Mesdames et messieurs, le PJD vous invite à aller voir «Le bleu du caftan». C’est un geste noble et gracieux. Le film de Maryam Touzani ne marche pas très fort en salles, alors le PJD y va de son appel à interdiction, qui est avant tout un acte d’encouragement et d’incitation à aller au cinéma.
C’est comme avec le fruit défendu: on vous l’interdit, alors vous allez tout faire pour vous en emparer et y goûter. Et vous allez y arriver. Inchallah!
La dernière fois que le PJD avait mobilisé ses troupes pour demander l’interdiction d’un film déjà en exploitation, c’était, si ma mémoire est bonne, pour «Marock» en 2005. On connait le résultat: le film avait fait un carton en salles!
Je connais un peu le PJD et j’ai du respect pour ses militants de base, donc beaucoup sont sincères et dévoués. Très travailleurs aussi. Ils font du volontariat «fi sabili ‘llah», complètement désintéressés, guidés seulement par leur foi et leur désir de bien faire. Ils se donnent du mal, beaucoup de mal.
Le problème, c’est qu’ils brassent de l’air. Ils perdent leur temps. Tout ça pour ça!
J’imagine qu’ils ont quelques esprits brillants qui s’activent dans une cellule de veille qui traque ce qui se dit et s’écrit. Ils vont tous les jours à la pêche au scandale. Ils font des rapports, des contre-rapports, et tiennent des réunions pour cela.
Il y a celui qui a repéré un demi-bisou dans une série à la télévision. L’autre a déniché une jupe trop courte, un pantalon moulant, un décolleté plus ou moins plongeant, un téton dont on peut presque imaginer les contours. Il y a ceux qui vont plus loin, dans ce fond qu’ils finissent par toucher: «Le personnage du juif est anormalement sympathique… Celui qui boit de l’alcool n’est ni réprimandé par les siens, ni châtié par dieu… Où va-t-on comme ça?».
Alors ils confrontent leurs brillantes idées, les recoupent, ajoutent une couche de violon et beaucoup d’épices, et ils envoient le tout à la direction. Les chefs se saisissent de l’affaire comme un affamé qui voit arriver du méchoui: ils se jettent sur la proie et en font une affaire publique.
Ils font cela avec les films, les feuilletons et séries télé, la musique. Mais pas assez, ou rarement avec les livres. Peut-être qu’ils ne lisent pas, ou qu’ils ne comprennent pas trop les subtilités des langues étrangères.
Avec «Marock», ils ont remué ciel et terre parce que le film racontait une histoire d’amour entre une musulmane et un juif. Intolérable! Et il y a un moment où le garçon enlève son étoile de David et la met autour du cou de la fille. Sacrilège!
Je me souviens d’un militant PJD qui disait, à l’époque: «Si au moins il ne lui passait pas l’étoile… Ou si elle la cassait… Si elle le repoussait».
Avec «Le bleu du caftan», nos ayatollahs se déchainent parce que, d’après eux, «le film fait la promotion de l’homosexualité». L’argument est bidon, mais on en est là. Ce film a marché partout dans le monde, sauf au Maroc.
En réalité, le PJD fait la promotion du film. Et il faudra peut-être le remercier pour cela.