L’actuel Chef du gouvernement, issu du monde de l’entreprise, présidant un parti réputé proche du monde des affaires (la plupart des dirigeants de la CGEM ont accueilli sa nomination par des acclamations) est sans nul doute conscient que la promotion de l’investissement privé est un des chantiers où l’on attend de sa part un apport significatif.
Pour preuve, il a pris les devants en modifiant dans l’architecture du gouvernement proposée au Roi les missions de l’ancien ministère des Affaires Générales, élaguant nombre de ses attributions, confiées au ministère des Finances, et le renommant ministère de l’Investissement, de la convergence et de l’évaluation des politiques publiques, rattaché toujours à la Primature. Une manière de signifier que le chantier sera saisi à bras le corps.
Car bien que le Maroc consacre une part importante de son PIB (Produit intérieur brut) à l’investissement (32%), cela n’impacte pas de manière significative le taux de croissance de l’économie. La cause est identifiée. Composé aux deux tiers de participations publiques au faible rendement, l’investissement national, pour mieux impacter la croissance, se doit d’accroître la part du privé à la rentabilité supérieure par vocation. La Commission pour un nouveau modèle de développement, reprenant à son compte ce constat, a fait du renforcement de l’investissement privé un des objectifs majeurs à réaliser d’ici 2035.
Le nouveau ministère confié à un des proches du Chef du Gouvernement, Mohcine Jazouli, lui aussi membre du Rassemblement National des Indépendants (RNI), s’est positionné d’emblée comme la cheville ouvrière de la future stratégie d’investissement gouvernementale. Soulevant à l’occasion des interrogations politiques et de gouvernance, vite évacuées par le ministre lui-même. L’interrogation politique a bien sûr porté sur le périmètre d’action dudit ministère. Sachant que la décision d’investir est considérée par plusieurs ministères comme leur chasse gardée au niveau de la conception et du suivi, comment éviter les empiètements sur leurs attributions par le nouveau venu? Des interrogations sur la gouvernance au sein du ministère se sont aussi posées: est-il approprié de maintenir sous la même autorité l’investissement et l’évaluation? Cela équivaut à confier la mission d’ordonnateur et de contrôleur à la même personne.
Inquiétudes dissipées partiellement au début par le ministre qui s’est voulu rassurant, réduisant sa mission dans le domaine de l’investissement au conseil et à l’accompagnement des autres ministères. La mise au point est venue lors de l’attribution des compétences aux ministères en janvier. Ce ministère est bel et bien chargé de «l’élaboration et le suivi de l’exécution de la politique de l’Etat dans les domaines de l’investissement» entre autres. Missions si convenablement conduites font de celui-ci un véritable ministère de l’Economie, pilote de la politique économique de l’Etat. Cela n’est pas pour déplaire à votre serviteur, convaincu que le nouvel ordre économique mondial qui se met en place et les fragilités persistantes de l’économie du Maroc demandent une visibilité stratégique que seul l’Etat est capable d’offrir en ces temps où il n’y a plus de certitudes.
D’autres décisions du Chef du Gouvernement confortent l’idée d’une volonté d’un suivi rapproché de la politique d’investissement dans ses deux volets: publique et privé. Citons les dispositions de la nouvelle charte de l’investissement obligeant le nouvel investisseur privé à négocier les avantages avec une commission gouvernementale à partir d’un certain montant (plus de 50 millions de DH) le changement de tutelle de l’Agence marocaine de Développement des Investissements et des Exportations (AMDIE), passée du ministère de l’industrie au ministère de l’investissement; l’attribution du chantier Forsa à la Société Marocaine d’ingénierie Touristique (SMIT) à la vocation lointaine des soucis de la TPE et son retrait du ministère de l’Inclusion économique, pourtant disposant des organismes ayant l’expertise pour le gérer.
Sommes-nous en train d’assister, comme nous l’appelons de nos vœux, à la mise en place des éléments d’une véritable politique économique? Avec pour une fois, en sus du répétitif volet budgétaire, une politique volontariste d’investissement fédérant les efforts du public et du privé ayant pour objectif de sécuriser, renforcer et développer les secteurs économiques existants; d’identifier, nommer et créer de nouveaux secteurs économiques; de profiter des relocalisations en cours. De faire aussi participer et profiter le capital national aux nouvelles opportunités, d’actionner convenablement les leviers des fonds publics afin d’attirer de véritables locomotives sectorielles. D’inclure les PME marocaines dans les écosystèmes actuels et à venir, de faire sortir les TPE du champs restreint des AGR (activités génératrices de revenu). D’imaginer d’autres voies pour mobiliser l’épargne. La liste peut être allongée encore et encore.
La publication par le gouvernement du contenu de la stratégie de promotion de l’investissement, public et privé, devrait se faire rapidement, cela justifierait les mesures prises. La stratégie, elle, dispose déjà depuis un certain temps de la vision royale sur les souverainetés: industrielles, alimentaires, sanitaires et énergétiques.
Cela peut être un très bon début.