Dans ce pays de 106 millions d’habitants confronté à la plus grave crise économique de son histoire, les questions liées au pouvoir d’achat seront la priorité des élections, deux tiers de la population vivant en dessous ou juste au-dessus du seuil de pauvreté.
Quelque 67 millions d’électeurs sont appelés à se rendre dans les bureaux de vote dimanche, lundi et mardi de 9 heures (7 heures GMT) à 21 heures (19 heures GMT). Les résultats officiels seront proclamés le 18 décembre.
Hormis le président sortant, trois candidats globalement inconnus du grand public sont en lice: Farid Zahran, à la tête du Parti égyptien démocratique et social (gauche), Abdel-Sanad Yamama, du Wafd, parti centenaire, mais désormais marginal, et Hazem Omar, du Parti populaire républicain.
Malgré les difficultés de l’Égypte, aucune opposition sérieuse ne semble pouvoir exister sous le règne de M. Sissi, cinquième président issu des rangs de l’armée depuis 1962, qui dirige le pays d’une main de fer.
Des milliers d’opposants ont été emprisonnés, et si le comité des grâces présidentielles en a libéré un millier en un an, «trois fois plus de personnes» ont été arrêtées au cours de la même période, selon des ONG.
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Atmosphère étouffante
Loin de passionner les foules, la campagne présidentielle s’est déroulée en novembre dans l’ombre de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien au pouvoir à Gaza, un conflit qui accapare depuis son déclenchement le 7 octobre l’attention des médias et des opinions dans l’ensemble des pays arabes.
Les talk-shows, proches des services de renseignement et fervents partisans du président Sissi, tentent désormais de lier les deux.
«Il y a deux millions (de Gazaouis) qui veulent rentrer chez nous (...), on ne peut pas rester assis à regarder, on va sortir et dire “non au transfert”» des Palestiniens, plaide ainsi le présentateur Ahmad Moussa, reprenant mot pour mot un discours de M. Sissi au début de la guerre.
Deux figures de l’opposition ont un temps essayé de se présenter, mais ont rapidement été écartées. Aujourd’hui, l’un d’eux est en prison et l’autre en attente de son procès.
Le journaliste et militant Khaled Dawood dénonce «une atmosphère étouffante de suppression des libertés, un contrôle total des médias, et des services de sécurité qui empêchent l’opposition d’agir dans la rue».
«Nous ne nous faisons aucune illusion: le scrutin ne sera (...) ni crédible ni équitable», écrit-il sur Facebook. Mais il votera pour M. Zahran, afin d’ «envoyer un message clair au régime: nous voulons un changement», car «après dix ans, les conditions de vie des Égyptiens se sont détériorées et nous risquons la faillite à cause de (sa) politique».
Douloureuses réformes
Aux présidentielles de 2014 et 2018, l’ex-maréchal Sissi, arrivé au pouvoir en 2013 en renversant l’islamiste Mohamed Morsi, l’avait emporté avec plus de 96% des suffrages.
Il a depuis allongé la durée du mandat présidentiel de quatre à six ans et fait modifier la Constitution pour repousser la limite de deux à trois mandats présidentiels consécutifs.
Dans ce contexte, les regards se tourneront vers la participation. À la dernière présidentielle, elle avait atteint 41,5%, soit six points de moins qu’au scrutin précédent.
Nombre d’Égyptiens qui soutiennent M. Sissi estiment qu’il est l’artisan du retour au calme dans le pays après le chaos ayant suivi la révolution de 2011 et la chute de Hosni Moubarak après 30 ans de règne.
Dès le début de son premier mandat en 2014, M. Sissi avait promis de ramener la stabilité, y compris économique.
Un ambitieux, mais douloureux programme de réformes, avec dévaluations et diminution des subventions d’État, a été entrepris depuis 2016.
Des mesures qui ont entraîné une flambée des prix, nourri le mécontentement du peuple et vu la base populaire et même les soutiens étrangers de M. Sissi s’étioler au fil des années.
Sa gestion économique a vu la dette multipliée par trois, et les mégaprojets souvent attribués à l’armée n’ont pas produit jusqu’ici les rendements promis.
Mais, note le chercheur Yezid Sayigh, «M. Sissi ne peut pas imposer de changement à l’armée, car cela pourrait lui coûter sa présidence».