Le 37ème sommet de l’Union africaine (UA) s’est tenu le week-end des 17 et 18 février à Addis-Abeba, en Éthiopie. Un sommet à l’agenda bien chargé, compte tenu des nombreux défis auxquels est confronté le continent: conflits, crises de gouvernance, capacité des États membres à y faire face, développement durable, etc.
Le Maroc y a participé, activement même, SM le Roi ayant été représenté par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita. Premier constat: l’affaire du Sahara marocain n’était pas à l’ordre du jour. Une seule voix, la même, celle de l’Afrique du Sud, a évoqué cette question… L’organisation continentale fait de nouveau montre de son esprit de maturité et de responsabilité.
Une position déjà exprimée lors du 32ème sommet de l’UA où, pour la première fois, il n’y a pas eu de décision africaine sur le Sahara marocain. Il faut rappeler qu’à cette occasion, sur la base d’un avis émis par le conseiller juridique de l’UA, le représentant permanent du Nigéria, Bankole Adeyoye, avait précisé que le Conseil de paix et de sécurité ne pourra plus «soulever, citer ou se référer à la situation au Sahara occidental de quelque manière que ce soit». D’où l’absence de toute mention du Sahara dans le rapport final du 32ème sommet de l’UA. «Une première et une évolution importante», selon le responsable de la diplomatie marocaine. Une décision conforme à ce qui avait été décidé par la résolution 693, lors du précédent sommet à Nouakchott, les 1er et 2 juillet 2018, consacrant la prééminence du seul processus des Nations unies dans ce dossier.
Au regard de l’avenir du continent, il vaut de relever que Rabat se distingue par une doctrine adossée à «l’émergence d’une nouvelle Afrique», comme l’a souligné SM le Roi dans son discours de retour à l’Union africaine, le 31 janvier 2017: «Transformer les défis en authentique potentiel de développement et de stabilité». À long terme, c’est l’agenda 2063 qui est l’un des projets phares de l′UA. Le Maroc apporte ainsi sa contribution à des processus de mise en œuvre de programmes et d’activités: évaluation du premier plan décennal, élaboration du 2ème plan décennal, élaboration d’une stratégie de mobilisation des ressources, proposition de création d’un Fonds pour le développement…
Le Royaume du Maroc, membre du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’UA pour un mandat de trois ans (2022-2025), a accédé à partir du 1er février 2024 à la présidence de cet important organe décisionnel, chargé de promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent africain. La présidence marocaine du CPS, durant ce mois de février, est la troisième depuis son retour au sein de l’UA. Après avoir présidé cet organe en septembre 2019, durant son premier mandat au sein du Conseil (2018-2020), et en octobre 2022, au titre de son mandat triennal (2022-2025), cette troisième présidence s’inscrit dans la continuité des efforts constants du Royaume du Maroc en faveur de la paix, de la sécurité et du développement en Afrique.
C’est là un prolongement de son engagement visant à répondre aux divers défis sécuritaires guettant le continent africain, dans le cadre d’une nouvelle approche globale et multidimensionnelle, basée sur le nexus paix, sécurité et développement, telle que consacrée par la 1ère Conférence politique de l’UA sur le Nexus Paix, sécurité et développement, tenue à Tanger en octobre 2022.
La présidence marocaine du Conseil coïncide donc avec la tenue à Addis-Abeba du 37ème Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’UA. Il est prévu dans son programme mensuel une réunion ministérielle du CPS autour du thème: «Connectivité: voie vers le renforcement de la paix, de la sécurité et de l’intégration en Afrique». Elle inclut également une série de réunions des représentants permanents pour délibérer sur des thématiques prioritaires pour l’Afrique et dans lesquelles le Royaume dispose d’une expertise avérée.
Il s’agit des questions liées à la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent, la sécurité sanitaire et sa relation avec la paix et la sécurité, la justice transitionnelle et la consolidation de la paix post-conflit, la prévention et la lutte contre l’utilisation des enfants soldats, ainsi que le suivi de la Conférence de Tanger sur le Nexus Paix, sécurité et développement.
C’est dans cette même ligne que le Maroc s’était mobilisé dans le cadre de la réunion ministérielle africaine de haut niveau tenue en marge des Assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI, le 1er octobre dernier, à Marrakech, pour mettre en place un groupe de travail dédié sur le financement du développement. Plus globalement, le Maroc plaide aussi d’autres dossiers: une forte implication des Communautés économiques régionales (CER) dans le processus de développement et des synergies avec l’UA et l’AUDA-NEPAD (African Union Development Agency) en particulier, le renforcement des structures continentales dédiées à la jeunesse africaine, les mécanismes de suivi régulier avec un tableau de bord, etc. Enfin, le Royaume soutient les propositions du Président ivoirien Alassane Ouattara appelant à l’organisation d’un sommet extraordinaire à Abidjan «pour un engagement plus profond des dirigeants africains, une appropriation accrue, une meilleure sensibilisation et visibilité du 2ème plan décennal de l’Agenda 2063».
Cela dit, avec le 37ème Sommet, les dirigeants africains se sont trouvés confrontés à de nombreux défis de paix, de stabilité de sécurité et de développement. À noter que ces assises n’ont pas fait le plein des États, six d’entre eux étant encore suspendus en raison des coups d’État perpétrés sur leur sol, à savoir le Gabon, le Mali, la Guinée, le Soudan, le Burkina Faso et le Niger. Les conflits civils s’intensifient dans de nombreuses régions d’Afrique, la violence jihadiste aussi. Comment traiter toutes ces crises de gouvernance politique et démocratique? Du Mali au Mozambique, des insurrections s’aggravent; le Soudan accuse un effondrement de l’État après dix mois de lutte pour le pouvoir entre l’armée dirigée par Abdel Fattah al-Burhan et le chef des Forces de soutien rapide (FSR) de Mohamed Hamdan Dogolo (c’est la quatrième guerre civile après celles de 1955-1972, 1983-2005 et 2003-2020). Des guerres interétatiques majeures sont possibles, notamment dans la Corne de l’Afrique et dans la région des Grands lacs. Les outils de médiation et de maintien de la paix de l’UA n’ont pas vraiment une force politique et financière suffisante. L’UA ne peut être à la hauteur de sa mission que si les États africains renforcent leur propre engagement envers cette organisation. Les opérations de maintien de la paix (OMP) sont aujourd’hui présentes dans le continent: MINUSCA en République centrafricaine, MONUSCO en République démocratique du Congo (RDC), UNMISS au Soudan du Sud et UNISFA dans la région contestée d’Abiyé, occupée par le Soudan, mais réclamée par le Soudan du Sud. Mais elles ne sont financées par l’ONU qu’à hauteur de 75%, le continent devant prendre en charge le reste…
Cette question financière reste grandement problématique. En 2023, le budget de l’UA a été de 655 millions de dollars. Ce budget est pratiquement la moitié de celui du… FC Barcelone, qui est de l’ordre de 1,3 milliard de dollars! Les États ont plafonné leur contribution à quelque 300 millions de dollars, le reste provenant de partenaires internationaux (UE, ONU). Comment escompter dès lors une grande capacité d’influence à l’international? Pourtant, malgré tous ces handicaps, l’UA joue un rôle dans les domaines de la paix et de la diplomatie continentale. En septembre dernier, le Forum du G20 des plus grandes économies du monde a fait de cette organisation un de ses membres permanents, ce qui a aidé à une réflexion globale sur la réforme des institutions financières internationales.
Depuis le samedi 17 février, la Mauritanie assure la présidence tournante de l’Union africaine (UA). Le Président Ould Cheikh succède au Président de l’Union des Comores, Azali Assoumani. Le Maroc a soutenu ce pays voisin. Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a déclaré à cette occasion que c’était là «une consécration méritée eu égard au rôle de la Mauritanie en tant qu’acteur de stabilité dans la région et à son rôle positif concernant un ensemble de questions au niveau du continent africain». Le Sommet a enfin examiné de manière informelle le processus de sélection d’un nouveau président de la Commission de l’ UA devant remplacer président sortant, le tchadien Moussa Faki Mahamat, dont le mandat de quatre ans s’achève en février 2025. Les pays ont jusqu’à mai 2024 pour présenter des candidats (président, vice-président et six commissaires). Des profils qui vont faire l’objet de tractations laborieuses tant il est vrai que l’UA a besoin d’un leadership crédible et même visionnaire dans les années à venir.