Lors d’une interview téléphonique accordée le 30 mars par Donald Trump à la chaîne NBC, le nouveau président des États-Unis a jeté un pavé dans la mare de la bien-pensance américaine. Il a, d’une manière on ne peut plus directe, annoncé son projet de briguer un troisième mandat présidentiel, tout en sachant que, actuellement, cela est inconstitutionnel. En effet, la Constitution américaine ne permet pas d’aller au-delà de deux mandats, que ces derniers soient successifs ou pas.
Vous me direz que, peu importe, vu qu’il s’agit d’une énième provocation. Non! Cette fois-ci, c’est du sérieux. Et je ne me base pas uniquement sur sa déclaration, selon laquelle «il ne s’agit pas d’une blague», mais sur des éléments ô combien plus sérieux.
Mais tout d’abord, essayons de voir rapidement comment il pourrait s’y prendre, sachant qu’il a lui-même affirmé qu’«il existe des méthodes pour faire ça».
La première méthode, et pas des moindres, consiste tout bonnement à amender la Constitution. Plus facile à dire qu’à faire, puisque pour cela, il faut réunir le vote des deux tiers du Sénat et de la Chambre des représentants, puis obtenir la ratification des deux tiers des États, soit 38 sur 50.
Cette méthode est peu probable, sachant que pour les démocrates, il est hors de question de se tirer une balle dans le pied, et que tous les républicains ne sont pas d’ardents partisans du mouvement MAGA (Make America Great Again).
L’autre méthode suggérée est celle que beaucoup d’analystes qualifient de «méthode Medvedev-Poutine». Autrement dit, on ne touche pas à la Constitution, mais le prochain président sera J.D. Vance, avec comme vice-président... Donald Trump.
Là aussi c’est un niet. Car après avoir achevé deux mandats, Trump deviendra inéligible, autant pour le poste de président que pour celui de vice-président. Théoriquement, ce dernier pourrait devenir président si le président en exercice venait par exemple à mourir durant son mandat. Et dans ce cas, on retomberait à nouveau sur la question de l’inconstitutionnalité d’un troisième mandat.
«La temporalité de l’époque n’est plus celle des mandats de 4 ou 5 ans, mais celle des césars et des rois. Trump ira-t-il au bout de cette démarche?»
Mais au fond, comme dit l’adage, peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Car les fondements de cette démarche vont au-delà d’un simple caprice. Elle s’inscrit dans une perspective philosophique par certains aspects révolutionnaire.
Je fais ici référence à la pensée de ceux qu’on qualifie de «philosophes des lumières sombres», dont les figures de proue sont Nick Land et Curtis Yarvin, et dont l’influence sur Vance, Musk et Trump est un secret de polichinelle.
Yarvin, à titre d’exemple, qualifie la démocratie de «dieu déchu» et d’oligarchie, et propose littéralement de transformer le régime politique américain en monarchie. Avec un monarque non élu à la tête du système, et le libertarianisme à la base. De quoi renvoyer dos à dos démocratie et libéralisme.
Pourtant, Yarvin est loin d’être un fervent défenseur de la tyrannie et du despotisme. Et nous Marocains savons mieux que quiconque que, bien au contraire, la monarchie peut être un puissant vecteur de démocratisation et d’ouverture.
De plus, le premier leitmotiv de Yarvin est la recherche de l’efficacité. Puisque dans un schéma démocratique, cette dernière se retrouve souvent malmenée par la cyclicité électorale et les antagonismes partisans. Dans ce paradigme, aucune vision stratégique sur le très long terme ne peut être pensée ni, surtout, réalisée.
D’autant plus que, dans le contexte géopolitique actuel et futur, caractérisé par le retour triomphant des empires, du césarisme et du réalisme, opposer des démocraties fragiles, corrompues et en implosion à des empires dirigés par des Césars (Poutine, Xi Jinping, Erdogan...) relève du suicide.
La temporalité de l’époque n’est plus celle des mandats de 4 ou 5 ans, mais celle des césars et des rois. Trump ira-t-il au bout de cette démarche?
Si la nécessité l’exige, cela se fera avec lui, malgré lui ou après lui. Mais cela se fera. Car, du point de vue américain, il y va de la survie, non seulement de l’Amérique, mais de l’Occident dans sa totalité en tant que bloc civilisationnel en déclin.
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