C’est un véritable piège que le clan Bouteflika vient de lui tendre, et Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major algérien et vice-ministre de la Défense, ne le sait déjà que trop bien. Hier, dimanche 31 mars, lors de l’annonce du nouveau gouvernement algérien, nous apprenions que celui a qui appelé deux fois à destituer Abdelaziz Bouteflika a été maintenu à son poste par l’homme qu’il veut écarter. Gaïd Salah se retrouve ainsi numéro 2 du gouvernement d’un régime en fin de vie. Il est, de fait, replacé au cœur d’un exécutif dont il a clamé qu’il ne voulait plus.
Que va faire Gaïd Salah contre cette tentative de l’embraquer dans un navire qui va immanquablement couler ? A-t-il donné son accord pour faire partie d’un gouvernement décrié ? Lui qui vient de taper très fort sur la table en pointant du doigt, samedi, «des parties malintentionnées s’affairent à préparer un plan visant à porter atteinte à la crédibilité de l’ANP [l'armée algérienne, Ndlr] et à contourner les revendications légitimes du peuple», il s'est retrouvé, hier, dimanche, membre éminent du dernier gouvernement en date de Abdelaziz Bouteflika.
Selon les médias algériens, la nomination du nouveau gouvernement précéderait une possible démission du président Bouteflika. Ce qui amènerait de facto cet exécutif à gérer la longue transition, 90 jours, devant aboutir à l’organisation de nouvelles élections présidentielles.
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Si Ahmed Gaïd Salah consent à se maintenir au poste auquel il a de nouveau été désigné, cela signifie qu’il accepte un cadeau des plus empoisonnés. Etre ainsi en contradiction avec sa position, celle d’un ferme rejet du régime de Bouteflika, c’est perdre toute crédibilité vis-à-vis de l’opinion publique algérienne qu’il tente vainement d’amadouer. Quand on sait que Gaïd Salah nourrit des ambitions présidentielles, accepter son poste revient automatiquement à compromettre ses chances de s’ériger en homme providentiel en Algérie. Lui qui se voyait déjà en haut de l’affiche, comme en témoigne ce spot à son unique gloire, diffusé sur le site du ministère de la Défense algérien.
Mais si Ahmed Gaïd Salah refuse le poste, il devra entrer en confrontation directe avec un régime qui s’accroche aux manettes, mais qui est aujourd’hui lâché de toutes parts. Ce sera alors une guerre au sommet de l’Etat.
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Tous les scénarii sont désormais sur la table. Le tout, dans ambiance délétère de fin de règne, avec des responsables qui tentent de fuir non seulement leurs responsabilités, mais aussi tout un pays. L’exemple de l’ancien patron des patrons, Ali Haddad, arrêté en possession de grandes sommes en devises à la frontière avec la Tunisie est à cet égard édifiant en la matière. Un autre homme d’affaire très proche du clan Bouteflika, Mahiédine Tahkout, a été lui aussi empêché d’embarquer à bord de son jet privé avec son épouse.
Le tout est de savoir à présent ce que fera ce général, chef d’état-major de l’armée, qui n’a cessé de taper du poing sur la table, alors que la situation échappe désormais à tout contrôle et dans laquelle il se voit maintenu. En tant que deuxième homme fort du pays.
Tous les yeux sont désormais braqués sur le prochain discours de Gaïd Salah. Que va-t-il y déclarer?
Pour Gaïd Salah, comme pour toute l’Algérie, le saut dans l’inconnu n’a jamais été aussi imminent.