Le peptide Enna, composé d’un champignon vivant en symbiose avec une plante connue pour sa capacité à piéger les mouches et poussant au Maroc, permettrait d’inhiber directement le HSP90, un protecteur cellulaire naturel et puissant que le cancer détourne, et aiderait ainsi à éviter les attaques du système immunitaire.
Un pas de géant accompli dans la lutte contre le cancer du sein triple négatif qui représente 10 à 20% des cancers du sein et qui ne répond pas à l’hormonothérapie. Ce type de cancer est par ailleurs considéré comme plus agressif et mortel que les autres cancers du sein, aucune thérapie ciblée pour ce cancer n’existant à ce jour.
A la tête de cette découverte majeure, le docteur d’origine marocaine Ahmed Chadli, biochimiste au Département de médecine du Georgia Cancer Center et professeur associé au sein de l’université d’Augusta, aux Etats-Unis. C’est suite à sa rencontre avec le docteur Abdessamad Debbab, chimiste médicinal à l'Institut de biologie pharmaceutique et de biotechnologie de l'Université Heinrich-Heine de Düsseldorf, à l’occasion de la tenue d’une réunion de la Société marocaine de pharmacologie à laquelle ils participaient, il y a quelques années, que cette découverte a vu le jour.
Lire aussi : Vidéo. Moncef Slaoui: «j’ai tout laissé tomber et je travaille volontairement pour un dollar»
En effet, les deux scientifiques ont alors entamé une collaboration qui a conduit à un criblage de produits naturels provenant de plantes et d'organismes médicaux pour identifier les inhibiteurs potentiels de HSP90, qui n'ont de surcroît pas les effets secondaires contre-productifs de la première génération d'inhibiteurs.
"Nous sommes très enthousiasmés par la façon dont ce composé affecte les tumeurs" a déclaré le Docteur Chadli sur le site News Medical, après avoir reçu une subvention de 1,8 million de dollars de l'Institut national du cancer pour poursuivre la poursuite du potentiel d'EnnA.
Une liaison naturelle miraculeuseLa plante Aristolochia paucinervis qui fleurit en février sur les hauteurs de l’Atlas est bien connue au Maroc, notamment pour être dotée de fleurs qui dégagent une odeur particulièrement forte, laquelle attire les mouches qui se retrouvent piégées à l’intérieur. Sa racine est utilisée pour traiter une grande variété de problèmes gastro-intestinaux, de palpitations aortiques et est un antidote contre les morsures de serpent. Son acolyte, le champignon Fusarium tricinctum, a quant à lui déjà montré un certain potentiel contre le cancer du sein et du col de l'utérus en raison de ses effets antiprolifératifs et antioxydants.
Lire aussi : Vidéo. Substances cancérigènes dans le pain: le vrai du faux
Outre ces propriétés naturelles, le docteur Chadli détient désormais des preuves, à la fois en culture cellulaire et dans un modèle animal de cancer du sein agressif, triple négatif, que le composé EnnA est le genre de tueur de tumeur efficace qu'il recherchait. Agissant comme un modulateur immunitaire, ce composé naturel tient lieu de médicament qui active, renforce ou rétablit d'une autre manière la fonction immunitaire normale.
Une avancée de taille dans la lutte contre ce type de cancer car jusqu’à présent, les inhibiteurs actuels de HSP90 se sont révélés prometteurs mais pas vraiment efficaces en tant que traitement anticancéreux avec des effets secondaires tolérables.
Un traitement riche en promesses"Nous avons découvert que les cellules tuées par EnnA semblent également immunisées contre les agressions ultérieures des cellules cancéreuses", annonce également le docteur Chadli, précisant que les tumeurs ne peuvent pas s'installer chez les souris vaccinées avec ces cellules mortes.
Lire aussi : Vidéo. Le cancer du sein: mortel, mais pas invincible, selon la Dr. Aghzadi
"L'une des choses fascinantes à propos des cellules T est qu'une fois qu'elles sont éduquées pour attaquer une cible, comme le cancer du sein triple négatif, elles continuent de l'attaquer chaque fois qu'il se présente. Les implications de cela font de l'activation par EnnA d'une réponse des cellules T un puissant outil", ajoute-t-il.
A ce jour, si le docteur Chadli et son équipe n'ont répertorié aucun effet secondaire évident de EnnA, ceux-ci poursuivent leur exploration en ce sens, afin d’éviter toute toxicité et pouvoir identifier le dosage optimal pour son utilisation chez les patients.
Enfin, une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, le docteur Chadli détient également des preuves que ce composé du champignon marocain pourrait être plus largement applicable à d'autres types de cancer du sein ainsi qu'à d'autres types de tumeurs solides comme le mélanome.