Dans une sortie sans précédent et unique en son genre dans les annales de la pratique diplomatique, l’ambassadeur d'Algérie en Mauritanie, Mohamed Benattou, a signé et publié hier lundi un communiqué dans lequel il s’en prend avec une rare violence aux médias mauritaniens.
Manquant de respect même au pays auprès duquel il est accrédité, l'ambassadeur algérien en arrive à oublier qu’il s’en prend à des citoyens mauritaniens que le pouvoir local a l’obligation de protéger contre toute agression, même verbale, surtout quand elle provient d’un chef de mission diplomatique accrédité sur place.
Sans doute chauffé par ses maîtres galonnés à Alger, Benattou a dépassé toutes les limites, non seulement de ses attributions, mais de la bienséance tout court. Ignorant probablement qu’il existe des canaux civilisés pour répondre aux articles de presse, comme une mise au point ou un droit de réponse, l’ambassadeur algérien à Nouakchott, se croyant en territoire conquis, a choisi d’insulter, à travers des qualificatifs vulgaires, les médias mauritaniens.
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Dans son communiqué, il se plaint d’abord de ce qu’il appelle «une série d’articles de presse inspirés par les réseaux mystérieux d’un bureau diplomatique d’un pays connu pour sa haine contre l’Algérie qui tente, par tous les moyens, de contrecarrer la coopération algéro-mauritanienne». Tout un chacun comprendra que ce pseudo diplomate désigne le Royaume du Maroc.
A aucun moment, les médias incriminés et le pays «connu pour sa haine contre l’Algérie» ne sont nommément cités, mais le communiqué s’abreuve du langage de caniveau pour les qualifier de «gang médiatique ignoble». Ainsi, les journalistes mauritaniens sont ouvertement qualifiés d’affairistes, de vendus, de «mercenaires» dans une «servitude honteuse» à l’égard d’une autre mission diplomatique établie à Nouakchott qui leur verse des «pots-de-vin, accorde des visas gratuits, des voyages touristiques, des enveloppes financières» en contrepartie d’«articles mensongers et falsifiant les faits».
Tous les canaux officiels mauritaniens auxquels cet ambassadeur aurait dû s’adresser directement et prioritairement ont été zappés, qu’il s’agisse du ministère des Affaires étrangères, qui est l’interlocuteur principal des missions diplomatiques étrangères, celui de la Communication, qui assure la tutelle sur les médias, ou la Haute autorité de la presse et de l’audiovisuel, le gendarme des médias locaux… Cette attitude, matérialisée par un communiqué directement distribué à cette même presse qu’il fustige, en dit long sur le mépris que l’ambassadeur algérien voue à la Mauritanie, perçue comme rien de moins qu’une énième wilaya algérienne, comme la qualifiait d’ailleurs en son temps le président Mohamed Boukharouba, alias Houari Boumediene.
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Le plus risible dans le communiqué, c’est qu’il qualifie les écrits des médias mauritaniens d'«ingérence extérieure dans la scène médiatique d'un pays souverain, d’un pays qui garantit aujourd'hui la liberté de la presse». Là, l’ambassadeur algérien snobe totalement les autorités mauritaniennes compétentes en parlant d’ingérence extérieure, comme s’il était en plein territoire algérien, allant même jusqu’à écrire que «ces médias n'ont aucune crédibilité ni influence sur l'opinion publique» mauritanienne et sont «des porte-parole inféodés qui ne servent que l'ego démesuré de leur rédacteur en chef».
Pour rappel, cette sortie très peu diplomatique, compulsive et hystérique à l’image de tous les oukases algériens depuis que le duo Chengriha-Tebboune a pris les rênes du pouvoir, intervient suite à la publication, tout au long de la semaine dernière, de plusieurs articles dans différents journaux et sites mauritaniens relatifs à la Foire d’exposition des produits algériens qui se tenait ces jours-ci à Nouakchott. Les critiques médiatiques en cause ont surtout visé la scandaleuse mise à l’écart totale des opérateurs mauritaniens de l’événementiel. Un journal est allé jusqu’à écrire que les Algériens ont tellement méprisé les opérateurs économiques mauritaniens qu’ils ne leur ont laissé que «les poubelles et autres détritus de la foire» à ramasser.
En attendant la réaction des autorités mauritaniennes à ce communiqué insultant envers leur pays et leur presse, les médias du régime algérien l’ont déjà applaudi et amplifié, accusant à leur tour les sites mauritaniens d’être inféodés au Makhzen. Les médias algériens ont juste oublié de rappeler l’épisode d’avril 2015, relatif au premier conseiller de l’ambassade d’Algérie en Mauritanie, Belkacem Charouati. Ce dernier a été expulsé de la Mauritanie après avoir été pris en flagrant délit de publication, dans les colonnes d’un site mauritanien, d’un article que les autorités de Nouakchott ont estimé attentatoire aux bonnes relations maroco-mauritaniennes. L’ambassadeur d’Algérie à Nouakchott mérite le même sort.