Suite à la réussite de la campagne du hashtag «#Manich_Radi» (je ne suis pas satisfait), largement partagé fin décembre dernier par les Algériens de l’intérieur et de la diaspora, le régime algérien, qui y a vu une manifestation massive du Hirak sur les réseaux sociaux, a été sérieusement ébranlé. Ses réactions ont laissé transparaître une grande panique, tant à travers les habituelles et fausses accusations de mains étrangères, que par la mise en scène ratée d’un contre-hashtag qu’il a lancé lui-même (Ana maâ bladi: je suis avec mon pays). Pire, le président algérien a annoncé dans la foulée ce qui va s’avérer être une diversion. En effet, en annonçant, le mercredi 25 décembre, qu’il a pris des mesures d’apaisement, avec la promesse de gracier 2.147 prisonniers (non identifiés), des centaines d’activistes ayant participé au hashtag «#Manich_Radi» ont commencé le même jour de cette annonce à être arrêtés à travers tout le pays.
Ces arrestations, qui se poursuivent jusqu’au jour d’aujourd’hui, ont atteint leur pic avec le rocambolesque enlèvement du célèbre journaliste algérien, Abdelwakil Blam, dont les écrits anti-régime sont largement suivis sur sa page Facebook.
Ce militant politique n’est autre que l’un des fondateurs du mouvement «Barakat» qui, dès 2014 déjà, s’est ouvertement et publiquement opposé au 4ème mandat de Abdelaziz Bouteflika, avant de militer au sein du Hirak, en 2019, en faveur de l’avènement d’un état civil, en lieu et place de l’actuel régime militaire.
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Dimanche dernier, un communiqué du parquet de Chéraga à Alger a annoncé le placement d’Abdelwakil Blam en détention provisoire, sous le chef d’accusation de «communication avec des terroristes établis hors du pays».
Le fameux article 87-bis du nouveau code pénal algérien, décrié par l’ONU et par le Département d’État américain entre autres, qui le considèrent comme une instrumentalisation du terrorisme en vue de faire taire les opposants politiques, a été à nouveau actionné par le régime.
Dans un communiqué de presse publié le 5 janvier courant, le procureur général près le tribunal de Chéraga a annoncé que c’est la Direction générale de la sécurité intérieure, relevant de l’armée et dirigée par le tristement célèbre général Nacer El Djen, tortionnaire de la décennie noire, qui est chargée d’enquêter sur les accusations proférées contre Blam.
Il serait ainsi poursuivi pour publication de «fausses informations tendancieuses via son compte Facebook, dans le but de créer la discorde au sein de l’opinion publique», selon le communiqué du parquet.
Le parquet ajoute que la DGSI a «exploité le téléphone» de Blam, et que ce dernier aurait «effectué plusieurs appels et correspondances avec des terroristes établis en dehors du territoire national».
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Le plus risible, c’est que le communiqué du parquet algérois a été repris par tous les médias du régime (journaux, sites électroniques et télévisions), sans oser citer le nom complet de leur confrère emprisonné, mentionné dans le communiqué par ses seules initiales, inversées, BAW.
Cette affaire a eu le mérite de montrer le niveau très bas qui caractérise actuellement les institutions algériennes, qu’il s’agisse de la présidence, des services de renseignement, de la justice… qui ne savent répondre aux demandes légitimes du peuple algérien que par la répression et l’accusation de terrorisme.
Le constant refus des Algériens de participer aux mascarades électorales du régime, à nouveau confirmé par le boycott massif de la présidentielle de septembre dernier, par quasiment 90% des électeurs, et le récent cri de colère à travers le hashtag d’insatisfaction, montrent combien le régime est totalement isolé et fortement rejeté à l’intérieur.
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C’est cet isolement qui lui fait peur, au point de brandir à tout-va la présumée menace terroriste. Lundi dernier, un avocat a été accusé par le juge d’avoir défendu par le passé le «terroriste Karim Tabbou», un autre opposant politique du régime et activiste du Hirak.
Le terrorisme est même devenu un socle de la politique étrangère du régime algérien, dont le représentant à l’ONU vient de déclarer que l’Algérie compte étendre davantage son expérience de lutte antiterroriste à tous les pays africains. Une expérience dont on voit déjà les affres au Sahel.