Les électeurs ont placé le RN et ses alliés issus de LR largement en tête dimanche dernier, avec 33,2% des voix, devant l’alliance de gauche Nouveau front populaire (NFP, 28,0%), et le bloc présidentiel Ensemble (20,0%).
Cette victoire inédite pour un scrutin législatif a ouvert la porte à l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, ce qui serait une première en France depuis la Seconde Guerre mondiale, et un coup de tonnerre aux répercussions dépassant largement les frontières de l’Hexagone.
L’extrême droite «a le potentiel de conduire à une déstabilisation plus large à la fois de l’Europe et du cours même de l’intégration européenne: nous sommes donc confrontés à un danger existentiel», a mis en garde vendredi l’ancien Premier ministre grec Alexis Tsipras.
Une forte participation attendue
Mais la campagne a été marquée par le désistement de très nombreux candidats d’Ensemble et du NFP, au nom d’un «front républicain» revigoré par la perspective concrète et tangible d’une nomination du président du RN Jordan Bardella, 28 ans, à Matignon.
Lire aussi : Législatives en France: dernières tractations pour écarter l’extrême droite du pouvoir
Au total 130 candidats NFP et 80 Ensemble se sont retirés entre dimanche et mardi, faisant passer le nombre de triangulaires de 306 à 89 selon l’institut de sondage Ipsos.
Et la mobilisation des électeurs s’annonce toujours élevée, avec une participation attendue au même niveau qu’au premier tour, où elle avait atteint 66,7%, bien au-delà des 47,5% de 2022.
Conséquence de ces retraits, la perspective d’une majorité absolue pour le RN et la fraction de LR qui s’y est ralliée s’éloigne.
Plusieurs sondages donnaient vendredi à ce bloc une majorité relative en érosion: 200 à 230 sièges pour Elabe, 205 à 230 pour OpinionWay, 175 à 205 pour Ipsos, 170 à 210 pour Ifop, 185 à 215 pour Harris Interactive, une progression spectaculaire par rapport aux 88 députés RN sortants mais insuffisante pour atteindre seul la majorité absolue (289 députés).
Ces enquêtes n’excluent pas que l’alliance de gauche soit finalement en tête (lui accordant au minimum 145 sièges et au maximum 198); ni a contrario que l’alliance présidentielle lui passe devant (avec de 115 à 162 députés).
Encore faut-il noter la fragilité de ces prévisions, avec comme le soulignait le président délégué d’Ipsos Brice Teinturier vendredi une «cinquantaine de circonscriptions qui se joue dans un mouchoir de poche».
Marine Le Pen a elle jugé «sérieuses» vendredi les chances du RN «d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée», estimant que les projections en sièges «ne sont pas une science exacte».
«Au pied du mur»
Si tel n’était pas le cas, s’ouvrirait après des élections éprouvantes pour les partis et le pays une période d’incertitude et d’intenses tractations.
Le RN en situation de majorité relative parviendrait-il à rallier les voix lui manquant pour constituer une majorité absolue?
Les autres partis réussiraient-ils à constituer une majorité alternative, comme l’ont appelé de leurs vœux plusieurs ténors de la majorité?
«Dans cette forme de nouvelle donne, chacun sera quelque part au pied du mur pour avancer au service de nos concitoyens» au-delà des «clivages», a affirmé le premier ministre Gabriel Attal, en écartant la possibilité de gouverner avec le RN ou LFI, qui ne le souhaitent de toute façon pas.
La droite ne semble pour l’instant guère encline à entrer dans une construction de ce type. «Demain pour moi il est hors de question de faire quelque coalition que ce soit avec qui que ce soit», a déclaré mercredi à l’AFP l’ancien président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marleix.
Et la gauche hors LFI semble indécise, entre une Marine Tondelier (EELV) qui estime qu’il «faudra sûrement faire des choses que personne n’a jamais faites auparavant dans ce pays» en l’absence de majorité claire à l’Assemblée; et un Olivier Faure (PS) pour qui le prochain gouvernement «ne sera pas en mesure de s’imposer», ce qui contraindra de chercher des majorités «texte par texte».
Retrouvant par la grâce du front républicain son statut de meilleur opposant au «système», le RN a dénoncé par avance des «magouilles» destinées à le priver du pouvoir.
Reste encore l’hypothèse d’un gouvernement technique, comme celui qui avait sauvé l’Italie de la crise de la dette en 2011.
Gabriel Attal s’est en tout cas déclaré disponible pour assurer la continuité de l’État «aussi longtemps que nécessaire», c’est-à-dire expédier les affaires courantes en attendant la formation d’un nouveau gouvernement. La question se pose d’autant plus que Paris accueillera les Jeux olympiques du 26 juillet au 11 août.
«Je pense que nous allons vers une situation (…) qui reste instable, inédite, historique et extraordinairement difficile», a craint Teinturier vendredi.
La fin de campagne, dans un climat de grande tension, a été marquée par des agressions et violences envers des candidats ou militants. Face à d’éventuels débordements dimanche soir, 30.000 policiers seront mobilisés, dont 5.000 à Paris.