Des millions de Taïwanais se rendent aux urnes ce samedi pour élire leur prochain président. Les images des médias taïwanais montrent de longues queues face aux bureaux de vote, qui fermeront à 16H00 (08H00 GMT). Sur d’autres, on voit des Taïwanais revenus au pays pour l’occasion, le vote à l’étranger n’étant pas autorisé.
En 2020, la participation avait frôlé les 75% dans ce territoire de 23 millions d’habitants situé à 180 kilomètres des côtes chinoises. L’élection est à un tour et les résultats sont attendus dans la soirée. «J’ai regardé dans l’urne et j’ai senti que je n’avais jamais été aussi enthousiaste qu’en ce moment, parce que je crois qu’il y a un candidat qui peut apporter de l’espoir à l’avenir de Taïwan», témoigne Karen, enseignante de 54 ans, sans révéler son choix.
Pour Huang Pei-ya, employée à la Bourse, tous les Taïwanais doivent participer à ce scrutin. «Je n’aime pas ceux qui disent qu’ils ne s’intéressent pas à la politique, qu’ils ne savent pas pour qui voter, qu’ils ne veulent pas voter», dit elle. «Je pense qu’il faut se préoccuper de notre pays, de notre vie et aller voter».
«Montrer la vitalité de la démocratie taïwanaise»
Favori du scrutin, le vice-président Lai Ching-te, du Parti démocratique progressiste (DPP), est vu par Pékin comme «un grave danger» car il est sur la même ligne que la présidente sortante, Tsai Ing-wen, qui clame que l’île est de facto indépendante. Depuis l’élection de cette dernière, en 2016, la Chine a coupé toute communication de haut niveau avec Taïwan, qu’elle considère comme une de ses provinces.
Face à lui, Hou Yu-ih, candidat du Kuomintang (KMT), principal parti d’opposition, prône un rapprochement avec Pékin. Le troisième candidat, Ko Wen-je, du petit Parti populaire taïwanais (TPP), se présente comme anti-establishment.
Les Taïwanais votent aussi pour renouveler leur Parlement, où le DPP pourrait perdre sa majorité. «S’il vous plaît, allez voter pour montrer la vitalité de la démocratie taïwanaise», a lancé Lai Ching-te samedi avant d’aller déposer son bulletin dans l’urne, dans le gymnase d’une école à Tainan (sud). Hou Yu-ih, lui, a dit espérer que «quelles que soient les turbulences qui ont marqué le processus électoral, tout le monde s’unira après le scrutin pour faire face à l’avenir de Taïwan».
Pression de Pékin
Toute la semaine, Pékin a accentué sa pression diplomatique et militaire. Jeudi, cinq ballons chinois ont franchi la ligne médiane séparant l’île autonome de la Chine, selon le ministère taïwanais de la Défense, qui a aussi repéré dix avions et six navires de guerre.
Samedi, des journalistes de l’AFP ont observé un avion de chasse chinois au-dessus de la ville de Pingtan, la plus proche de Taïwan. Et sur le réseau social chinois Weibo, le hashtag «Élection à Taïwan» a été bloqué dans la matinée. Pékin a appelé les électeurs à faire «le bon choix» et l’armée chinoise a promis d’«écraser» toute velléité d’«indépendance».
Le statut de Taïwan est l’un des sujets les plus explosifs de la rivalité entre la Chine et les États-Unis, premier soutien militaire du territoire. Vendredi, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a rencontré à Washington Liu Jianchao, à la tête de la division internationale du Comité central du Parti communiste chinois. Il lui a rappelé l’importance de «maintenir la paix et la stabilité dans le détroit de Taïwan».
Un conflit dans le détroit de Taïwan serait désastreux pour l’économie mondiale: l’île fournit 70% des semi-conducteurs de la planète et plus de 50% des conteneurs transportés dans le monde transitent par le détroit.