En 2015, l’agence gouvernementale américaine United States Geological Survey (USGS) estimait dans un rapport que «les ressources pétrolières du bassin de Taoudeni au Mali sont comparables à celles de l’Algérie».
Le bassin de Taoudeni, dont les réserves apparaissent exceptionnelles selon l’USGS, s’étend des frontières nord du Mali avec l’Algérie et la Mauritanie jusqu’au fleuve Niger, au sud. La concession du bloc 20 de Taoudeni appartient depuis 2007 à l’Algérie via Sonatrach International Petroleum Exploration & Production (Sipex). Le bloc 20 est une vaste étendue de 118.000 kilomètres carrés qui jouxte directement la frontière algérienne et recèle d’importantes réserves de pétrole et de gaz, mais également d’or et d’uranium.
Le bloc 20 et le terrorisme au nord du Mali
Le bloc 20 est aujourd’hui au cœur des allégations formulées par les autorités maliennes, accusant l’Algérie d’avoir établi un bastion d’influences paramilitaires, et gangrené le nord du Mali. Le gouvernement algérien est soupçonné d’avoir joué, à partir de 2011, un rôle dans cette dynamique terroriste trouble dans la région. L’apparition du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), séparatiste et nationaliste touareg, qui a un pied au Mali et un autre en Algérie, est intervenu exactement la même année où devait se terminer la concession, de quatre ans, concédée à Sonatrach. L’entreprise n’a jamais communiqué sur le filon du Taoudeni, gardant secrets les résultats probants de sa prospection, comme le révélera plus tard l’USGS. Les Touaregs ont proclamé l’indépendance de leur région en 2012. Cette flambée de violence dans le bloc 20 a permis à l’Algérie de suspendre le contrat provisoirement, en attendant les conditions sécuritaires favorables, a-t-elle prétexté, pour poursuivre la prospection.
Des sources de renseignement indiquent cependant que l’Algérie a entretenu des relations avérées avec les groupes sécessionnistes de la région, et un soutien aux chefs de ces groupes, notamment en leur fournissant des armes et des ressources financières. Par exemple, un rapport de l’Africa Center for Strategic Studies note que «l’Algérie est confrontée à des incitations inverses, car elle tire une grande partie de son influence géostratégique dans le nord du Mali du maintien d’une perception d’une menace terroriste grave».
Le 28 septembre dernier, à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies, le gouvernement malien a officiellement accusé l’Algérie de servir de refuge à des groupes terroristes actifs dans la région. L’Algérie non seulement ferme les yeux sur la présence de ces groupes sur son territoire, mais elle leur fournirait également un soutien financier et logistique selon le Mali. Ces groupes sont impliqués dans des actions de déstabilisation, agissant en tant que milices séparatistes.
L’accord d’Alger, l’arbre qui cachait la forêt des ambitions algériennes
L’Algérie a joué un rôle dans la médiation des accords de paix, tout en ayant auparavant soutenu certains groupes rebelles en activité dans le bloc 20. Derrière des discours officiels vantant la stabilité et le respect des souverainetés voisines se dissimulaient des ambitions géopolitiques plus larges, l’accord d’Alger étant son cheval de Troie. Cet accord, désormais caduc et renié par Bamako, symbolise la rupture entre les deux États. Le MNLA a pris part aux accords de paix d’Alger de mai 2015 et il était, quasi certain, d’obtenir son fief dans le nord du Mali.
Face aux accusations croissantes de son implication dans le soutien à des groupes armés, l’Algérie maintient une position diplomatique ambivalente. D’un côté, elle promeut une lutte régionale contre le terrorisme, de l’autre elle tire profit de la déstabilisation de son voisin, en cultivant des relations avec des factions locales, au détriment de la sécurité régionale et de l’unité du Mali.
L’accord d’Alger a cherché à imposer, ni plus ni moins, qu’un éclatement du Mali. L’accord prévoyait la création d’assemblées régionales élues au suffrage universel direct, dotées de pouvoirs significatifs. Cette initiative, qui aurait permis à chaque région d’adopter un gouvernement, et un chef de gouvernement localement, allait rendre autonome le nord du Mali, et le placer sous l’autorité du MNLA, ce même mouvement indépendantiste de l’Azawad, actif dans le bloc 20. Autant dire sous la coupe de l’armée algérienne.
Un plan de partage du Mali machiavélique
Le MNLA avait pu se refaire une virginité au Mali grâce aux pressions exercées par l’Algérie sur Bamako pour l’imposer à la table des négociations. Selon un rapport de l’Institut d’études de sécurité (ISS), l’Algérie a dès le 18 juin 2013 imposé «deux groupes armés rebelles (le MNLA et le Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad) qui ont conclu un accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs d’Alger. La poursuite des négociations à Alger a donné lieu à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, signé en 2015».
L’agence Ecofin annonce en date du 27 octobre 2014 que «le groupe public algérien Sonatrach se prépare à reprendre ses activités d’exploration dans le bassin de Taoudeni dans le nord du Mali, dès que Bamako aura signé un accord de paix avec les forces rebelles occupant le nord du pays».
Toujours selon cette source «le groupe public algérien aurait pris contact, à cet effet, avec l’Autorité pour la promotion de la Recherche Pétrolière au Mali (Aurep), à un moment où les autorités maliennes ont décidé d’entamer des pourparlers avec les groupes rebelles».
Rétrospectivement, le calendrier politique algérien se révèle être une véritable bombe à retardement pour le Mali. Cette alliance stratégique avec les groupes sécessionnistes du Nord ne visait pas seulement à asseoir une influence régionale, mais constituait également la garantie d’un accès privilégié aux précieuses ressources naturelles de la région.
Tel est pris celui qui croyait prendre
Les ambitions d’Alger, centrées sur les vastes réserves d’énergie du Nord malien, apparaissent étroitement liées à une stratégie de contrôle. Le jeu insidieux de l’Algérie sur le sol malien ne visait ni la sécurité ni la prospérité des Maliens. Derrière ses sourires feints et ses discours diplomatiques se cachait une ambition perfide. La junte algérienne n’a cherché qu’à s’installer en hégémoniste, ignorant les souffrances locales pour piller les énergies fossiles d’un État souverain, membre de l’ONU, et trouver une alternative aux gisements de pétrole algérien qui sont en fin de vie. Mais ce projet, édifié sur des illusions et des manipulations, s’est retourné contre elle.
Dans ce vaste pays, autrefois perçu comme une terre de manœuvre facile, elle se retrouve aujourd’hui persona non grata, dénoncée par des termes inédits à l’Assemblée générale des Nations unies. Sa stratégie d’expansion s’est muée en un échec cuisant, révélant non seulement la faillite de ses ambitions, mais l’effondrement de calculs reposant sur l’exploitation des ressources d’autrui. Elle a perdu le bloc 20 à ses frontières qu’elle détenait à 100%, mais aussi fait plonger dans la détresse ses partenaires qu’elle a entrainés dans des accords de prospection qu’elle détenait à 25% au Mali avec l’italien ENI et le malien Baraka Petrolium sur les blocs 1, 2, 3, 4, et 9. L’Algérie a perdu sur tous les plans au Mali.