Devant les nombreux incendies de forêts qui ravagent l’Algérie depuis lundi dernier, en majorité concentrés dans la région de Kabylie et ayant fait plus de 90 morts, dont 33 militaires, selon un dernier bilan, encore provisoire, la France est le premier pays qui est venu en aide à son ancienne possession nord-africaine. Paris a envoyé, via l’Union européenne, sur place deux avions bombardiers d’eau, communément appelés des Canadairs, en plus d’un avion de reconnaissance pour les orienter.
Et puisque l’Algérie ne dispose pas de pilotes pour ce type d’avions et de missions, huit pilotes français se sont relayés pour effectuer quelque 200 rotations entre jeudi et vendredi derniers, opérations qui ont déjà permis d’éteindre de nombreux foyers actifs près de Tizi Ouzou.
L’arrivée de ces deux Canadairs français a été annoncée par le président Emmanuel Macron lui-même, dans deux tweets publiés successivement mercredi et jeudi derniers sur le compte officiel du président de la République française.
Sauf que le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et son Premier ministre, Aymen Benabderrahmane, ont publiquement et carrément menti, en tentant de cacher ce coup de pouce salutaire venant de cet «ennemi traditionnel et éternel» qu’est la France, comme l’a qualifiée en avril dernier El Hachemi Djaâboub, ministre algérien du Travail.
Pour le régime algérien, ce serait un sacrilège de reconnaître que c’est l’ancienne puissance coloniale qui vient aujourd’hui sauver l’Algérie d’une catastrophe majeure, face à laquelle elle s’est montrée complètement impuissante. C’est pourquoi, au moment même où le président français venait juste d’annoncer sa décision d’envoyer deux Canadairs en Algérie, le régime et sa presse aux ordres se sont lancés dans une course contre la montre pour gommer toute référence à la France, effacer toute trace d’assistance et évoquer, en tout mensonge, une soi-disant transaction commerciale avec l’Union européenne.
Lire aussi : Vidéo. Tebboune reconnaît n'avoir donné des instructions pour acheter des Canadairs qu'après le départ des feux
Ainsi, l’APS a rapporté, sur la foi d’un communiqué de la primature algérienne, diffusé mercredi dernier, que «l'Algérie est parvenue à un accord commercial avec l'Union européenne (UE) pour l'affrètement de deux avions bombardiers d'eau (ABE), qui étaient en cours d'exploitation dans l'opération de lutte contre les incendies déclarés en Grèce». Alors qu’elle rechigne toujours à signer un accord de libre-échange avec l’Union Européenne, l’Algérie évoque un «accord commercial» avec l’UE limité à la location, pour quelques jours seulement, de deux Canadairs!
Et l’APS d’ajouter, toute honte bue, que «les deux avions d’eau (français, de fait, mais prétendument loués auprès de l’UE, Ndlr) seront déployés à partir de jeudi 12 août dans les wilayas où se sont déclarés des feux de forêts, et ce dans le cadre de la mobilisation de tous les moyens pour l'extinction de ces incendies».
Pourtant, l’opinion algérienne sait parfaitement que c’est bien l’ancien colon, souvent fustigé par le régime algérien à des fins de politique intérieure et de propagande, qui est venu éteindre les feux qui ravagent le nord de l’Algérie. Par la magie de la grandiloquence que son régime affiche régulièrement, l’Algérie se donne ainsi l’image d’un pays riche, sortant son chéquier pour traiter avec l’Union européenne tout entière, à seule fin d’éviter la posture d’un pays failli, qui doit être assisté par la France.
Or, dans le cas d’espèce, l’Union européenne ne signe jamais d’accord commercial de location d’avions, ni ne vient directement en aide aux pays aux prises avec des catastrophes. Cependant, la Commission européenne dispose depuis 2001 d’un «mécanisme de protection civile» qui vise à prévenir et à réagir aux catastrophes et à «renforcer la coopération en matière de protection civile entre les Etats membres de l’UE et des six autres pays participant au Mécanisme».
Ces six Etats sont la Norvège, la Serbie, l’Islande, le Monténégro, la Turquie et la Macédoine du Nord. Même si ce mécanisme peut s’étendre à d’autres pays hors-UE en cas de catastrophe majeure, comme au Liban récemment, la Commission européenne se limite juste à informer les Etats membres de l’UE et à leur transmettre la liste des besoins qui lui été adressée par le pays demandeur. L’Algérie a-t-elle sollicité ce mécanisme? C’est possible, mais de toute façon ce mécanisme n’est en aucun cas soumis à une transaction commerciale, comme ont pu l'affirmer le président Tebboune et son chef de l’exécutif.
Lire aussi : Graves incendies de forêts en Algérie: pas un seul Canadair et des soldats envoyés au bûcher les mains nues
Le dilemme de l’Algérie, c’est qu’elle dispose de centaines d’avions militaires achetés à coups de dizaines de milliards de dollars, mais d’aucun appareil pour mener la guerre contre les feux de forêts, pourtant récurrents dans le pays. Même son armée, qui aurait dû prouver son efficacité en temps de catastrophe sur le plan national, s’est brûlée à l’ouvrage. Non seulement elle a perdu 33 soldats, dont certains ont été brûlés vifs, mais ses hélicoptères russes géants de marque MI-26 déployés en Kabylie, n’y ont vu que du feu.
D’ailleurs, les récents sinistres meurtriers ont redonné l’appétit aux généraux algériens corrompus. Ils viennent en effet d’allonger la liste de leurs commandes d’armement militaire à la Russie en y incluant l’achat de huit bombardiers d’eau russes de types Beriev Be 200… Alors même que Tebboune, au risque de se faire tirer les oreilles pour avoir menti à nouveau, et oublié qu’il ne décidait en fait rien en Algérie, s’était empressé d’annoncer, jeudi dernier, l’acquisition future de Canadairs...