Réunis en sommet européen à Bruxelles, les États membres de l’UE ont haussé le ton, jeudi 17 octobre, contre l’immigration irrégulière, en réclamant «en urgence» une loi visant à accélérer les expulsions, à l’issue de discussions qui ont aussi mis en lumière de vifs désaccords au sein de l’Union.
«Le Conseil européen appelle à agir de manière déterminée, à tous les niveaux, pour faciliter, accroître et accélérer les retours depuis l’Union européenne», disent les 27 dans les conclusions du sommet, invitant la Commission européenne à soumettre rapidement «une nouvelle proposition législative».
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait pris les devants lundi, en suggérant une nouvelle loi à un calendrier encore à déterminer. Une initiative similaire a échoué en 2018, mais «six ans plus tard, le débat a évolué», «vers la droite» de l’échiquier politique, relève un responsable européen.
Auparavant, les 27 ont longuement débattu des «hubs de retour», une proposition inflammable de transferts de migrants dans des centres d’accueil de pays tiers. L’Italie de Giorgia Meloni, cheffe du gouvernement et du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, a passé un accord controversé avec l’Albanie, où de premiers migrants arrêtés dans les eaux italiennes commencent à arriver.
Plusieurs responsables européens ont pris leurs distances, dont le président français Emmanuel Macron, «sceptique», et le chancelier allemand Olaf Scholz. Les «hubs» ne «s’attaquent à aucun des problèmes et en créent de nouveaux», a même grincé le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez.
Pedro Sánchez unveils plans to help migrants settle in Spain.
— This is Europe (@This_is_Europe) October 15, 2024
Prime minister champions migration in stance at odds with European neighbours.https://t.co/FeNNvpXJvU#Europe #migration #immigration
À l’offensive, les Italiens ont organisé autour de Giorgia Meloni jeudi matin une réunion informelle pour promouvoir ces « solutions innovantes » contre l’immigration irrégulière. Une dizaine de pays étaient autour de la table, dont les Pays-Bas, la Grèce, l’Autriche, la Pologne ou la Hongrie, en présence d’Ursula von der Leyen.
À rebours de la tonalité générale, l’Espagnol Pedro Sanchez a appelé à mettre en avant les bienfaits de l’immigration légale, pour le travail notamment. «La migration irrégulière doit être réduite. Dans le même temps, l’UE doit rester ouverte à l’immigration de main-d’œuvre qualifiée», a plaidé de son côté l’Allemand Olaf Scholz.
Pression de l’extrême droite
En mai, l’Union européenne a adopté le Pacte migration et asile, censé entrer en vigueur mi-2026, avec un durcissement du «filtrage» aux frontières et un mécanisme de solidarité entre les 27 dans la prise en charge des demandeurs d’asile. Allemagne, France et Espagne plaident pour accélérer sa mise en place.
Les questions migratoires reviennent bousculer l’agenda, poussées notamment par les partis d’extrême droite, en progression dans de nombreux pays d’Europe. Plusieurs gouvernements ont haussé le ton. Le «moteur franco-allemand pousse à agir», selon un diplomate européen, alors que moins de 20% des décisions d’expulsion de migrants en situation irrégulière sont suivies d’effet au sein de l’UE.
Paradoxalement, la demande d’une nouvelle loi intervient alors que le nombre de passages clandestins détectés aux frontières de l’UE a baissé de 42% sur les neuf premiers mois de 2024, comparé à la même période en 2023, selon l’Agence européenne de surveillance des frontières Frontex.