L’économie algérienne dépend quasi totalement des hydrocarbures (pétrole et gaz). Ces derniers fournissent en effet, bon an mal an, entre 95 et 98% des exportations, quasiment les seules entrées en devises du pays et environ 75% de ses recettes budgétaires. Une dépendance qui fait peser une menace existentielle sur l’Algérie, dont l’économie est à la merci de la variabilité des cours des hydrocarbures. Or, une telle situation, qui aurait pu être évitée, est la conséquence de choix politiques désastreux relevant de la facilité. En effet, n’ayant pas retenu la leçon des crises des années 1986, 1990 et 1994, l’Algérie n’a pas diversifié son économie, sauf à la marge, préférant toujours le confort de la rente à la vision du futur. Mais un confort porteur de drames, car, comme l’écrivait il y a déjà dix ans de cela Sid-Ahmed Ghozali, ancien ministre et président-directeur général de la Sonatrach:
«Je crains un effondrement. Il est inéluctable (…) Après 53 ans d’indépendance, notre société vit par la grâce d’une richesse épuisable et unique, de surcroît non créée par nous. L’Algérie est l’un des rares pays, sinon le seul, à se retrouver dans cette si grande et si dangereuse précarité: 99% de nos importations, y compris le blé de notre pain quotidien, sont payées par les revenus des hydrocarbures! Qui est responsable de cet état de choses? Un pouvoir vautré dans l’économie de la rente.» (Déclaration au quotidien algérien El Watan, le 28 septembre 2015).
Bloquée sur la monoproduction des hydrocarbures, dont les volumes exportables devraient automatiquement baisser en raison de l’augmentation de la consommation intérieure et de l’épuisement progressif des gisements, l’Algérie, qui ne produit rien, est dans une impasse. En effet, comme elle doit tout acheter, et en devises, à l’étranger comment pourra-t-elle satisfaire les besoins élémentaires d’une population en forte augmentation avec des recettes qui vont baisser?
Là est le grand défi des prochaines décennies, quand les futurs responsables du pays devront gérer la faillite laissée par ceux qui ont dirigé l’Algérie depuis 1962. Toute approche réaliste de la situation passe par l’énoncé des chiffres.
«Si une nouvelle politique énergétique n’est pas mise en œuvre, et très rapidement, par l’Algérie, la consommation pétrolière intérieure représentera 80% du total de sa production en 2030.»
D’abord, les chiffres du pétrole. En 2023, l’Algérie détenait 1,4% de la production pétrolière mondiale et ses réserves étaient estimées à entre 10 et 12 milliards de barils. Au premier trimestre 2024, les principaux acheteurs de ce pétrole étaient la France, avec une moyenne de 68.800 barils/jour, contre 61.4000 barils/jour avant la guerre en Ukraine, soit +-8% de la consommation française; l’Italie, avec 55.900 barils/jour, contre 48.800 barils/jour pendant la même période; les Pays-Bas, avec 44.500 barils/jour, contre 20.300 barils/jour pendant la même période de l’année 2023. (Chiffres du ministère algérien de l’Énergie et des Mines, 11 mars 2024.)
Or, si une nouvelle politique énergétique n’est pas mise en œuvre, et très rapidement, la consommation pétrolière intérieure représentera 80% du total de la production en 2030 (ministère algérien de l’Énergie et des Mines, 11 mars 2024), ce qui portera un coup fatal aux capacités d’exportation de l’Algérie. La forte consommation intérieure est liée à la politique des subventions des produits énergétiques pour les ménages.
Ensuite, les chiffres du gaz. L’Algérie produit environ 130 milliards (mds) de mètres cubes (m3) sur une production mondiale de 3.850 mds de m3, soit 2,4% de la production mondiale. Comme la consommation intérieure représente environ 54% de la production nationale, soit +-63 mds de m3, et comme le torchage est de +-20 mds de m3, l’Algérie ne dispose donc en réalité que de 40 à 50 mds de m3 de gaz pour l’exportation.
En 2024, le pays a ainsi exporté 48,7 mds de m3 de gaz naturel, dont plus de 40 mds de m3 vers le marché européen. À titre de comparaison, comme l’UE en importe annuellement environ 520 mds de m3, l’Algérie ne lui fournit donc qu’à peine +-8% de sa consommation, un chiffre tout à fait marginal.
L’Algérie doit donc absolument augmenter sa production afin de pouvoir détenir une part plus importante dans un marché européen -son client presque exclusif- qui s’est volontairement privé du gaz russe. À cet égard, les annonces faites par le ministre algérien de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, de huit découvertes «majeures» dans les régions de Béchar, Aïn Salah, Djanet, lllizi et Ouargla, et qui permettront, selon lui, de produire «à moyen terme» 200 mds de m3 au lieu des 130 mds actuellement, ne changeront pas la situation d’une manière significative. En effet, et à supposer que ces prévisions soient fondées, sur les 70 mds de m3 supplémentaires qui seraient produits «à moyen terme», comme au moins le tiers alimentera la consommation locale, il s’agira tout au plus d’une quantité exportable supplémentaire de 50 mds de m3. Soit un total d’environ 80/90 mds de m3, pour un marché européen importateur de 520 mds de m3 (chiffre de 2023).
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