Les ministres de l’Environnement ou de la Construction des pays signataires - dont les États-Unis, la Côte d’Ivoire, le Maroc et l’Arabie Saoudite, mais pas la Chine - ont adopté une «déclaration de Chaillot», du nom du palais à Paris dans laquelle elle a été finalisée, lors du premier «Forum mondial bâtiments et climat» organisé par l’agence des Nations unies pour l’environnement et le gouvernement français.
«La déclaration reste ouverte à davantage de soutiens et a vertu à rassembler davantage de pays dans les semaines qui viennent», a souligné le ministère français de la Transition écologique, qui espère engranger de nouvelles signatures d’ici le prochain forum urbain mondial du Caire et la COP29 à Bakou en Azerbaïdjan, en novembre.
Normes, financements immobiliers, matériaux, énergie... L’objet est de décarboner l’industrie du bâtiment, fortement émettrice de gaz à effet de serre responsable de l’élévation des températures mondiales. Mais aussi de rendre le bâti plus résilient face aux tempêtes, inondations et canicules qui se multiplient, notamment dans les pays du Sud les plus vulnérables.
Pour la première fois, tout ce que la planète compte de bâtisseurs, architectes, ingénieurs, bureaux d’étude, industriels des matériaux se sont réunis avec des diplomates et bailleurs de fonds internationaux autour de la question climatique.
Regina Gonthier, qui préside l’Union internationale des architectes (UIA) a publiquement affirmé l’engagement de la profession adopté l’été dernier de «prioriser la réhabilitation du bâti existant de manière vertueuse plutôt que de construire des bâtiments neufs». Un petit défi dans un secteur dominé parfois par les egos des créateurs.
«Rediriger les flux financiers»
Il y a urgence. La construction est un secteur «où les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent d’augmenter» et qui «n’est pas sur la bonne voie pour parvenir à la décarbonation d’ici 2050», indique la déclaration.
Ligia Noronha, sous-secrétaire générale de l’ONU, a rappelé que «la participation du secteur privé devra atteindre plus de 24 milliards d’euros en 2030 pour arriver au net zéro»: «Il faut rediriger les flux financiers», ainsi qu’un «cadre réglementaire propice», a-t-elle déclaré.
Mais «110 pays ne disposent de normes obligatoires concernant l’efficacité énergétique», s’est désolé le directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol.
Lire aussi : Réchauffement climatique: le monde a connu son hiver le plus chaud jamais enregistré
L’ONU prévoit notamment un doublement des surfaces construites d’ici à 2060 dans le monde ainsi qu’un quasi-doublement de la consommation de matières premières, dont la majorité seraient dévolues à la construction.
Actuellement, le secteur est responsable de 21% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de 37% des émissions de CO2 liées à l’énergie. Il représente aussi 34% de la demande énergétique, pour chauffer ou climatiser, et capte la moitié de la consommation mondiale de matières premières, selon la déclaration.
«La participation du secteur privé devra atteindre plus de 24 milliards d’euros en 2030 pour arriver au net zéro.»
— Ligia Noronha, sous-secrétaire générale de l’ONU
Par ailleurs, 100 milliards de tonnes de déchets de la construction sont générés par les démolitions et rénovations chaque année, la plupart pas réutilisés, et 35% d’entre eux terminent dans des zones d’enfouissement.
D’ici 2060, le doublement des surfaces bâties devraient ajouter plus de 230 milliards de mètres carrés bâtis. En Afrique, elles pourraient tripler, et même quadrupler dans les pays à urbanisation rapide, indique le document.
En 2021, si 40% des pays (79 sur 196) disposaient d’un code de l’énergie, seulement 26% disposaient de normes de construction obligatoires, souligne le document.
Parmi les engagements pris par les participants, il faudra économiser l’eau et l’énergie, réduire autant que possible les installations de climatisation en privilégiant la circulation d’air à l’intérieur des bâtiments, mais aussi développer la formation de la main d’oeuvre pour réaliser cette tâche titanesque.
Le ministre des villes brésilien, Jader Barbalho Filho, a souligné que les solutions applicables au Sud sont différentes de celles pour le Nord, en relevant notamment que son pays avait besoin de 6 millions de logements abordables pour sa population.