Chef du parti islamo-conservateur Ennahdha et de l’ancien Parlement, Rached Ghannouchi, 81 ans, a été arrêté lundi, après des déclarations dans lesquelles il a affirmé que la Tunisie serait menacée d’une «guerre civile» si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique comme Ennahdha, y était éliminés. Il a été placé sous mandat de dépôt, a annoncé jeudi sa formation, en dénonçant un «emprisonnement injuste».
Selon l’avocat Mokhtar Jemai, qui intervenait sur une radio privée, un juge d’instruction a décidé de placer en détention le chef islamiste à l’issue d’un interrogatoire de plus de 9 heures, avec pour motif l’incitation à la guerre civile.
L’Union européenne, un partenaire clef de la Tunisie, a dit mardi suivre «avec beaucoup d’inquiétude les derniers développements» dans le pays, citant l’arrestation de M. Ghannouchi et la fermeture des locaux de son parti. L’UE a aussi souligné «le principe fondamental du pluralisme politique».
Pour les États-Unis, ces arrestations représentent une «escalade inquiétante». «Les arrestations par le gouvernement tunisien d’opposants et de critiques sont fondamentalement contraires aux principes que les Tunisiens ont adoptés dans une Constitution qui garantit de manière explicite la liberté d’opinion, de pensée et d’expression», a affirmé dans un communiqué mercredi le porte-parole du département d’État américain, Vedant Patel.
Dans un communiqué publié mercredi soir, en réaction aux déclarations européennes, le ministère tunisien des Affaires étrangères a affirmé que «les lois de la République s’appliquent à tous les justiciables sans exception, avec toutes les garanties légales», et que «la justice s’exerce sereinement, sans être influencée par la vague de commentaires inappropriés et inadmissibles».
«Une ingérence inacceptable»
Il a soutenu que ces commentaires «ne peuvent qu’affecter les efforts intenses du pays pour redresser une situation économique et financière sous grande tension du fait, en grande partie, de la mauvaise gouvernance et de l’amateurisme ayant caractérisé la décennie écoulée» pendant laquelle le parti Ennahdha de M. Ghannouchi jouait un rôle politique de premier plan. Le ministère n’a pas expliqué le lien qu’il fait entre les inquiétudes exprimées sur l’état de droit et les libertés dans le pays et sa situation économique.
«Ces communications constituent une ingérence inacceptable dans les affaires internes de la Tunisie émanant de parties pourtant informées sur les réalités du pays», a ajouté le ministère tunisien, soulignant de nouveau «l’importance du redémarrage de l’économie tunisienne dans les meilleures conditions possibles».