Emmanuel Macron: les accords avec l’Algérie à renouveler, Boualem Sansal doit être libéré

Le président français Emmanuel Macron lors de la conférence des ambassadeurs à l'Élysée, le 6 janvier 2025. (Crédit AFP)

Endossant l’ultimatum fixé par le gouvernement Bayrou à l’égard de l’Algérie, le président de la République française, Emmanuel Macron, a à son tour appelé à reconsidérer les accords migratoires entre Paris et Alger. «Rien ne peut prévaloir sur la sécurité de nos compatriotes», a-t-il affirmé, soulignant que la libération de l’écrivain Boualem Sansal fait également partie intégrante des nouvelles exigences françaises vis-à-vis de l’Algérie.

Le 28/02/2025 à 19h13

«Sur des sujets aussi graves, je ne prends pas de décision sans échange avec le président de la République. Ce sont des orientations gouvernementales mais la situation est suffisamment grave pour que le gouvernement agisse en harmonie avec le président de la République, qui a la responsabilité première de notre politique étrangère et de notre sécurité. Nous ne sommes pas en cohabitation, mais en coresponsabilité.» Les propos sont du premier ministre français François Bayrou qui commentait dans un entretien publié par Le Figaro l’ultimatum fixé par la France à l’Algérie. Celui-ci veut que si Alger ne récupère pas ses ressortissants sous OQTF dans un délai de quatre à six semaines, tous les accords bilatéraux pourront être remis en question. Et pour ceux qui pensaient que le premier ministre français s’exprimait sur les relations franco-algériennes sans concertations avec le président Macron, la réponse au Figaro vaut une mise au point.

«Réengager un travail de fond»

Ce vendredi 28 février 2025 et depuis Porto, au Portugal, Emmanuel Macron a donné raison à Bayrou. S’exprimant lors d’une conférence de presse dans le cadre d’une visite d’État, le président français a confirmé: il faut «réengager un travail de fond» sur les accords d’immigration liant les deux pays. Entendez reconsidérer, renouveler lesdits accords.

Pour le président Macron, «rien ne peut prévaloir sur la sécurité de nos compatriotes», en référence au ressortissant algérien de 37 ans, accusé d’avoir assassiné une personne et blessé sept autres à l’arme blanche, samedi 22 février, dans la ville de Mulhouse. L’homme, en situation irrégulière en France, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, à laquelle les autorités algériennes ont opposé une fin de non-recevoir à quatorze reprises. «Quand cette sécurité est menacée par des procédures ou des engagements qui ne sont pas respectés, le gouvernement a raison de s’en saisir», a-t-il affirmé.

Le président Macron a notamment insisté sur les accords de 1994, soit ceux relatifs à la reprise automatique (de) ressortissants. «Ces accords doivent être pleinement respectés. Des statistiques montrent qu’il y a un travail qui existe». Maintenant, «il faut que ces accords soient pleinement respectés», a martelé le chef de l’État français.

Sur les accords de 1968, qui confèrent un statut particulier aux ressortissants algériens en matière de circulation, de séjour et d’emploi, leur permettant, entre autres avantages, une entrée facilitée en France et un accès accéléré à un titre de séjour de 10 ans, Macron a rappelé qu’un premier travail avait déjà été entamé avec le président algérien Abdelmadjid Tebboune à l’été 2022 «pour les moderniser». «Il faut qu’un travail soit repris», a souligné Macron. En attendant, les accords de 1968 ne seront pas dénoncés de manière unilatérale par la France, a tranché Macron. «Ça n’a aucun sens», a-t-il expliqué. En revanche, le président Macron a choisi sciemment de ne pas s’exprimer sur l’accord bilatéral qui exempte les Algériens porteurs de passeports diplomatiques et de passeports de service d’un visa pour accéder au territoire français. Or, c’est le sujet incandescent et la mesure qui épouvantent l’appareil militaro-politique en Algérie, car ces passeports sont imprimés en dizaines de milliers et bénéficient à toute la nomenklatura avec les familles, les proches, les domestiques et jusqu’aux maîtresses de certains apparatchiks.

«Nous n’avancerons pas s’il n’y a pas un travail, on ne peut pas se parler par voie de presse, c’est ridicule, ça ne marche jamais comme cela», a lancé Emmanuel Macron. Le travail de fond, «une exigence», doit se faire avec «respect» et «engagement», selon les mots du président français.

«Il ne faut pas que (les relations) fassent l’objet de jeux politiques», a-t-il ajouté, souhaitant aussi que les «millions de Français nés de parents algériens» ne soient pas «pris dans ces débats». Le travail en question doit se faire avec un sens du réel et une culture du résultat.

«Nous voulons être respectés», a encore souligné le chef de l’État français. «Le gouvernement a raison de lancer le débat et de mettre ces sujets sur la table», a-t-il ajouté.

Parmi ces sujets, figure également l’affaire Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, âgé de 80 ans, souffrant d’un cancer de la prostate, embastillé par le régime. La «détention arbitraire» en Algérie de l’intellectuel, ainsi que «sa situation de santé» a-t-il précisé «nous préoccupent beaucoup», a par ailleurs déclaré Emmanuel Macron. «Je considère que c’est aussi un des éléments qu’il faut régler (avec Alger) pour que la confiance soit pleinement rétablie» entre les deux pays, a ajouté le président français. Une façon très explicite pour dire que la libération de l’écrivain est consubstantielle à l’ultimatum lancé par Paris au régime d’Alger.

Par Tarik Qattab
Le 28/02/2025 à 19h13

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