Algérie: Mohamed Tadjadit, l’intrépide poète du Hirak, à nouveau emprisonné et en grève de la faim

Mohamed Tadjadit, l’intrépide poète du Hirak.

Le mardi 11 novembre courant, la justice injuste du régime algérien a condamné un poète, Mohamed Tadjadit (31 ans), à 5 ans de prison et deux amendes d’un montant total de 700.000 dinars. Connu sous le nom de poète du Hirak, Tadjadit, condamné pour la énième fois depuis 2019 à cause de sa libre expression et de la portée irrépressible de son verbe, est depuis plusieurs jours en grève de la faim pour protester contre son emprisonnement injuste.

Le 20/11/2025 à 16h41

Arrêté, jugé et condamné plusieurs fois à des peines de prison, gracié à deux reprises par le président Abdelmadjid Tebboune, l’activiste et poète inspiré et inspirant du Hirak Mohamed Tadjadit retrouve à nouveau la prison.

Le 11 novembre courant, il a été condamné par le tribunal de Dar El Beïda à Alger à 5 ans de réclusion criminelle en vertu du fameux article 87 bis du nouveau code pénal algérien de 2024, qualifié de texte de loi le plus liberticide de la planète. Pour avoir publié, comme d’habitude, des écrits critiques à l’égard du régime, Mohamed Tadjadit s’est vu accoler des chefs d’accusation tout simplement risibles. D’après un communiqué diffusé par son avocat, Fetta Sadat, il a été «reconnu coupable de crime d’apologie d’actes terroristes, utilisation des technologies de l’information pour soutenir des entités terroristes, propagation d’idées à caractère terroriste, outrage à corps constitué, atteinte à l’intérêt national par des publications publiques, et incitation à attroupement non armé». Tadjadit a également été condamné à une amende de 200.000 dinars, en plus de 500.000 dinars à verser à titre de réparation civile au profit de l’agent judiciaire du Trésor public.

Cette condamnation a été en réalité déjà prononcée durant la seule année 2025 à trois reprises. D’abord, en janvier 2025, quand il a été arrêté puis condamné à 5 ans de prison. En cause, des publications sur les réseaux sociaux que le pouvoir n’a pas trouvées à son goût. En mai 2025, il est rejugé en appel et voit sa peine ramenée à une seule année de prison. Mais alors qu’il ne lui restait que moins de deux mois à purger, la peine de Tadjadit a été à nouveau aggravée par le recours à l’article 87 bis du nouveau code pénal algérien, en transformant un poète en terroriste. Un sort qui rappelle des temps qu’on pensait révolus à l’instar des vies brisées de Federico García Lorca et Pablo Neruda par la dictature.

Il faut noter que la condamnation de Tadjadit est intervenue quelques heures seulement avant la grâce présidentielle accordée au grand écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, le 12 novembre, avant qu’il ne soit libéré et transféré en Allemagne le même jour. La tentative du régime algérien de masquer l’affaire Tadjadit par celle, très médiatisée, de Sansal a lamentablement échoué, puisque le poète du Hirak a immédiatement déclenché une grève de la faim qui a fait tourner les projecteurs sur l’injustice dont il est victime depuis 2019. C’est en effet le 19 décembre 2019, soit une semaine seulement après l’arrivée de Tebboune à la présidence algérienne, que Tadjadit est condamné pour la première fois à 18 mois de prison pour «atteinte à l’unité nationale», et ce alors qu’il participait à un rassemblement en vue d’exiger la libération des détenus du Hirak. Il sera gracié deux semaines plus tard, le 2 janvier 2020, par Tebboune, qui s’est montré à ses débuts cléments avec les prisonniers, et ce pour en faire profiter son fils Khaled, alors en prison pour des affaires mafieuses de trafic de cocaïne en relation avec la tristement célèbre affaire de Kamal El Bouchi.

En août 2020, en pleine pandémie de Covid, Tadjadit est à nouveau arrêté à son domicile et condamné à la prison à cause d’un poème publié sur les réseaux sociaux et dans lequel il prédit la chute du régime des généraux corrompus et de leur marionnette parachutée à El Mouradia.

Dans ce poème on peut lire:

«…Ils (généraux) ont cassé la loi par la force du mal…

Nous supprimerons ce colonialisme qui a vendu le pays sous table.

Nous supprimerons les généraux

Avec eux leur police politique qui n’arrête pas de faire du mal et qui ont fait de la France leur Mecque (biens mal acquis)

Oubliez de faire de nous des terroristes!

Votre système s’est affaibli

Vos failles sont apparentes

Que Tebboune soit déchu…».

Non jugé après ces vers acerbes, Tadjadit restera en détention provisoire jusqu’à janvier 2021. Il fera un coup d’éclat, quatre mois plus tard, en mettant à nu un scandale qui a secoué la police algérienne. Le 4 avril 2021, il publie sur sa page Facebook, les déclarations d’un jeune manifestant du Hirak, encore mineur, qui affirme avoir été victime d’abus sexuels de la part d’un policier dans les locaux d’un commissariat. Tadjadit est alors accusé de «diffamation» et d’«insulte à fonctionnaire».

Ce cri de cœur, ce soulèvement contre la barbarie d’un système répressif tolérant envers sa soldatesque qui viole sexuellement des enfants, lui vaut un nouveau séjour en prison, jusqu’au 7 août 2022.

S’ensuivront plusieurs autres arrestations, détentions provisoires durant les années 2023, 2024 et 2025. Pendant ses rares moments de liberté, ce jeune qui maintient mordicus la flamme du Hirak allumée sur les réseaux sociaux, est constamment placé sous haute surveillance d’agents des forces de sécurité, en permanence plantés près de son domicile familial et le suivant comme son ombre lors de ses déplacements en ville.

Sans compter les 5 années de prison qu’il vient d’écoper, Mohamed Tadjadit a passé plus de 66 mois en prison depuis 2020, soit pour avoir participé ou appelé à des rassemblements, soit pour avoir publié des écrits critiques à l’égard du régime.

Le cas de Mohamed Tadjadit est un drame terrible, parce qu’il s’agit d’un jeune, âgé à peine de 30 ans, et qui a fait de la poésie une arme de résistance contre un régime tortionnaire. À l’instar de grands poètes, Mohamed Tadjadit a la conviction ultime que la poésie peur changer un pays, peut changer le monde. La peur panique qu’il inspire au régime d’Alger montre que son but ultime est possible.

Par Mohammed Ould Boah
Le 20/11/2025 à 16h41