Brahim Ghali est actuellement «en convalescence» à l’hôpital de San Pedro de Logroño, où il a été admis le 18 avril pour être soigné du Covid-19. Il doit finalement comparaître, par visioconférence, devant le juge d’instruction, Santiago Pedraz, de l’Audience nationale, la plus haute juridiction pénale en Espagne, le 1er juin prochain. Ce sera pour répondre des lourdes accusations qui pèsent sur lui, portées essentiellement par des ressortissants espagnols.
Et même s’il ne fait l’objet d’aucune mesure conservatoire, le chef du Polisario, objet de nombreuses plaintes pour torture, crimes de guerre et viols, est depuis quelques jours sous haute surveillance policière.
Objectif, empêcher à tout prix une éventuelle tentative d’évasion, option, suggérée par son bras droit et soi-disant «ministre du Peuplement des territoires libérés», Salem Lebsir. Les autorités espagnoles craignent en effet que ce plan soit mis à exécution.
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Ainsi, nous apprend le site d’investigation espagnol Ok Diario, une surveillance des plus rapprochées, instaurée 24h/24, a été mise en place à proximité de l'hôpital de San Pedro. «Plusieurs policiers en civil ont été déployés depuis mardi dernier et ont pour instruction de ne pas attirer l'attention, ni des médecins ni des patients», précise le site. L’ordre en a été donné par le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, et il a été relayé par la direction générale de la police auprès de la préfecture de police de La Rioja.
Une éventuelle fuite équivaudrait à jeter de l’huile sur le feu, déjà bien attisé, de la crise entre le Maroc et l’Espagne à cause de cette affaire. Par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, comme de l’ambassadrice du Souverain à Madrid, Karima Benyaich, le Royaume est on ne peut plus clair: toute sortie du territoire espagnol par le même procédé ayant présidé à son admission (secret, fausse identité, illégalité) ne fera qu’aggraver la situation. Ce sera l’escalade de trop qui constituerait un point de rupture dans les relations entre les deux pays... Les autorités espagnoles semblent vouloir éviter.
Les craintes d’une fuite du chef du Polisario sont nées suite aux déclarations par Salem Lebsir, arrivé secrètement, et séparément, à Logroño pour être au chevet de Brahim Ghali, rappelle Ok Diario. «Dès qu'il (Ghali, Ndlr) aura récupéré, ce qui devra intervenir dans les 10 jours, il quittera le pays. Il ne comparaîtra pas devant le juge», avait assuré Salem Lebsir dans une interview accordée à ce média, laissant planer le doute quant à l’existence d’un plan d’évasion. Mal lui en a décidément pris.
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Depuis, les autorités espagnoles sont sur le qui-vive. Et Brahim Ghali a dû consentir à être entendu par la justice espagnole, après s’y être opposé dans un premier temps. Au sein du Polisario, c’est la panique. Au point que le chef par intérim du front séparatiste, Bachir Mustafa Sayed, ministre des Affaires politiques de la pseudo-Rasd et conseiller personnel du président Ghali, crie désormais au complot. Dans un message texto, adressé le 25 mai aux siens (depuis un numéro de téléphone algérien), celui qui fait également objet de plaintes en Espagne pour actes de torture, détentions illégales et crimes contre l'humanité, a accusé le journaliste d’Ok Diario d’être à la solde des renseignements espagnols. Et d’appeler ses proches au silence, en signe de réprobation de la sortie médiatique de Lebsir.
Toujours selon Ok Diario, la surveillance accrue installée autour de Brahim Ghali se justifie d’autant plus qu’en l’absence de mesures conservatoires prises à son encontre, le chef du Polisario serait libre de ses mouvements une fois l’audience du 1er juin achevée. «Le fait que Ghali fasse sa déclaration, volontairement, devant le juge implique que le magistrat ne lui retirera pas son passeport par la suite et qu’il pourrait quitter l'Espagne librement, quand il veut et sans aucun obstacle», écrit le site, citant des sources bien informées.
Autant dire que pour l’Etat de droit et les droits des victimes comme pour les relations avec le Maroc qui plaide pour que justice soit faite, le pire est (encore) à craindre.