Le président algérien n’a pas eu un mot de remords ou de regret après l’assassinat par ses garde-côtes de deux jeunes Marocains qui faisaient du jet-ski au large de Saïdia. Ce silence nous incite à poser la question: qui est cet homme? De quoi est-il fait? De quoi Tebboune est-il le nom?
Tebboune, on le sait, est le cache-sexe de la junte militaire au pouvoir en Algérie. Pour ne pas apparaître au grand jour, pour donner l’illusion que leur pays est une démocratie où les civils seraient au pouvoir, les généraux ont besoin d’une marionnette en tenue de ville, une marionnette qu’ils agitent dans tous les sens.
Tout cela est bien connu. La question qui se pose est d’un autre ordre. Des Algériens intelligents, cultivés, fins, il y en a; il y en a même beaucoup. Alors pourquoi la junte a-t-elle choisi ce benêt?
La première réponse qui vient à l’esprit est dérivée d’un dicton bien connu: qui se ressemble s’assemble. La junte étant composée de ganaches pas très futées, il leur fallait un type de leur niveau. Il leur aurait été difficile de comprendre, et encore moins de manipuler, un intellectuel qui leur aurait cité Gramsci, Foucault ou Leo Strauss à tout bout de champ. Autant avoir un quidam un peu simplet qui leur parle d’huile, de lait en poudre ou de semoule. Ça, ils connaissent. Les nourritures terrestres qui arrondissent la panse, ça leur parle plus que les nourritures de l’esprit, trop subtiles.
La deuxième réponse est qu’ils avaient besoin d’un homme unidimensionnel, comme dirait Marcuse; un homme dont l’indigente pensée puisse être constamment orientée dans une seule direction, vers un seul objectif, comme une girouette rouillée; et cet objectif obsessionnel est: «comment nuire au Maroc?»
La troisième réponse est qu’il leur fallait quelqu’un qui leur obéisse au doigt et à l’œil, hanté par l’idée qu’ils sortent de leur musette, contre lui, un des dossiers de corruption qu’ils détiennent sur tous ceux qui ont participé au pouvoir au cours des vingt dernières années. Les puissants d’hier, plein de morgue parce qu’ils se croyaient intouchables, sont à peu près tous en prison aujourd’hui. Voilà qui incite à filer doux devant le galon, à baisser l’échine devant la casquette, fût-elle de caporal. Sir, yes sir!
Toutes ces considérations, qui finissent par dessiner la silhouette d’un homme sans qualités, ont ceci en commun qu’elles ne tiennent absolument pas compte des besoins du pays ni de ses habitants. Dépenser des milliards de dollars pour armer des séparatistes, dans l’espoir chimérique de dépecer le pays voisin, alors qu’on pourrait utiliser cette manne pour venir en aide aux plus démunis de ses compatriotes, voilà qui constitue une double félonie: contre le peuple voisin et contre son propre peuple.
Ainsi, c’est leur propre pays que les militaires lèsent en installant leur homme de paille à la tête de l’État avec comme seule description de poste qu’il leur soit soumis et comme seule qualité requise qu’il n’en ait aucune, c’est-à-dire qu’il soit médiocre.
Mais cette médiocrité n’est pas innocente, comme celle de tant de gens sans envergure qui se contentent d’être employé aux écritures au ministère de la Marine ou marchand de vieilles hardes à la criée. Notre homme dispose d’une rente pétrolière qui lui permet de financer ses garde-côtes assassins et ses sbires qui ne demandent qu’à passer à l’action. C’est cela qui lui donne une dimension particulière.
Parce qu’il faut enfin répondre à la question posée dans le titre de ce billet. De quoi Tebboune est-il le nom? De la médiocrité dangereuse.
Stefan Zweig nous avait donné en 1939 un chef-d’œuvre sous le titre La pitié dangereuse. Qui écrira la fade biographie de Tebboune sous le titre La médiocrité dangereuse?