Lancé depuis avril dernier, le processus de démantèlement du clan du général défunt, Ahmed Gaïd Salah, n’en finit pas d’éclairer sur les pratiques mafieuses de l’armée algérienne.
Dernier acte en date, «le général-major Lechkham est aujourd’hui soumis à une enquête approfondie qui porte sur l’acquisition pour 2 milliards de dollars de matériel de télécommunications et d’équipements électroniques qui ne constituaient pas une priorité nationale pour l’Armée nationale et Populaire (ANP)».
C’est ainsi que le média algériepart annonce ce nouveau scandale de corruption, de dilapidation et de détournement de deniers publics qui éclabousse l’armée algérienne. L’enquête a été confiée à la «police» militaire, à savoir la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DGSA) que dirige le général Sid Ali Ould Zemirli, un proche parmi les proches du chef d’état-major, le général de corps d’armée Saïd Chengriha.
Deux milliards de dollars détournés par un seul général, dans une armée qui en compte quasiment une centaine en activité? Certes, il est de notoriété que les pratiques mafieuses des hauts gradés algériens sont courantes, mais aujourd’hui, les règlements de compte avec le clan de feu Gaïd Salah permettent de lever le voile sur ce système militaro-affairiste opaque qui gangrène l’Algérie depuis son indépendance. Un système qui se partage annuellement un pactole de quelque 10 milliards de dollars (!). Le montant donne non seulement le tournis, mais aussi une idée sur les proportions démesurées que prend la corruption au sein du corps des généraux algériens, dont la guerre clanique qu'ils se sont livrée dès 2019, a permis d’en voir un petit bout.
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Pour rappel, le général-major Lechkham, ancien proche de feu Gaïd Salah, a été arrêté le 17 avril dernier, soit quatre jours seulement après l’interpellation spectaculaire de l’autre bras droit du défunt, le général Wassini Bouazza, ancien puissant patron des services des renseignements intérieurs algériens (DGSI). Mais contrairement à Bouazza, dont les rumeurs s’accordent à dire qu’il a été sauvagement torturé, puis condamné à huit ans de prison ferme (pour un seul chef d’accusation, d’autres, plus graves, sont en cours d’instruction), Lechkham sera brièvement emprisonné, interrogé puis rapidement relâché. Il a ensuite été placé sous le coup d’une interdiction de quitter l’Algérie et son passeport lui a été confisqué.
La raison de ce traitement de «faveur» réservé à Lechkham, par rapport à la rapide déchéance de Bouazza, relève en fait d'une anicroche entre l’actuel président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et le chef d’état-major de l’armée, le général Saïd Chengriha.
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Comme le décrit algériepatriotique, «le général Abdelkader Lechkham a pu gravir les échelons grâce à sa relation avec l’ancien chef du protocole de Bouteflika, Mohamed Rougab, les deux hommes étant issus de la même région. Après la déchéance de l’ancien président de la République, il a joué un rôle central dans la prise du pouvoir par Gaïd Salah».
Or, Mohamed Rougab et Abdelkader Lechkham ont aussi été parmi les soutiens les plus fervents de l’actuel président algérien durant sa campagne électorale. C’est pourquoi Tebboune, pourtant président de la République, chef suprême des forces armées et ministre de la Défense, a dû implorer le général Chengriha pour lui demander de faire preuve de clémence à l’égard de son ancien soutien, Lechkham.
Mais ce n’était que partie remise, puisque la récente extradition, puis l'audition musclée de l’adjudant-chef Guermit Bounouira, qui était en service chez Abdelkader Lechkham avant de devenir le secrétaire particulier de Gaïd Salah, a complètement changé la donne. Non parce que c’est Lechkham qui a signé le document de la retraite anticipée ayant permis à Bounouira d’être exfiltré hors d’Algérie par Wassini Bouazza, mais du fait que Bounouira a fini par «parler» et a sûrement «mouillé» nombre d’officiers et personnalités algériennes qui gravitaient autour de Gaïd Salah.
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Le récent mandat d’arrêt international lancé contre le général véreux Ghali Belkecir, ancien chef d’état-major de la gendarmerie algérienne, l’arrestation du commandant Hichem Darouiche, tous deux accusés de haute trahison, puis l’ouverture d’une enquête contre Lechkham sont les premiers contrecoups de l’interrogatoire subi par Benouira.
Lechkham, qui n’a donc fait que ce que font tous les généraux algériens, doit s’expliquer à présent sur les 2 milliards de dollars partis en fumée, entre 2014 et 2019, sous forme de surfacturations pour l’achat de matériel électronique jugé «inutile». Les deux milliards de dollars dépensés par le général Abdelkader Lechkham vont certainement démultiplier l’appétit des nouveaux généraux qui ont pris les postes des proches de feu Gaïd Salah.
On comprend, dès lors, pourquoi les budgets de tous les ministères algériens ont été sévèrement rabotés en raison de la crise du coronavirus, à l’exception du budget de la Défense, qui, lui, est resté intact. C’est qu’il ne faut surtout pas toucher à l’argent des généraux.