Venezuela: la crise post-électorale place le pays à la croisée des chemins

La dirigeante de l'opposition vénézuélienne, Maria Corina Machado, salue depuis le haut d'un camion lors d'une manifestation, à Caracas, le 17 août 2024. AFP or licensors

Après la réélection contestée du président Nicolas Maduro, le Venezuela se trouve à la croisée des chemins, entre un pouvoir cherchant pour sa part à normaliser la situation et une opposition qui tente de forcer une transition vers l’alternance.

Le 21/08/2024 à 08h31

«Transition» ou «normalisation»? Le Venezuela se trouve à la croisée des chemins après la présidentielle contestée du 28 juillet, avec une opposition qui tente de mettre la pression par tous les moyens sur un pouvoir cherchant pour sa part à normaliser la situation.

«C’est comme une route qui se termine en Y: ou on prend le chemin autocratique vers la cubanisation du Venezuela, ou on va vers un processus de transition», estime Benigno Alarcon, politologue à l’Université catholique Andres Bello (UCAB), à Caracas.

La voie institutionnelle

Le président Nicolas Maduro a été proclamé vainqueur avec 52% des voix par le Conseil national électoral (CNE) qui n’a pas fourni les procès-verbaux des bureaux de vote, se disant victime d’un piratage informatique. Selon l’opposition, qui a rendu publics les documents électoraux obtenus grâce à ses scrutateurs, son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia a remporté le scrutin avec plus de 60% des voix.

Pour faire «valider» sa victoire, Nicolas Maduro a saisi la Cour suprême, dont les décisions sont «sans appel». L’opposition estime que le Tribunal suprême est inféodé au pouvoir, et ne s’est pas présentée à ses convocations. «S’ils (l’opposition) disent avoir la majorité, pourquoi ne sont-ils pas venus avec leurs arguments pour les défendre? C’était un espace pour le faire», déclare Francisco Gonzalez, avocat et universitaire, convaincu que Maduro a remporté le scrutin malgré l’érosion de son électorat.

«La transition ne dépend pas des institutions publiques» qui sont aux mains du pouvoir, estime Benigno Alarcon, qui ajoute qu’avec les lois antifascistes, sur les ONG et les réseaux sociaux, «le gouvernement tente de fermer tous les espaces physiques et virtuels où il pourrait y avoir des manifestations».

Rue et pression internationale

«Nous n’abandonnerons pas la rue», a promis la cheffe de l’opposition Maria Corina Machado. Si les rassemblements de samedi ont été un succès à l’étranger, les manifestations au Venezuela n’ont pas été le raz-de-marée espéré par l’opposition.

«La rue n’est pas sortie en masse parce qu’il y a de la répression, de la peur, de l’intimidation», affirme Edward Rodriguez, consultant politique de l’opposition. «Personne ne veut mourir dans la rue. Ils sont là de manière intimidante. Il y a les “colectivos” (paramilitaires), la police, les gardes nationaux... Il y a une psycho-terreur», dit Katiuska Camargo, militante associative, qui raconte que le pouvoir sillonne les quartiers populaires pour intimider et dissuader les gens de manifester.

Pour cette raison, M. Alarcon comme M. Rodriguez conviennent qu’il faut une «double» action de la rue mais aussi de l’étranger. La communauté internationale doit «augmenter la pression». L’Union européenne, l’Organisation des États américains (OEA), le Brésil et 22 autres pays ont demandé vendredi dans des déclarations distinctes la publication des «procès-verbaux».

Violence

«Les mobilisations pacifiques peuvent devenir violentes, soit en raison du désespoir des gens, soit en raison de la répression exercée par l’État», craint M. Alarcon. «L’opposition n’y a pas intérêt», soulignant que toute violence «justifierait la répression» du pouvoir.

L’annonce de la réélection de Nicolas Maduro pour un troisième mandat a provoqué des manifestations spontanées, brutalement réprimées. De source officielle, 25 personnes sont mortes, 192 ont été blessées et 2.400 arrêtées. Pour M. Rodriguez, «toute cette situation violente» a entraîné une «perte» de soutien du côté de l’opposition.

Rupture de l’intérieur ?

«Des pays ont opéré une transition contre les institutions», indique M. Alarcon, affirmant que «tout peut arriver». «Il ne sert à rien qu’un général veuille réprimer si ceux qui doivent réprimer ne le font pas. Il importe peu que le procureur ordonne des arrestations si la police ou les tribunaux ne le font pas. Il arrive que, sous l’effet de pressions internes et externes, la pyramide finisse par se scinder horizontalement», ajoute-t-il.

Négociations

«On ne négocie pas avec les fascistes», a lancé Maduro, en parlant de l’opposition qu’il accuse de générer la violence et de vouloir réaliser un «coup d’État». Le candidat de l’opposition Edmundo Gonzalez a, lui, dit «être prêt au dialogue» tout en demandant à Nicolas Maduro de se «mettre de côté».

«Maduro tente de ramener le pays à la normalité, d’atteindre la normalisation économique. Sa technique est l’usure. La technique de l’opposition consiste à résister», estime Edward Rodriguez, pour qui cela va «aboutir à une négociation. (...) Maduro élève le niveau de négociation, c’est-à-dire plus de répression, plus d’intolérance (...) Il augmente le prix pour arriver à un moment de négociation».

Par Le360 (avec MAP)
Le 21/08/2024 à 08h31