Lors d’une visite d’Etat de trois jours à Moscou au cours de laquelle il a rencontré Vladimir Poutine le 15 juin, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a gratifié le monde d’une bourde monumentale, qui, faute de rentrer dans les annales de l’histoire, intégrera assurément le grand bêtisier de l’année 2023.
A l’occasion d’une conférence de presse organisée à Moscou le 15 juin, devant un parterre de journalistes et de membres des gouvernements des deux pays, Vladimir Poutine a pris la parole en premier pour résumer les grandes lignes de la visite d’Abdelmadjid Tebboune en évoquant notamment sa visite de la stèle inaugurée en l’honneur de l’émir Abdelkader dans la capitale russe.
A cette occasion, le président russe, après avoir indiqué que son homologue algérien a «participé à l’inauguration du square Abdelkader dans le centre de Moscou», a souhaité ouvrir une parenthèse historique en rappelant que «déjà, à l’époque des tsars, Alexandre II, si je ne me trompe pas, lui avait déjà remis l’Ordre de l’Aigle blanc».
Mais c’était sans compter sur Abdelmadjid Tebboune, qui, prenant au mot le président russe, a tenu à faire étalage de sa science, et d’une sacrée dose d’arrogance, en le corrigeant sur l’histoire de son propre pays, et en faisant malgré lui la démonstration de son inculture sur l’histoire de l’Algérie.
Prenant à son tour la parole, le président algérien a donc conclu sa déclaration en évoquant lui aussi la stèle dédiée à l’émir Abdelkader. «Je tiens à renouveler encore une fois notre désir, à nous tous, le peuple algérien, de remercier Monsieur Poutine et le peuple russe pour avoir donné le nom de l’émir Abdelkader à un square au centre de la capitale russe.» Tout allait bien jusqu’à ce qu’il dérape: «Je remercie encore une fois Monsieur le Président et je tiens à rappeler que le Tsar Nicolas II (ndlr: la traduction en français de la vidéo fait mention du tsar Nicolas Ier alors que Tebboune nomme en arabe le tsar Nicolas II) a offert à l’Emir Abdelkader un Ordre national», a déclaré ainsi le président algérien en s’adressant à Vladimir Poutine, dont le sourire narquois en dit long sur sa pensée.
Et pour cause, en voulant corriger le président russe sur l’histoire de la Russie, Abdelmadjid Tebboune a commis une erreur monumentale car c’est bien Alexandre II, tsar né en 1818, qui a régné sur l’Empire russe de 1855 à 1881 et a remis l’Ordre de l’Aigle blanc à l’émir Abdelkader en 1860, en récompense de la protection qu’il a assurée à des familles chrétiennes à Damas où des milliers de personnes ont trouvé la mort lors de violences antichrétiennes.
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Quant à Nicolas II, qui aurait, selon l’histoire réécrite par Tebboune, remis cette haute distinction à l’émir, celui-ci a régné de 1894 à 1917. En 1860, il n’était même pas né! C’est en effet huit ans plus tard, soit en 1868, que le fils d’Alexandre III et petit-fils d’Alexandre II a vu le jour.
Cette entorse à l’histoire n’est pas une nouveauté dans la carrière présidentielle d’Abdelmadjid Tebboune, puisque ce dernier avait déjà commis la même erreur au sujet de l’émir Abdelkader et des récompenses qui lui ont été attribuées.
On se souvient encore de ce fameux 10 octobre 2021, lorsque, pour illustrer la profondeur des relations historiques entre l’Algérie et les Etats-Unis, le président algérien a affirmé dans une interview télévisée diffusée par l’ENTV que l’émir Abdelkader, en reconnaissance de son rôle diplomatique dans les évènements de Damas en 1860, avait reçu deux pistolets de la part de George Washington, l’un des pères fondateurs de la nation américaine et premier président des Etats-Unis. Or, George Washington, né en 1732 et mort en 1799, n’était déjà plus de ce monde quand l’émir Abdelkader a vu le jour en 1808… Cette récompense lui avait en réalité été accordée par Abraham Lincoln bien des années plus tard.
Si la chronologie des évènements historiques semble complètement échapper au président algérien, qui réécrit l’histoire à sa guise, c’est désormais une certitude, il en va de même pour l’histoire de son propre pays et notamment de l’émir Abdelkader, qui doit se retourner dans sa tombe.