À trois mois des européennes, ce scrutin précipité par la démission du Premier ministre sortant Antonio Costa, qui ne briguait pas un nouveau mandat, vient confirmer que l’extrême droite progresse à travers le Vieux Continent, comme l’avaient montré les électeurs italiens ou néerlandais.
Le Portugal était un des rares pays en Europe à être dirigé par la gauche lorsque M. Costa, 62 ans, a jeté l’éponge après avoir été cité dans une enquête pour trafic d’influence au début du mois de novembre.
Selon la projection de la télévision publique RTP, l’Alliance démocratique (AD) de centre droit emmenée par Luis Montenegro, 51 ans, aurait gagné les élections de dimanche avec 29 à 33% des voix, mais ne serait pas en mesure de former une majorité à elle seule.
Longtemps député puis chef de groupe parlementaire quand son parti était au pouvoir (2011-2015), M. Montenegro s’est engagé pendant la campagne à ne pas former un gouvernement avec le soutien de l’extrême droite.
Il espérait s’appuyer sur le petit parti Initiative libérale, crédité de 5 à 7% des suffrages, mais les deux formations semblaient loin d’atteindre le seuil de 116 députés sur 230 sièges, synonyme de majorité absolue.
«Résultat historique»
Le chef de l’extrême droite portugaise, André Ventura, s’est aussitôt félicité d’«un résultat absolument historique», en se disant «disponible» pour «donner un gouvernement stable au Portugal» au sein d’«une majorité forte à droite».
Toujours selon la projection RTP, son parti antisystème Chega (Assez) aurait obtenu entre 14 et 17% des voix, soit le double des précédentes législatives de janvier 2022 (7,2%) mais en ligne avec les prévisions des enquêtes pré-électorales.
À l’issue d’un scrutin marqué en outre par une nette hausse de la participation, son groupe parlementaire, qui comptait une douzaine de députés, pourrait dépasser la quarantaine d’élus.
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Cette nouvelle percée de l’extrême droite intervient alors que le Portugal commémore le mois prochain le 50ème anniversaire de la Révolution des Œillets, qui a mis fin à la dictature fasciste et 13 années de guerres coloniales.
Porté par un discours contre la corruption, l’immigration et les minorités, Chega a été fondé en 2019 par André Ventura, un professeur de droit de 41 ans qui s’est fait connaître en tant que polémiste sur les plateaux de télévision consacrés au football.
Au-delà des soupçons qui ont provoqué la démission d’Antonio Costa, M. Ventura a également insisté pendant la campagne sur la hausse de l’immigration vers ce pays, qui a vu sa population étrangère doubler en l’espace de cinq ans.
«Nouvel espoir»
«Avec tous les changements sociaux, démographiques et économiques, les Portugais sentent qu’ils doivent voter et qu’ils ont un mot à dire sur les choix» politiques, a-t-il affirmé dimanche après avoir voté à Lisbonne.
Le Parti socialiste (PS), qui avait obtenu une majorité absolue lors des précédentes législatives de janvier 2022 avec un score de 41,4%, arriverait désormais en deuxième position avec 25 à 29% des voix.
Après le départ de M. Costa, le PS s’est regroupé autour de Pedro Nuno Santos, un ancien ministre de 46 ans issu de son aile gauche.
Malgré l’assainissement des finances publiques, une croissance supérieure à la moyenne européenne et un chômage au plus bas, le bilan du gouvernement socialiste sortant a été terni par l’inflation, des dysfonctionnements dans les hôpitaux et les écoles, puis par une importante crise du logement.
Au cours de la campagne, le chef de l’opposition de centre droit Luis Montenegro a promis de réduire les impôts afin de doper la croissance, tout en disant vouloir améliorer les services publics.
«Nous avons fait un gros travail pour montrer que le Portugal s’était appauvri avec le gouvernement socialiste. Maintenant il faut donner un nouvel espoir au pays», a réagi au quartier général de l’Alliance démocratique David Galego, un élu local de 48 ans.