Trump et le retour des rois

Rachid Achachi.

ChroniqueLe président américain a annoncé sa volonté de briguer un troisième mandat présidentiel, démarche pourtant interdite par la Constitution des États­-Unis d’Amérique. Ce qu’on peut prendre pour une énième provocation correspondrait plutôt à une nouvelle vision de la politique visant à remplacer la démocratie par un système monarchique.

Le 03/04/2025 à 12h01

Lors d’une interview téléphonique accordée le 30 mars par Donald Trump à la chaîne NBC, le nouveau président des États­-Unis a jeté un pavé dans la mare de la bien-pensance américaine. Il a, d’une manière on ne peut plus directe, annoncé son projet de briguer un troisième mandat présidentiel, tout en sachant que, actuellement, cela est inconstitutionnel. En effet, la Constitution américaine ne permet pas d’aller au-delà de deux mandats, que ces derniers soient successifs ou pas.

Vous me direz que, peu importe, vu qu’il s’agit d’une énième provocation. Non! Cette fois-ci, c’est du sérieux. Et je ne me base pas uniquement sur sa déclaration, selon laquelle «il ne s’agit pas d’une blague», mais sur des éléments ô combien plus sérieux.

Mais tout d’abord, essayons de voir rapidement comment il pourrait s’y prendre, sachant qu’il a lui-même affirmé qu’«il existe des méthodes pour faire ça».

La première méthode, et pas des moindres, consiste tout bonnement à amender la Constitution. Plus facile à dire qu’à faire, puisque pour cela, il faut réunir le vote des deux tiers du Sénat et de la Chambre des représentants, puis obtenir la ratification des deux tiers des États, soit 38 sur 50.

Cette méthode est peu probable, sachant que pour les démocrates, il est hors de question de se tirer une balle dans le pied, et que tous les républicains ne sont pas d’ardents partisans du mouvement MAGA (Make America Great Again).

L’autre méthode suggérée est celle que beaucoup d’analystes qualifient de «méthode Medvedev-Poutine». Autrement dit, on ne touche pas à la Constitution, mais le prochain président sera J.D. Vance, avec comme vice-président... Donald Trump.

Là aussi c’est un niet. Car après avoir achevé deux mandats, Trump deviendra inéligible, autant pour le poste de président que pour celui de vice­-président. Théoriquement, ce dernier pourrait devenir président si le président en exercice venait par exemple à mourir durant son mandat. Et dans ce cas, on retomberait à nouveau sur la question de l’inconstitutionnalité d’un troisième mandat.

«La temporalité de l’époque n’est plus celle des mandats de 4 ou 5 ans, mais celle des césars et des rois. Trump ira-t-il au bout de cette démarche?»

Mais au fond, comme dit l’adage, peu importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse. Car les fondements de cette démarche vont au-delà d’un simple caprice. Elle s’inscrit dans une perspective philosophique par certains aspects révolutionnaire.

Je fais ici référence à la pensée de ceux qu’on qualifie de «philosophes des lumières sombres», dont les figures de proue sont Nick Land et Curtis Yarvin, et dont l’influence sur Vance, Musk et Trump est un secret de polichinelle.

Yarvin, à titre d’exemple, qualifie la démocratie de «dieu déchu» et d’oligarchie, et propose littéralement de transformer le régime politique américain en monarchie. Avec un monarque non élu à la tête du système, et le libertarianisme à la base. De quoi renvoyer dos à dos démocratie et libéralisme.

Pourtant, Yarvin est loin d’être un fervent défenseur de la tyrannie et du despotisme. Et nous Marocains savons mieux que quiconque que, bien au contraire, la monarchie peut être un puissant vecteur de démocratisation et d’ouverture.

De plus, le premier leitmotiv de Yarvin est la recherche de l’efficacité. Puisque dans un schéma démocratique, cette dernière se retrouve souvent malmenée par la cyclicité électorale et les antagonismes partisans. Dans ce paradigme, aucune vision stratégique sur le très long terme ne peut être pensée ni, surtout, réalisée.

D’autant plus que, dans le contexte géopolitique actuel et futur, caractérisé par le retour triomphant des empires, du césarisme et du réalisme, opposer des démocraties fragiles, corrompues et en implosion à des empires dirigés par des Césars (Poutine, Xi Jinping, Erdogan...) relève du suicide.

La temporalité de l’époque n’est plus celle des mandats de 4 ou 5 ans, mais celle des césars et des rois. Trump ira-t-il au bout de cette démarche?

Si la nécessité l’exige, cela se fera avec lui, malgré lui ou après lui. Mais cela se fera. Car, du point de vue américain, il y va de la survie, non seulement de l’Amérique, mais de l’Occident dans sa totalité en tant que bloc civilisationnel en déclin.

Par Rachid Achachi
Le 03/04/2025 à 12h01

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Bonsoir Monsieur Rachid Achachi. Le grand mathématicien autrichien Kurt Gôdel fuyant le nazisme, s'est installé aux USA en 1940, où il a obtenu un poste de professeur à l'université de Princeton. Il avait comme amis et collègues le mathématicien Oskar Morgenstern et Albert Einstein. En préparant son examen de citoyenneté américaine en 1947, il tombe sur ce qu'il appelle une auto-contradiction dans la Constitution américaine, qui permettrait de transformer légalement la démocratie américaine en dictature. Il en parle à ses deux amis qui lui conseillent de garder les choses pour lui, ce qu'il a fait. C'est ce qu'on appelle la faille de Gödel. Gödel lui, est décédé en 1978. Cordialement.

Trump a une mission,réduire la dette intérieure, démolir les démocrates,briser le Brics, repenser les sièges du conseil de sécurité avec un lift spécial en faveur des USA,relancer les accords d Abraham ,maîtriser le monopole de l industrie automobile européenne, construire un bloc parallèle à l OTAN basé sur la culture anglo-saxons ( États-Unis, GB,Australie, New Zélande, Canada ,Groenland,déclarer des petites guerres asymétriques maîtrisable au moyen Orient pour remettre les pendules de la suprématie américaine à leur place. Briguer un troisième mandat ne l interesse pas ,s il avait l intention il vendera pas la mèche il le soufflera à la dernière minute pour surprendre les démocrates. pour ce qui est de la monarchie juste flirter avec le sujet mènera les USA dans une guerre de succession

C'est une très bonne idée, l'alternance politique en politique mène au clientélisme et à la dilution des responsabilités des politiques L'Europe est en faillite à cause de cela Bravo Trump

En France François Mitterrand en a rêvé et Emmanuel Macron le voudrait bien malgré les difficultés et d'ailleurs maintenant il s'accroche et dirige en Roi au dessus de la mêlée! ... Merci

Rachid, Trump ne sera ni roi, ni Président à vie! Il est un idiot utile. Vos opinions sont appréciées, quand vous ne vous aventurez pas à extrapoler sur les seuls mouvements de rééquilibrage, en cours, de l’ordre mondial tel qu’on le connaît depuis la chute du mur de Berlin. Il est trop tôt pour parler de son remplacement par un autre. Surtout en ce qui concerne son volet économique. Or, il s’agit simplement de la nécessité, bien reconnue par tous, d’un rééquilibrage des règles du jeu économique. Le politique est en réalité déjà acquis à ce réajustement; qu’on soit de gauche ou de droite. L’enjeu actuel, c’est que «Trump 2.0» est enclin à faire accélérer ce processus qui, pour des raisons évidentes, doit prendre du temps. Car, fondamentalement, le consensus sur ce rééquilibrage est global!

Du grand n importe quoi ! La Grande Bretagne, la Hollande , la Belgique , la Suède etc . sont des monarchies . Se portent elles mieux que les Républiques. ? Non . Confusion totale donc. Ce que veut Trump c est du Petain , du Mussolini , du Poutine , et autres dictateurs. Donc tout sauf le respect de l état de droit.

Entièrement d'accord !! Rachid Achachi devient chaque jour un peu plus trumpiste que Trump ! Aux Etats-Unis, il est IMPOSSIBLE de modifier la constitution. Et, surtout, il n'y a aucune raison objective pour permettre un 3ème mandat à qui que ce soit. D'autant plus que les élections de mi-mandat sanctionnent généralement l'administration en place.

En effet, on peut se poser la question de la figure du Roi, en tant qu'archétype dans l'inconscient collectif, à méditer... Merci pour cette tribune.

Cher ami, empereur, plutôt que Roi, de fait, cela dit, ta réflexion est intéressante sur cette idée du Roi, comme archétype, au sens de Jung... Quelque chose qui relève de la psyché des peuples, merci pour cette tribune.

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