Les favoris, et les autres... Voici les points forts et les points faibles des 21 films en compétition pour la Palme d’or au 76ème Festival de Cannes, qui sera décernée samedi.
«Les feuilles mortes», d’Aki Kaurismäki
Le favori de la critique: une romance ultra-mélancolique aux accents baudelairiens entre deux âmes esseulées, dans une Finlande ouvrière et pluvieuse. Du Kaurismäki pur jus, qui multiplie les clins d’oeil à l’histoire du cinéma. Un film à l’intrigue très épurée, trop pour certains.
«The Zone of Interest», de Jonathan Glazer
Extrêmement maîtrisé, ce film rappelle l’effroyable «banalité du mal» en décrivant de manière clinique et glaçante la vie quotidienne nonchalante de la famille du commandant du camp d’extermination nazi d’Auschwitz. Aussi inoubliable que malaisant.
«Anatomie d’une chute», de Justine Triet
A travers le procès d’une veuve accusée du meurtre de son compagnon, la réalisatrice opère une déconstruction patiente (2H30) des dynamiques de pouvoir dans un couple d’artistes aisés. L’actrice Sandra Hüller excelle, indéchiffrable. Trop méthodique pour certains.
«May December», de Todd Haynes
L’histoire d’une famille née d’une liaison pédophile entre une enseignante (Julianne Moore) et son élève de 5ème, et des décennies de déni qui ont suivi. L’arrivée parmi eux d’une comédienne (Natalie Portman) pourrait mettre fin aux faux-semblants. Le jeu de miroirs entre Moore et Portman a séduit la critique, mais l’intrigue en a laissé une partie sur sa faim.
«Perfect Days», de Wim Wenders
Un poème inattendu, qui suit un salarié des toilettes publiques de Tokyo. Homme taiseux, grand collectionneur de cassettes audio de classiques du rock, son passé ressurgit au gré de rencontres inopinées. Les uns saluent un film très onirique, les autres décrient un réalisateur allemand légendaire arrivé «au bout du rouleau».
«Jeunesse», de Wang Bing
Trois heures et demie de plongée parmi la jeunesse employée dans les usines textiles chinoises. En montrant comme on ne les a jamais vus ces hommes et femmes, leurs grands et petits problèmes, «Jeunesse» leur rend leur humanité. La patience infinie du plus grand documentariste chinois (quatre ans d’immersion et de tournage) au profit d’une oeuvre monumentale, qui forcément perdra certains spectateurs en route.
«The Old Oak», de Ken Loach
Un film manifeste autour de l’amitié entre le tenancier d’un pub et un photographe, membre d’un groupe de réfugiés syriens qui s’installent dans un village déshérité de Grande-Bretagne. Sera-t-elle plus forte que le racisme et les préjugés? Un Ken Loach politique et engagé, fidèle à sa tradition, mais qui pourra paraître quelque peu manichéen et naïf.
«Les herbes sèches», de Nuri Bilge Ceylan
Nuri Bilge Ceylan pose à nouveau sa caméra en Anatolie, sous la neige, pour y chroniquer la vie d’un professeur de collège, accusé de harcèlement sexuel par une élève. Considérations politiques et intimes s’entremêlent. Les inconditionnels du cinéaste turc ont apprécié, mais la misanthropie du personnage principal et les longues scènes dialoguées peuvent rebuter.
«L’enlèvement», de Marco Bellocchio
Spielberg s’est intéressé à l’affaire, c’est Marco Bellocchio qui en fait un film: l’Italien rouvre une page sombre de l’antisémitisme de l’Eglise avec ce film sur l’enlèvement d’un enfant juif de Bologne, sur ordre papal, au XIXème siècle. Une fresque historique très politique, à la réalisation virtuose, au risque de paraître empesée.
«La passion de Dodin Bouffant», de Tran Anh Hung
Le film le plus clivant du festival. Cette adaptation en costumes d’un roman sur la gastronomie, avec Juliette Binoche et Benoît Magimel, relève pour les uns du navet vaguement inspiré de «Top Chef», pour les autres d’une ode à la cuisine française.
«Les filles d’Olfa», de Kaouther Ben Hania
Un documentaire innovant, où des actrices rejouent les scènes les plus dures vécues par les protagonistes, pour raconter le drame d’une famille tunisienne confrontée à la radicalisation de deux de ses filles. Et explorer le rôle des mères dans une société sous le joug du patriarcat. D’un humanisme touchant.
«Monster», d’Hirokazu Kore-eda
Kore-Eda fait son retour au Japon avec ce film sur le harcèlement en milieu scolaire. Raconté depuis de multiples points de vue, son intrigue évolue vers une relation d’amitié très étroite, esquissée entre deux jeunes élèves. L’émotion affleure mais la structure kaléidoscopique peut lasser.
«Vers un avenir radieux», de Nanni Moretti
Nanni Moretti, fidèle à lui-même, se met en scène pour raconter l’histoire d’un cinéaste qui ne comprend plus les méthodes de travail de ses contemporains. Une réflexion sur la politique, l’engagement et la création qui réunit, pour une parade finale, l’ensemble des acteurs du cinéaste italien. Un film composite et parfois inégal, mélancolique mais pas amer.
«Firebrand», de Karim Aïnouz
Une fresque historique et un conte de fées sombre sur le sort de Catherine Parr (Alicia Vikander), sixième et dernière épouse du roi Henri VIII. La prestation de Jude Law, presque méconnaissable en souverain jaloux et paranoïaque, a été saluée, mais certains critiques ont regretté le manque d’authenticité du scénario.
«Le retour», de Catherine Corsini
L’histoire d’une veuve et de ses deux filles, le temps d’un été sur l’Île de Beauté. Ce récit d’émancipation lumineux entremêle enjeux sociaux, raciaux ou liés à l’orientation sexuelle, pointant compromissions et contradictions de ses personnages. Un prix pourrait relancer la polémique autour d’un film privé de financements publics pour avoir tourné une scène de sexe simulé avec une mineure sans la déclarer.
«Club Zero», de Jessica Hausner
Des enfants qui arrêtent de manger et la société vacille: «Club Zero» est une satire cynique qui dénonce le sectarisme, que ne renierait pas le président du jury Ruben Östlund. Et qui, en racontant l’arrivée d’une professeure de diététique aux méthodes extrêmes dans un lycée huppé, ironise sur les névroses contemporaines.
«L’été dernier», de Catherine Breillat
Une belle-mère (Léa Drucker) noue une relation charnelle avec le fils adolescent de son mari, issu d’une première union: ce conte immoral marque le retour de l’écrivaine et réalisatrice Catherine Breillat. Une provocation émoussée, dont les dialogues parfois artificiels et la réalisation peu convaincante, en a déçu plus d’un.
«La chimère», d’Alice Rohrwacher
Une plongée exigeante dans l’univers du marché noir des artefacts funéraires, avec l’histoire d’un jeune archéologue mêlé à un groupe de pilleurs de tombes dans l’Italie des années 80.
«Banel & Adama», de Ramata-Toulaye Sy
Seul premier film en lice pour la Palme, ce portrait d’une femme en quête d’émancipation a été tourné dans un village rural du nord du Sénégal. Il raconter l’histoire d’amour entre la fougueuse et rebelle Banel et le jeune Adama, qui doit devenir chef du village. Certaines images sont sublimes.
«Asteroid City», de Wes Anderson
Cette fable sur un groupe d’enfants surdoués confinés dans un coin de désert où débarque un extraterrestre vaut uniquement par son casting intergalactique: Adrien Brody, Jason Schwartzman, Tilda Swinton, Margot Robbie, Scarlett Johansson, Tom Hanks, Matt Dillon... Réservé aux fans absolus de Wes Anderson.
«Black Flies», de Jean-Stéphane Sauvaire
Ce thriller avec Sean Penn et Ty Sheridan, qui suit deux ambulanciers à tombeau ouvert dans les rues de New York, enchaînant les clichés, a fait la quasi-unanimité contre lui.