Ceux qui s’attendaient à une nouvelle mesure d’aide sociale devront se raviser. L’initiative n’en est pas moins d’un grand intérêt national. Brique essentielle du dispositif de généralisation de la protection sociale et fruit d’un travail entamé depuis 2018, soit bien avant la pandémie du Covid-19, le dispositif se veut une réponse à la complexité actuelle de la gestion des programmes à caractère social. Il s’agit aussi bien du Registre national de la population que du Registre social unifié, censés assurer l’identification et le ciblage pour les programmes d’appui social, présents et futurs.
«Le constat est que le système actuel d’appui et de protection sociale est sédimentaire. Au Maroc, nous avons quelque 120 programmes sociaux qui s’imbriquent les uns avec les autres et dont certains présentent nombre de similitudes. On ne s’y retrouve plus et il est compliqué d’en évaluer l’impact», affirme d’emblée cette source informée au sein du ministère de l’Intérieur. Moralité: si l’Etat investit dans le social, l’impact n’est pas à la hauteur des objectifs fixés. Sans parler du fait que nombre de Marocains qui y ont droit en sont exclus, le plus souvent par manque d’information ou au vu, des justificatifs, avec des aller-retours, sont exigés.
«Il était donc essentiel dans le cadre de la réforme d’avoir un seul système, unifié, pour un meilleur ciblage au lieu d’avoir une juxtaposition de programmes», nous explique-t-on. La réforme repose ainsi sur les deux deux registres précités qui sont centralisés au niveau de l’Agence nationale des registres. Mais en quoi consistent-ils?
Registre national de la population (RNP)Véritable base de tout le dispositif, le Registre national de la population (RNP) est un système universel d’identification et d’authentification. Il concerne tous les citoyens marocains ou étrangers résidant au Maroc, sans distinction d’âge. «Pour cibler, il faut d’abord connaître et identifier et c’est à cela que le RNP sert en premier lieu. La même logique vaut pour tout le monde, que l’on soit nouveau-né ou adulte, ressortissant marocain ou étranger. Tous sont appelés à s’y inscrire et obtenir ainsi un identifiant digital, un numéro à dix chiffres. C’est aussi un moyen d’éviter la double ou triple immatriculation au travers d’un système fiable, inclusif qui simplifie au maximum la procédure d’identification. Aucun document n’est exigé», apprend Le360.
Individuel, le registre national de la population (RNP) consiste ainsi en l’attribution d’un Identifiant digital civil et social (IDCS) à tout citoyen et résidant. Cet identifiant unique est affecté après prélèvement de trois données biométriques: un scan de l’iris, un relevé du Face ID et des empreinte digitales. Ces trois niveaux de vérification garantissent une fiabilité à toutes épreuves. «L’objectif est de disposer d’une base de données clean. C’est le seul moment où le citoyen aura à se rendre physiquement auprès d’un des services d’authentification mis en place au niveau des Centres de services aux citoyens (CSC)», nous précisent nos sources. Quelque 1.600 CSC seront équipés dans les Annexes administratives, districts, pachaliks, Caïdats et cercles pour informer, inscrire et accompagner les usagers du dispositif. Leur mission sera la collecte des données biométrique, la mise à jour des données et la gestion des réclamations.
L’identifiant IDCS unique est attribué à chaque individu en moins de 24 heures une fois l’inscription effectuée. Il est communiqué par SMS, e-mail ou courrier postal. S’il n’est pas obligatoire, l’IDCS est cependant indispensable pour toute inscription au Registre social unifié (RSU).
Le registre social unifiéLe registre social unifié (RSU) obéit, lui, à une logique de ménage. Déclaratif, il consiste en une inscription des données relatives à un ménage donné. Il s’agit d’un relevé des caractéristiques sociales (âge, niveau de scolarité des enfants, emploi occupé) et économiques d’un ménage. La finalité est d’évaluer le niveau de vie d’un ménage et permettre un meilleur ciblage des interventions sociales de l’Etat.
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«Une valeur numérique est attribuée au ménage et c’est cette valeur qui va permettre de dire que tel ou tel ménage est éligible à telle ou telle mesure d’aide sociale. Le citoyen n’a pas à justifier quoi que ce soit. Tout peut se faire via internet et c’est le système derrière qui vérifie les données fournies», indiquent nos sources.
Sur la base des données fournies par le chef du ménage, un indice socio-économique est calculé. Suivra une étape de vérification de l’éligibilité aux programmes sociaux, par échange automatique de données avec les partenaires. Un indice socio-économique est attribué à chaque ménage inscrit suite à la vérification des données déclarées. «Les critères socio-économiques et démographiques sont objectifs, mesurables et vérifiables. L’indice est calculé selon une formule élaborée par le HCP (Haut commissariat au plan) sur la base des enquêtes nationales de la consommation et les dépenses des ménages. Elle est la somme pondérée des variables relatives aux indicateurs socio- économiques et démographiques ajustée d’une constante région et une constate milieu (urbain/rural)», indique-t-on.
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Il ne sert strictement à rien d’en jouer. Le circuit de vérification des données fournies consiste en un système connecté à différentes administrations et entreprises, une trentaine, à travers la Gateway gouvernementale de l’Agence de développement du digital (ADD). «Si vous êtes dans une ville comme Casablanca et que vous déclarez payer un montant X pour l’eau et l’électricité, le système va se connecter à la base de données de la Lydec pour vérifier que c’est bien le cas. Si vous déclarez ne pas disposer de voiture, le système va se connecter à la Narsa pour s’en assurer. Idem pour les biens immobiliers par exemple et ainsi de suite», expliquent nos sources.
A préciser que la démarche est à sens unique dans la mesure où seul le RSU peut se connecter à ces agences et départements. L’inverse est proscrit. «La finalité du dispositif étant claire et limitée à établir un indice, nul autre acteur ne peut se greffer aux données recueillies et la protection des données à caractère personnel des usagers est garantie à 100%», nous assure-t-on.
Comme spécifié, l’inscription au RSU est effectuée par le chef de ménage, en ligne sur le portail du RSU, ou physiquement dans un des Centres de services aux citoyens. Et pour cause, chaque procédure digitale a son équivalent en physique et des dispositifs mobiles sont prévues pour les régions éloignées. En ligne, la procédure prend entre 15 et 20 minutes.
Agence nationale des registresLe dispositif sera centralisé et gouverné au niveau d’une Agence nationale des registres (ANR), dont la création est déjà actée par la loi, et qui aura à en assurer la pérennité et la performance. Il s’agira d’une agence autonome sous tutelle du ministère de l’Intérieur. Le dispositif est mis en place sur la durée et il n’est pas limité dans le temps. Au même titre qu’on retrouve des services d’état civil dans une annexe administrative, les services aux citoyens seront en place.
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A préciser là encore que le périmètre de tout le dispositif s’arrête au niveau de l’établissement l’indice socio-économique des ménages. Les allocations, les programmes d’appui social relèvent, eux, des départements et entités concernés. «Il s’agit d’un dispositif technique au service des programmes d’appui social. Ce n’est pas un nouveau programme social».
Chaque programme social, selon les moyens à disposition et les catégories ciblées, va déterminer un seuil d’éligibilité auxquels les ménages ayant un indice inférieur sont éligibles. Chaque programme n’aura plus à exiger des documents spécifiques, l’indice étant désormais un critère et une base d’éligibilité. Son intérêt est qu’il simplifie le parcours usager pour l’accès aux programmes sociaux grâce à une infrastructure digitale publique commune à tous les acteurs de la protection sociale. Il promet un accès simple aux programmes d’appui social, un ciblage plus juste des ménages basé sur des critères objectifs et un meilleur impact en permettant, notamment, de lutter contre l’exclusion.
La mise en place du dispositif sera graduelle. Le Registre national de la population est déjà déployé dans trois régions du Maroc (Rabat-Salé-Kénitra, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma et Fès-Meknès) et sa généralisation est prévue avant la fin de cette année 2022. Le démarrage des inscriptions pour le Registre social unifié est, lui, attendu incessamment avec pour premier objectif d’atteindre 10 millions de bénéficiaires d’ici la fin de l’année 2023.