Annulation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) des accords de pêche avec le Maroc, le 4 octobre: et après? Serait-on tenté de dire. «Aucun impact», comme l’a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita. De quoi conduire à éclairer cette position à travers plusieurs éléments. Le premier a trait au fait que «le Maroc ne se considère aucunement concerné par la décision» de cette institution judiciaire. Pourquoi? Parce qu’il n’est pas partie dans cette procédure, et que le pourvoi en appel a été fait par le Conseil de l’UE -réunissant les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement- et la Commission de Bruxelles, suite à un jugement en 2021 annulant les accords de pêche faute de «consentement du peuple du Sahara occidental».
D’autres faits sont également à relever. Le mouvement séparatiste n’a aucune légitimité, pas plus qu’il ne peut être considéré comme ayant la personnalité juridique pour ester en justice devant la CJUE. Au nom de quoi, la Cour lui confère ce «statut» de représentativité des habitants des provinces du Sud? Il faut ajouter la méconnaissance de la démographie dans cette région: où est le peuple sahraoui, si ce n’est dans ce territoire habité par plus de 600.000 personnes, alors que dans les camps de Tindouf, l’on ne compte que quelque 10.000 Sahraouis d’origine -non encore recensés par suite du refus de l’Algérie, réfugiés aux côtés de dizaines de milliers de Sahéliens (Maliens, Nigériens, Tchadiens, Mauritaniens, Somaliens…). Ce n’est pas par ignorance de ces réalités que la Cour a construit cette notion de «peuple sahraoui», mais parce qu’elle avait besoin de cette notion pour tenter d’habiller sa décision. D’ailleurs, elle a décrété sans autre forme de procès cette situation, sans faire la preuve qu’une grande partie de cette population était hors du territoire des provinces méridionales récupérées du Royaume.
«Ce n’est pas à la CJUE d’essayer de trancher la question nationale, qui est entre les mains des Nations unies depuis 1975 et dont le règlement définitif est à l’ordre du jour.»
Le déni va plus loin avec la décontextualisation politique, historique et diplomatique du statut de ce territoire. Des acquis sont en effet à mettre en exergue: l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ), en date du 16 octobre 1975, reconnaissant les liens historiques et d’allégeance des tribus au Sultan chérifien, les accords de Madrid du 14 novembre 1975, consacrant la rétrocession de cette région par l’administration occupante, la résolution 345 B de l’Assemblée générale de l’ONU, etc. Il faut y ajouter les programmes de développement dans les provinces méridionales assurant le bien-être et le progrès social des populations. Tous les indicateurs attestent de cette situation. Or, la CJUE n’a pas fait son «job», pourrait-on dire, dans des conditions conséquentes: tant s’en faut. À preuve encore, le fait qu’elle se soit octroyé en l’espèce ce que l’on doit qualifier de privilège exorbitant de juridiction. Qu’est-ce à dire? Qu’elle n’a pas respecté un principe fondamental du droit conventionnel, à savoir l’effet relatif des traités. Il n’y a en effet d’obligations ou de droits qu’à l’égard des parties contractantes. Une jurisprudence constante d’ailleurs de cette juridiction depuis des décennies et qui aujourd’hui n’a pas été suivie.
Mais il y a plus. Ce n’est pas à la CJUE d’essayer de trancher la question nationale, qui est entre les mains des Nations unies depuis 1975 et dont le règlement définitif est à l’ordre du jour. En tout état de cause, les titres historiques et juridiques de la marocanité du Sahara sont le socle et le référentiel du processus de règlement sur la base de l’initiative marocaine d’avril 2007 et dans le cadre de l’intégrité territoriale du Royaume. Le Maroc a le soutien de la majorité de la communauté internationale (129 pays sur les 193 États membres de la l′ONU) et de 19 États membres des 27 formant l′Union européenne. Des paramètres de négociation ont été définis par le Conseil de sécurité: relance du format des tables rondes, associant l’Algérie comme partie principale, soutien à l’Envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura, règlement négocié et recherche d’un compromis réaliste.
Le Maroc a des marges de manœuvre pour faire face à cette situation. Le partenariat avec d’autres pays est l’une d’entre elles: avec la Chine, le Japon et la Russie. Avec Moscou, un accord de pêche signé en septembre 2020 pour 4 ans a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2024 (pour 140.000 tonnes par an et une redevance annuelle de 1,5 % de la valeur totale des prises). Enfin, on citera le renforcement des capacités de pêche locales, dans le cadre d’une stratégie de valorisation d’une économie maritime.