Si tu veux la guerre, prépare la guerre

Fouad Laroui.

ChroniqueOn dirait que les plus importants pays d’Europe occidentale sont en train de préparer la guerre avec la Russie pour avoir cette guerre, et non pour l’éviter.

Le 03/12/2025 à 10h58

Oui, oui, bien sûr, la formule correcte est: «Si tu veux la paix, prépare la guerre». L’original latin (Si vis pacem, para bellum) se trouve dans le De re militari du romain Végèce, qui a vécu au 5ème siècle.

Le dicton exprime l’idée de ‘paix armée’, qui permet de comprendre pourquoi la Suisse, qui n’a pas connu la guerre depuis des siècles, a pourtant un service militaire des plus contraignants: chaque Suisse, après son service militaire (obligatoire), reste à la disposition de l’armée pendant 9 ans (!) et doit suivre chaque année des ‘cours de répétition’ de 3 semaines chacun. La Suisse est toujours prête à la guerre– pour ne pas avoir à la faire.

De ce point de vue, ce qui se passe aujourd’hui en Europe est une inversion (ou une perversion) de la formule. On y prépare la guerre mais ce n’est pas pour avoir la paix. C’est pour avoir la guerre. Une guerre inutile. Et c’est effrayant.

Je me suis fait cette réflexion en ouvrant il y a dix jours une grosse lettre que le gouvernement néerlandais a envoyé à tous ses citoyens et qui comprenait un manuel intitulé Bereid je voor op een noodsituatie, soit: «Prépare-toi à une situation de crise». Ça m’a rappelé ces films terrifiants des années 50 dans lesquels le gouvernement américain expliquait comment faire pour survivre à une attaque nucléaire…

«Ils semblent avoir perdu de vue que la Russie est une puissance nucléaire et que, selon une étude publiée par Nature en 2022, un conflit nucléaire tuerait plus de la moitié de l’humanité, soit cinq milliards de personnes.»

—  Fouad Laroui

La semaine suivante, à Paris, je vis avec stupéfaction le chef d’état-major des armées françaises tenir des propos très inquiétants. Jugeant crédible une guerre avec la Russie d’ici 3 ou 4 ans, il déclara ceci: «Si notre pays flanche parce qu’il n’est pas prêt à accepter de perdre ses enfants (…), alors on est en risque». Perdre ses enfants...

Il y a de quoi être déboussolé. On dirait que les plus importants pays d’Europe occidentale sont en train de préparer la guerre avec la Russie pour avoir cette guerre, et non pour l’éviter. Ce faisant, ils semblent avoir perdu de vue que la Russie est une puissance nucléaire et que, selon une étude publiée par Nature en 2022, un conflit nucléaire tuerait plus de la moitié de l’humanité, soit cinq milliards de personnes. Et nous avec, qui n’avons rien à voir avec ces querelles d’Européens.

A contrario, et à ma grande surprise, je me trouvai d’accord, quelques jours plus tard, avec quelqu’un qui est classé à l’extrême-droite mais qui est une des rares personnalités à réfuter ces propos bellicistes ou alarmistes. Moi qui me considère comme un homme de gauche, je me surpris à hocher la tête avec approbation quand Nicolas Dupont-Aignan, le président de ‘Debout la France’, affirma avec force, à la télévision et devant des journalistes hostiles, que «la Russie n’est pas une menace pour l’Europe», qu’il faut «réconcilier l’Europe avec la Russie», etc. Jean-Luc Mélenchon ne dit pas autre chose.

On croit rêver. À Paris, ce sont maintenant l’extrême-gauche et l’extrême-droite qui veulent la paix, qui en sont à espérer que Donald Trump règle cette affaire ukrainienne avant qu’elle ne débouche sur une guerre apocalyptique– une guerre que des gouvernements dits modérés ou centristes, de la France aux Pays-Bas, de l’Allemagne à la Pologne, sont en train de préparer activement, tout à leur fureur d’intégrer l’Ukraine à l’Otan, l’ennemi juré de Moscou, ce qui constitue un contresens historique vu que ladite Ukraine est le berceau de la nation russe…

Décidément, l’Ouest a perdu le Nord, si l’on ose dire; et ce faisant, il a perdu le Sud: nous.

Et dire que le plus grand philosophe des Lumières européennes, Kant, avait publié en 1795 un essai intitulé Vers la paix perpétuelle.

Kant, réveille-toi, ils sont devenus fous...

Par Fouad Laroui
Le 03/12/2025 à 10h58