Il est des paradoxes, dans l’action de certains États voisins et au destin a priori lié, qui forcent, par leur évidence, un moment de recul pour en analyser la portée et l’ultime finalité. L’écart aussi. Celles qu’entreprennent le Maroc et l’Algérie, chacun de son côté, méritent que l’on s’y attarde. Et les exemples sont légion. Pendant que le Maroc consolide ses relations avec l’Espagne, l’Algérie rate une occasion historique de se réconcilier avec Madrid, deuxième acheteur de son seul et unique levier économique: le gaz.
Rabat assainit progressivement ses relations avec Paris pour les 30 années à venir (comme l’a précisé le chef de la diplomatie française, Stéphane Séjourné, lors de son récent déplacement à Rabat), tandis qu’Alger continue de jouer des coudes, à forte dose de rente mémorielle, de signaux contradictoires et de sur place qui finit par lasser.
Le Royaume ouvre définitivement, et à pas sûrs, son espace atlantique aux pays du Sahel. Alger, par la voix du chef de son armée, Saïd Chengriha, tente des simulations de guerre et établit un laborieux parallèle entre la «cause» sahraouie et celle de la Palestine. C’était en début de semaine, lors d’une visite à la 6ème Région militaire à Tamanrasset, aux frontières avec le Mali et le Niger, deux pays que le régime algérien a fini par sérieusement irriter.
Mieux, et c’est là la vraie fausse nouveauté, pendant que le Maroc s’impose sur la carte du monde par une action diplomatique qui force l’admiration et des partenariats engageant l’avenir proche comme lointain, que trouve à faire l’Algérie? Retomber dans ses petits et vieux calculs en jouant la carte des alliances de circonstance. Ses agissements au Conseil de sécurité, dont elle est membre non permanent pour deux petites années, en disent long. Et il n’est même pas dit que lesdites cartes soient gagnantes.
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Ainsi, tout en tentant lamentablement de forcer la main à la Sierra Leone, Alger fait les yeux doux au Mozambique. Les deux pays ont cela de particulier qu’ils sont également membres non permanents du CS de l’ONU. Là où il était censé trouver une occasion pour faire parler l’Afrique d’une seule voix dans le concert des nations, le duo Tebboune-Chengriha voit une énième opportunité… pour «casser» du Maroc. Et c’est de cela, et uniquement de cela, qu’il s’agit: rogner sur les avancées diplomatiques du Maroc dans ce que le régime voisin perçoit comme son talon d’Achille: le Sahara. En nivelant par le bas et en jouant (très très) petit.
«Que l’on ne s’y trompe pas, le Sahara est la raison pour laquelle le président de la République du Mozambique, Filipe Jacinto Nyusi, est à Alger depuis mercredi 28 février pour une vague visite d’amitié et de travail sur invitation du président Abdelmadjid Tebboune d’ailleurs», souligne Mohamed Bouden, politologue et spécialiste de l’affaire du Sahara. Petit aperçu des accords signés dans la vidéo qui suit.
Un déplacement précédé par une visite du président sierra-léonais, Julius Maada Bio, à Alger, du 2 au 4 janvier, suivie par celle de son chef d’état-major de l’armée, le général Peter Kakowou, reçu le 24 du même mois par Saïd Chengriha. On notera que si le Mozambique n’a jamais caché son hostilité au Maroc sur le dossier du Sahara, la Sierra Leone, elle, est acquise à la justesse de la thèse marocaine et à son intégrité territoriale. Lundi 4 septembre 2023, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la Sierra Leone, Timothy Musa Kabba, réitérait depuis Rabat le soutien indéfectible de son pays à l’intégrité territoriale du Maroc et au plan d’autonomie comme la seule base pour le règlement du conflit régional autour du Sahara. La Sierra Leone compte, qui plus est, un consulat général à Dakhla depuis août 2021.
À défaut d’être éprouvée, la méthode est surtout éprouvante. De la même manière qu’Alger tente d’aligner la Mauritanie à sa doxa, en minant les projets de développement initiés par le Maroc dans la sous-région, à coups d’annonces farfelues d’une zone de libre-échange à Tindouf, d’un passage frontalier non desservi et d’une improbable route de 840 kilomètres reliant Tindouf au fin fond du désert algérien à Ziourate, les dirigeants du pays voisin n’hésitent pas à multiplier visites, lancements de projets et accords de coopération. Sans effet.
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On retiendra, pour le Mozambique, le «renforcement et de la consolidation des liens historiques de fraternité et de solidarité» entre les deux pays. Et pour la Sierra Leone, il est question de «convergence de vues à propos de nombreuses questions régionales» et de «positions communes vis-à-vis de nombre de dossiers, dont ceux du Sahara occidental, de Palestine, du Sahel, de la stabilité institutionnelle en Afrique ou encore la réforme du Conseil de sécurité de l’ONU et la représentation du continent». Parole de la présidence algérienne. C’est à peu près tout et, le moins à dire, c’est que la substance n’y est pas. Quant au Sahara, la Sierra Leone semble laisser dire. Non seulement les paroles ne mangent pas de pain, mais elles ne changent rien à l’appui ferme de Freetown à la position de Rabat.
L’objectif réel se résume en une phrase: essayer d’isoler le Maroc au Conseil de sécurité, en montrant que les trois pays d’Afrique qui y sont représentés ne le soutiennent pas. Ceci, au moment où le même Conseil de sécurité aligne les résolutions favorables au Maroc, zappant définitivement toute option référendaire à laquelle Alger tient tant. «Ce qui est regrettable, c’est que la politique algérienne, qui a fort à faire sur le plan interne et qui collectionne les défaites et humiliations diplomatiques (un éclatant échec à intégrer les BRICS, un Chengriha royalement ignoré par le prince héritier saoudien alors qu’il a passé 10 jours à Riyad dans l’attente d’être reçu, pour ne citer que ces événements), n’a désormais qu’une seule idée fixe: l’hostilité au Maroc», indique cette source bien au fait du dossier.
Une hostilité qui constitue à l’évidence le point focal de toute la diplomatie du voisin de l’Est et guide tous les faits et gestes et autres chèques distribués par ses dirigeants. Une peine résolument perdue et qui explique en grande partie la perte totale de contrôle du régime, dont l’agence officielle a livré, mardi 27 février, à travers une dépêche, une véritable leçon de langage ordurier pour insulter des médias français, des opposants algériens et (cela va de soi) le «Makhzen». Le tout, juste pour dire que l’élection présidentielle prévue en décembre aura bien lieu «en temps».