’est abattu sur ses fils. Saïd Chengriha, le successeur de Gaïd Salah à la tête de l’armée, a lui aussi refusé de l’accueillir.
Pourtant, c’est Gaïd Salah qui a permis à Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chengriha de former le duo qui dirige actuellement l’Algérie, deux hommes dont les fils sont englués dans de graves affaires de corruption.
Khaled Tebboune n’est-il pas impliqué dans des scandales de trafic de cocaïne, dont celui dit «affaire El Bouchi», où il a été condamné à la prison et n’a dû sa relaxe injustifiée, en février 2020, qu’à l’arrivée de son père à la présidence algérienne? Chafik Chengriha et ses sœurs, dont Melissa, ne sont-ils pas émargés sur la Sonatrach et sur le budget de l’armée, auxquels ils soutirent des millions d’euros qu’ils gaspillent impunément dans de louches affaires à Paris, Londres et Genève?