L’Union européenne, le meilleur ennemi des extrêmes droites

Rachid Achachi.

ChroniquePeu importe qui arrive au pouvoir dans les États européens et peu importe la dimension vertueuse du programme politique du parti vainqueur, il n’aura quasiment aucun des leviers effectifs de souveraineté pour tenir ses promesses électorales. Pas de souveraineté monétaire, ni législative, ni budgétaire, ni encore géopolitique. La seule mission des pouvoirs exécutifs c’est la gestion des affaires courantes. De quoi peut-être inventer un nouveau concept, celui de «politique contemplative».

Le 07/12/2023 à 11h01

Hongrie, Pologne, Italie, Slovaquie et, plus récemment, Pays-Bas... La déferlante électorale des extrêmes droites semble irrésistible sur le Vieux Continent. Même la Suède et la Finlande semblent subir cette dynamique pour beaucoup alarmante.

Mais comme nous l’a appris le grand Spinoza, il ne faut ni rire ni pleurer, mais comprendre.

Car, l’une des erreurs méthodologiques majeures, et qui peut s’avérer fatale pour tout analyste politique, serait de confondre le mal et le symptôme, la cause et l’effet.

Bossuet a dit, à ce propos, que «Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes».

Car au fond, de quoi la montée des extrêmes droites est-elle le nom? S’agit-il d’une poussée fiévreuse et irrationnelle de peuples ayant perdu tout repère? Est-il question d’un racisme latent qui, désormais, ose s’affirmer de manière de plus en plus décomplexée? Ou encore, peut-on parler d’une ingérence de la Russie puisque c’est à la mode actuellement?

Laissons ces analyses bancales et paresseuses aux commentateurs politiques qui peuplent les plateaux TV français et revenons aux fondamentaux, c’est-à-dire aux causes profondes et structurelles. À travers cette chronique, on en abordera qu’une seule, à savoir le rôle paradoxal de l’Union européenne (UE) dans la déligitimation des élites politiques classiques, qu’elles soient de gauche ou de droite.

D’un côté, l’UE a été fondée autour du principe de subsidiarité. Pour le définir simplement, il s’agit d’un principe juridique selon lequel ce qui peut être décidé à l’échelle locale ne doit pas relever d’une échelle supérieure dans la hiérarchie du pouvoir. Autrement dit, un niveau d’autorité politique donné ne peut effectuer que les tâches ou les missions qui ne peuvent être réalisées au niveau des échelles inférieures, et inversement. C’est-à-dire que ce qui peut être décidé à une échelle communale n’a pas à être décidé à une échelle provinciale, régionale ou nationale. Et ce qui ne peut être décidé qu’à une échelle nationale ne peut pas relever des prérogatives de la province ou de la commune.

Ce principe, qui figure dans le très contesté Traité de Maastricht, fait que quasiment tous les leviers de souveraineté, à savoir la monnaie, le contrôle des frontières ou encore le législatif, relèvent de l’Union européenne. Car, les monnaies ne sont plus nationales du fait de l’euro, les frontières ne peuvent plus être effectivement contrôlées par l’État à l’intérieur de l’espace Schengen depuis l’entrée en vigueur du Traité d’Amsterdam en 1999, et les lois votées au Parlement européen ont la prééminence sur les lois votées à l’échelle nationale, conformément au principe de la pyramide de Kelsen.

Que reste-t-il à l’État sur le plan de la souveraineté? La politique budgétaire et la politique extérieure.

Mais là encore, la politique budgétaire des États membres de l’UE est encadrée par des traités et des conventions européennes à l’instar des critères de convergence budgétaire qui limitent le déficit budgétaire des États à 3% du PIB et la dette publique à 60%. Deux contraintes allègrement violées par bon nombre d’États, mais qui n’en demeurent pas moins des contraintes avec lesquelles il faut composer.

Quant à la politique extérieure, il est vrai que les États de l’UE ont toute latitude pour mener la politique extérieure qui leur semble la plus adéquate selon leurs intérêts nationaux. Mais le fait est que mis à part l’Autriche, l’Irlande, Chypre et Malte, soit des broutilles sur le plan géopolitique, tous les autres États membres de l’UE sont également membres de l’OTAN. Ce qui restreint de fait leur autonomie stratégique.

Résultat des courses: peu importe qui arrive au pouvoir dans les États européens et peu importe la dimension vertueuse du programme politique du parti vainqueur, il n’aura quasiment aucun des leviers effectifs de souveraineté, pour tenir ses promesses électorales. Pas de souveraineté monétaire, ni législative, ni budgétaire, ni encore géopolitique. La seule mission des pouvoirs exécutifs c’est la gestion des affaires courantes. De quoi peut-être inventer un nouveau concept, celui de «politique contemplative».

Il en résulte tout naturellement une perte de légitimité de toutes les élites politiques qui s’aventurent à diriger leurs pays, laquelle est de ce point de vue irrémédiable. En même temps, ces mêmes élites ne peuvent aucunement imputer leur impuissance à l’UE, du fait du dogme libéral qui régit toute la structure mentale du système. Car oui, il s’agit de dogmes et d’un rapport quasi religieux à l’idéologie européiste. Souvenons-nous du «Non» qu’il l’a remporté en France lors du référendum au sujet du Traité de Maastricht. Qu’à fait le pouvoir? Il a contourné la volonté populaire en faisant passer ce traité par un vote du Parlement sous un nouveau nom: le Traité de Lisbonne.

Qu’à fait l’UE lors de la crise de l’euro et des dettes souveraines européennes en juillet 2012? Mario Draghi, président à l’époque de la Banque centrale européenne (BCE), avait affirmé de manière lapidaire qu’il allait sauver l’euro «wathever it takes», soit «quoi qu’il en coûte». C’est-à-dire qu’il était prêt à sacrifier le pouvoir d’achat des Européens sur l’autel du Saint-Euro.

Dans un État normal, la monnaie est au service de l’économie. Au sein de l’UE, c’est le contraire qui est de mise. C’est l’économie et le niveau de vie des citoyens qui sont au service de la monnaie.

Ainsi, la montée de l’extrême droite ne met pas en danger l’UE, mais c’est l’UE qui met en danger les peuples européens en les enfermant dans un carcan idéologique qui les prive de toutes les fonctions régaliennes qui, théoriquement, leur reviennent.

De ce fait, les extrêmes droites semblent, en même temps qu’elles vouent l’UE aux gémonies, rendre grâce à Dieu de son existence qui non seulement transforme la réalité politique et socio-économique en leur faveur, mais constitue surtout l’une de leurs principales raisons d’être.

Par Rachid Achachi
Le 07/12/2023 à 11h01

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Il y a une inexactitude : le Oui l'avait emporté lors du référendum sur le traité de Maastricht en France en 1992. De justesse certes (51%) mais le oui était majoritaire. C'est en 2005 que les français ont rejeté le projet de "Constitution européenne"

Bonsoir Monsieur Rachid Achachi. Le terme extrême droite est péjoratif, une insulte pour désigner les méchants, les fachos, les racistes,... L'Union Européenne est plutôt, le meilleur ennemi des souverainistes. Cordialement.

Française de 65 ans, et surtout pas européenne de cette europe désincarnée que j avais d ailleurs refusée en 2005 et qu on m a imposée je vais enfoncer le clou et dire les sentiments que je ressents : ce qui ressort de cette Europe soumise aux USA et plus largement des occidentaux c est que les gouvernants occidentaux n ont pas changé, ILS SONT TOUJOURS MORTIFERES ET JE PESE MES MOTS, ils ont été les plus gros pourvoyeurs de guerres et de morts,au XXème siècle et suivent la même route au XXIÈME siècle, ils s arment tous!Ce sont aussi les plus gros déclencheurs de crises systémiques.Moi perso je refuse d appartenir à une organisation qui promeut et encourage les guerres. Et croyez moi beaucoup d Européens sont comme moi. le problème de l extrême droite n est qu un sous problème..

Et Hitler et Staline, vous les classez où ? Dans l Occident mortifère ?

L'Europe n'est pas inéluctable, et ON vous fait croire qu on ne peut pas la défaire, c est faux et les citoyens européens feront le nécessaire et d ailleurs moi même je suis pour le frexit. Et ceux qui croient que par exemple on va reindustrialiser la France sont très mal informés. La France va devenir un pays SOUS DÉVELOPPÉ et toute l Europe suivra. Si les changements radicaux ne viendront pas des élections, ils viendront par d'autres chemins, et le sursaut est en route. On ne peut pas brider la souveraineté des peuples comme le fait l Europe. Et la pauvre Ukraine sacrifiée par les USA et les va en guerre, commen à percevoir à quel point tout l occident les a pris pour des imbéciles, env 600 000 militaires sacrifiés quel honte. Partout les citoyens européens réagissent...

Il est capital de mobiliser tout les troupes les forces commerciales nationales , pme /pmi tpe tpi et grands groupes Pour battre sur les marchés les.entreprises europeennes UE-ocde sur les mêmes créneau tant au.niveau national.qu 'au niveau continental africain et arabe. Ce devrait être une politique prioritaire du royaume du Maroc . Claire et nette les mesures . Il faut les battres c " est ube question de notre stabilité économique et sociale . Notre espace C'est vital pour le Maroc.

Il est capital de mobiliser tout les troupes les forces commerciales nationales , pme /pmi tpe tpi et grands groupes Pour battre sur les marchés les.entreprises europeennes UE-ocde sur les mêmes créneau tant au.niveau national.qu 'au niveau continental africain et arabe. Ce devrait être une politique prioritaire du royaume du Maroc . Claire et nette les mesures . Il faut les battres c " est ube question de notre stabilité économique et sociale . Notre espace C'est vital pour le Maroc.

نقص شويا الفاخر آ السي العلمي 👻

Si l’on doit faire un bilan des avantages et inconvénients de l’UE, les premiers l’emporteraient largement sur les seconds : paix, démocratie, croissance, protection sociale……. etc. Rappelons-nous la situation du Portugal, Espagne, Grèce, Malte ( مالطا ، لا عشا لا غطاء comme disaient nos ancêtres 🐒), Chypre et des pays de l’Europe de l’Est avant leur adhésion à l’UE. À titre d’exemple, celui qui a fait la traversée Tanger / Algeciras dans les années 60 et qui la refait aujourd’hui, aura l’impression que le globe terrestre a été renversé : le Nord est devenu Sud, et le Sud est devenu Nord 😳

Contrairement à ce que vous avancez, l'Europe est UN VRAI BOULET pour les citoyens européens qui eux ne s'y trompent pas. L'Angleterre également avec le brexit a fait céder les chaînes d'enfermement idéologiques et économiques qu un tout petit nombre de très très riches prétendent nous faire avaler. Le contrat de l Europe c était la paix et la sécurité , 22 ans après ce sont les guerres et un surarmement, la démocratie : elle n existe plus ! La croissance, elle est bloquée, même l Allemagne qui a suicidé son économie sur l hôtel des USA, part en vrille. Il reste peut être encore un semblant de protection sociale, pour qui ????? Quand il n y a plus de travail. Vous parlez de la Grèce, après la crise de 2008 les suicides des hommes a augmenté de 40 %.

Edito intéressant, sauf que vous avez oublié quelque chose de primordiale, c'est le Brexit ! C'est tout à fait possible de sortir de l'union européenne, d'ailleurs Wilders aux Pays-Bas l'a annoncé, il veut sortir de l'union européenne, en France la colère est immense parce que les élites n'ont pas respecté le résultat du référendum, ce qui explique que les partis anti système sont à plus de 45 % au total. Vous avez raison, la monnaie est un attribut de souveraineté, la monnaie doit être au service de l'économie , mais dans votre précédente chronique, vous aviez défendu l'idée de sacrifice le dirham marocain pour une monnaie commune avec les pays les plus pauvres du monde, c'est contradictoire. Le Maroc ruiné pour renflouer ces pays comme la crise grecque qui a coûter 1600 milliards d'euros

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