Procès sous tension en Tunisie: des opposants jugés pour «complot» contre l’État à partir de mardi

Le président tunisien Kaïs Saïd.

Le procès d’une quarantaine d’opposants au président Kais Saied, parmi les plus connus de Tunisie, s’ouvre mardi pour «complot contre la sûreté de l’État», une affaire dénoncée comme «vide» et «politique» par des ONG et l’opposition.

Le 02/03/2025 à 08h32

Responsables de partis, avocats, figures des médias: une quarantaine de personnes issues de divers courants sont poursuivies. Nombre d’entre elles sont soupçonnées de contacts avec l’étranger, notamment des diplomates.

Elles sont inculpées pour «complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État» et «adhésion à un groupe terroriste», d’après la défense. Des accusations passibles de lourdes peines de prison et jusqu’à la peine capitale.

Plusieurs d’entre elles ont été arrêtées lors d’un coup de filet dans les rangs de l’opposition en 2023. Le président Saied avait à l’époque qualifié les personnes interpellées de «terroristes».

Parmi les grands noms du procès figurent le chef du parti Al Joumhouri, Issam Chebbi, le juriste Jawhar Ben Mbarek et un ancien haut responsable du parti islamiste Ennahdha, Abdelhamid Jelassi.

En font aussi partie les militants Khayam Turki et Chaïma Issa, l’homme d’affaires Kamel Eltaïef et l’ex-députée Bochra Belhaj Hmida, ancienne présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD). Cette dernière se trouve en France.

L’intellectuel français Bernard-Henri Lévy figure parmi les accusés.

«Vide»

Depuis sa cellule, Jawhar Ben Mbarek a dénoncé dans une lettre lue lors d’une conférence de presse «un harcèlement judiciaire» visant à «l’élimination méthodique des voix critiques».

Ben Mbarek est l’un des fondateurs du Front du salut national (FSN), principale coalition d’opposition au président Saied.

Depuis le coup de force de ce dernier à l’été 2021, par lequel il s’est octroyé les pleins pouvoirs, l’opposition et des ONG dénoncent une régression des droits et libertés en Tunisie, pays qui avec sa révolution en 2011 avait lancé le «Printemps arabe».

La sœur de Ben Mbarek, l’avocate Dalila Msaddek, affirme que le dossier d’instruction est «vide» et fondé sur «des accusations se basant sur de faux témoignages».

D’après la défense, les autorités judiciaires ont décidé que les accusés en détention devaient comparaître à distance, par visioconférence.

Inacceptable pour les proches des accusés, qui exigent la présence des détenus.

«C’est l’une des conditions d’un procès équitable», a déclaré à la presse l’opposant historique Ahmed Néjib Chebbi, chef du FSN et frère d’Issam Chebbi. Lui-même est mis en cause dans ce procès, mais en liberté.

«C’est une affaire dont les témoins et les preuves sont secrets», a dit un cadre d’Ennahdha, Riadh Chaibi. «De l’absurdité judiciaire, nous sommes passés à la folie judiciaire», a renchéri l’avocat Samir Dilou, également membre d’Ennahdha.

«Persécution»

Le père de Jawhar Ben Mbarek, le militant Ezzedine Hazgui, a dit à l’AFP son «amertume» d’avoir voté pour Kais Saied en 2019.

Son fils lui aussi «s’était battu comme un diable» pour faire élire Saied, qui était alors un universitaire régulièrement invité comme analyste par les télévisions, selon Me Msaddek.

Sur la quarantaine de personnes poursuivies, plusieurs sont en détention, une partie est en liberté et le reste en fuite à l’étranger.

D’autres opposants et personnalités politiques ont récemment été condamnés à de lourdes peines de prison.

Début février, Rached Ghannouchi, chef d’Ennahdha et ancien président du Parlement, a ainsi été condamné à 22 ans pour «atteinte à la sûreté de l’État». Ennahdha était la principale force politique dans le Parlement dissous par Saied lors de son coup de force.

Le Haut-commissariat de l’ONU aux droits de l’Homme a dénoncé la «persécution des opposants» en Tunisie, estimant que nombre d’entre eux faisaient «l’objet d’accusations vagues et larges après avoir vraisemblablement exercé leurs droits et leurs libertés».

La Tunisie a dit sa «profonde stupéfaction» après ces critiques, assurant que les personnes mentionnées par l’ONU avaient été renvoyées pour «des crimes de droit public qui n’ont aucun lien avec leur activité partisane, politique ou médiatique».

«La Tunisie pourrait donner des leçons à ceux qui pensent être en position de faire des déclarations ou donner des leçons», a lancé le ministère tunisien des Affaires étrangères.

Par Le360 (avec AFP)
Le 02/03/2025 à 08h32

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