L’intergroupe «Sahara Occidental» au Parlement européen n’est plus: un revers pour l’Algérie et son proxy, le Polisario

Le Parlement européen.

Après vingt ans d’existence au sein du Parlement européen, et ce malgré de nombreuses entorses au règlement, l’intergroupe «Sahara Occidental» qui réunissait des eurodéputés pro-polisario n’a pas été reformé. Un revers cinglant pour le régime d’Alger et son enfant illégitime, le Polisario, qui aura des conséquences.

Le 12/12/2024 à 18h15

La séquence des débâcles diplomatiques est interminable pour le régime d’Alger. Elle se poursuit avec un cinglant revers au Parlement européen. Après s’être mis à dos l’hémicycle européen suite à l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal, âgé de 80 ans, contrevenant ainsi aux lois internationales sur les droits de l’homme, qu’elle a pourtant ratifiées, l’Algérie essuie cette fois-ci un cinglant revers au sein de ce même Parlement européen. En effet, le 12 novembre, la commission des présidents a signé la fin de la longue existence du très contesté intergroupe «Sahara occidental», qu’abritait le Parlement européen et qui accueillait depuis vingt ans des eurodéputés entièrement dévoués à la cause du Polisario, la création du régime d’Alger. Cette décision sera publiée en plénière la semaine prochaine.

Cette décision met – enfin – un terme à l’existence d’un intergroupe contre-nature, dénoncé pour ses très nombreuses entorses au règlement du Parlement européen et surtout pour ses actes non dissimulés d’ingérence dans un espace où il n’a pas lieu d’être. Un coup dur pour la propagande anti-marocaine du régime d’Alger et la mise en œuvre de ses manœuvres diplomatiques sournoises.

De l’utilité des intergroupes au Parlement européen

Au Parlement européen, les intergroupes sont régis par l’article 35 du règlement intérieur, lequel stipule que ceux-ci «sont le lieu d’échanges de vues informels, sur des sujets précis, entre différents groupes politiques ainsi qu’entre les députés et la société civile». Ainsi, suivant une démarche individuelle, et sans mandat impératif, les députés peuvent-ils rejoindre un intergroupe ou un autre afin d’acquérir ou approfondir une spécialité, réagir à une actualité précise, et, in fine, penser l’évolution des textes en auditionnant des «parties prenantes», à la différence des commissions du Parlement européen dont les thématiques traitées sont obligatoires.

Ont ainsi été créés au fil des ans des intergroupes liés à diverses causes et sujets, à l’instar du handicap, du cancer, de la biodiversité ou encore de l’économie sociale, dans un cadre réglementé, celui des locaux du Parlement européen à Strasbourg, où ces intergroupes se réunissent dans des espaces mis à leur disposition lors des sessions plénières.

Chronique d’une mort annoncée

Parmi les 27 intergroupes inscrits à la dernière mandature, l’intergroupe «Sahara occidental» a succédé à son prédécesseur (tout aussi orienté), «Paix pour le peuple sahraoui». Deux versions d’un même intergroupe très contesté, en premier lieu pour sa démarche extracommunautaire. Et pour cause, d’un point de vue politique, la question du Sahara occidental relève de l’ONU et en aucun cas du Parlement européen, où, pour traiter des relations de l’UE avec les pays tiers, en l’occurrence ceux du Maghreb, on s’en remet à une structure, elle, officielle, la «délégation pour les relations avec les pays du Maghreb et l’Union du Maghreb arabe».

Mais cette infraction n’est qu’un exemple de la longue liste des écarts de conduite de cet intergroupe. S’y ajoutent notamment l’utilisation du logo du Parlement européen lors de la tenue de réunions, alors même que la réglementation précise que «les intergroupes ne peuvent pas utiliser le nom ou le logo du Parlement européen, ni le nom ou le logo des groupes politiques qui les composent, ni des dénominations qui pourraient prêter à confusion avec des organes officiels du Parlement européen, comme les commissions parlementaires, les délégations interparlementaires et les commissions parlementaires mixtes».

Autre méfait de cet intergroupe: son rattachement à un pays tiers, en l’occurrence l’Algérie, alors que le règlement du PE, dans le but de contrer les ingérences étrangères, interdit «les groupements non officiels liés à des pays tiers pour lesquels il existe une délégation interparlementaire permanente». Enfin, que dire de son positionnement anti-marocain, servi par une composition partiale, bien loin de la diversité de sensibilités politiques respectée dans les autres intergroupes, qui permet d’asseoir confortablement l’agenda politique anti-marocain de l’Algérie sans souffrir aucun débat? Et ce, alors même que l’article 3 du règlement stipule que «les intergroupes ne peuvent mener des activités susceptibles d’affecter les relations avec les pays tiers».

Autant d’entorses au règlement du PE qui se sont accumulées avec le temps, mais sont passées entre les mailles du filet, bien que dénoncées par de nombreux eurodéputés et jusqu’au président du Parlement européen lors de la dernière mandature. Tout du moins jusqu’à ce jour… car l’existence de chaque intergroupe est liée à celle de la législature en vigueur. Or, la donne a changé avec la tenue des dernières élections européennes, en juin dernier.

Pour constituer un intergroupe, «les demandes doivent être présentées par des députés à la signature d’au moins trois groupes politiques», stipule l’article 4 de la réglementation sur la constitution des intergroupes. C’est précisément ce que n’a pas obtenu l’intergroupe «Sahara occidental». Car, contrairement aux années précédentes, seuls deux groupes sur trois ont soutenu sa création, à savoir les Verts et la Gauche. Quant aux socialistes démocrates, ceux-ci ont changé leur fusil d’épaule, notamment en raison du vote défavorable des eurodéputés socialistes espagnols.

La marocanité du Sahara s’impose face aux faux pas du régime d’Alger

Au-delà du changement de législature, quel est l’élément déclencheur qui a favorisé ce blocage et quelle lecture en faire? Consultée par Le360, une source bien informée voit dans le non-parrainage de cet intergroupe «un signal politique fort donné à Alger par le Parlement européen» dans un contexte «de durcissement et de dégradation des relations entre Bruxelles et Alger, puisque l’accord d’association se passe mal, au même titre que les relations économiques entre les États membres et l’Algérie, elles aussi au plus mal».

En second lieu, analyse cette même source, ce non-parrainage «n’est que la dernière mesure d’une politique de non-ingérence des États tiers dans le fonctionnement et les politiques du Parlement européen, menée depuis 2023 suite au Qatar Gate». En effet, précise-t-on, ces mesures passent notamment «par la suppression des groupes d’amitié, et par un certain nombre de mesures qui visent les eurodéputés et les anciens eurodéputés». Or, «cet intergroupe était le dernier vestige de l’ingérence d’États tiers dans les politiques de l’Union européenne. À partir du moment où on n’accepte plus les groupes d’amitié, cet intergroupe avait un statut non identifiable au regard du règlement intérieur du Parlement européen», explique ce fin connaisseur du PE pour Le360.

Car comment qualifier juridiquement un intergroupe qui ne respecte même pas la définition d’un intergroupe? Les groupes d’amitié n’étant plus autorisés, il ne répond plus à aucune appellation juridique possible, n’en déplaise à l’extrême-gauche, tout entière à la manœuvre, avec aux commandes les groupes Left et les Verts. Mais comment expliquer le revirement des socialistes, principalement espagnols?

«Les socialistes, qui sont menés par une forte délégation espagnole, avaient le plus grand rôle à jouer certes, mais Renew Europe aussi, car ce groupe aurait pu donner son parrainage», analyse notre source. Derrière cette décision, «il y a la reconnaissance du Sahara par l’Espagne mais aussi par la France, car Renew Europe est le groupe du président Macron au Parlement européen».

Du côté du Polisario et du régime d’Alger, on ne décolère pas et on dénonce tout azimut le revirement des eurodéputés socialistes du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), dont Pedro Sánchez, le chef du gouvernement espagnol, est le chef de file tout autant que fervent soutien du Maroc et de la marocanité du Sahara. Bien entendu, conformément à la narration algérienne, l’ombre du Maroc plane derrière cette décision. Lors d’une conférence tenue le 10 novembre au siège du PE à Bruxelles par des eurodéputés proches du Polisario et en présence de militants de cette entité fantoche, son soi-disant représentant à Bruxelles et prétendument ancien ministre sahraoui, Omar Mansour, s’est ainsi emporté: «Nous ne comprenons pas tant la haine, la vengeance ou le talonnement du Maroc.» Quant à tirer des leçons de leurs échecs, nous n’en sommes pas encore là.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 12/12/2024 à 18h15