C’était tout le sens de la non-reconduction de l’intergroupe «Sahara occidental»: interdire le dernier vestige de l’ingérence des États tiers au Parlement européen et obliger le front Polisario à adopter les mêmes règles que tout «stakeholder» vis-à-vis des institutions européennes, à savoir entrer au PE avec un badge temporaire, signaler sa présence dans les locaux et enregistrer les rencontres réalisées in situ -bref, inscrire son plaidoyer dans les règles de l’art du lobbying européen, et non dans le fonctionnement opaque d’un intergroupe singulier, aux objectifs politiques partisans.
Depuis cette mesure, quels relais le Polisario garde-t-il au sein du Parlement européen? Des alliés politiques fidèles, à savoir les groupes The Left et Greens/EFA -qui ont parrainé et tenté de sauver, jusqu’à décembre dernier, l’intergroupe «Sahara occidental», et quelques délégations nationales ou individualités du groupe S&D; des commissions aux thématiques ciblées, «Commerce international», «Droits de l’Homme», «Agriculture» et «Pêche». Et enfin, la délégation pour les relations avec les pays du Maghreb, présidée pour cinq ans par un député de Fratelli d’Italia, dont le parti et le groupe, ECR, parviennent à maintenir un équilibre fragile entre les engagements économiques de l’Italie avec le régime algérien (notamment à travers les hydrocarbures), les condamnations de ce même régime par la délégation française du groupe à Strasbourg, sans compter surtout la volonté de la Première ministre italienne, obnubilée par la question migratoire, de nouer relations et partenariats avec l’ensemble de l’Afrique, Maroc en tête.
C’est en «INTA», et plus particulièrement au sommet de cette Commission chargée des politiques commerciales de l’UE avec les États tiers, composée de 43 députés titulaires, et autant de suppléants, qu’on retrouve la dream team des soutiens au Polisario. Sur les cinq eurodéputés qui composent le bureau de cette commission, trois siégeaient dans l’intergroupe «Sahara occidental». À commencer par son président: Bernd Lange, socialiste allemand, eurodéputé depuis trente ans! Sa première vice-présidente, Manon Aubry, co-présidente du groupe The Left, et la quatrième vice-présidente, Kathleen Van Brempt, socialiste flamande qui siégeait dans le précédent mandat au poste clé -dans cette commission- de rapporteur permanent sur le Maghreb.
«Dans le droit fil du soutien à la marocanité du Sahara affiché par la France, il faudra compter sur la réaction des coordinateurs français de Renew (Marie-Pierre Vedrenne) et de Patriotes pour l’Europe (Thierry Mariani), ce dernier ayant déjà réclamé une réunion similaire avec le Maroc.»
Le 2 décembre dernier, les eurodéputés membres d’INTA accueillaient la Commission européenne pour un échange de vues sur les arrêts de la Cour de Justice de l’UE du 4 octobre 2024. Si les représentants des DG de la Commission, Commerce et Taxud (Fiscalité et Union douanière), ont su unir leurs voix… pour ne rien dire sur l’avenir des accords commerciaux avec le Maroc, le nouveau rapporteur sur le Maghreb, Lynn Boylan, élue irlandaise des Greens, a démarré son intervention par un message clair: «La gauche se réjouit de la décision de la Cour», avant de demander à la Commission d’entrer en négociations avec le Polisario.
Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, voici que le groupe de suivi Maghreb invite dans la foulée, pour la fin du mois de janvier, des représentants du Front Polisario, afin d’un échange de vues sur «l’implémentation au Sahara occidental des accords commerciaux UE-Maroc relatifs à la pêche, au commerce de produits agricoles et de la pêche, et à la labellisation des produits agricoles originaires du Sahara occidental». Bien que les organisateurs de cette rencontre aient privilégié le huis clos pour échanger avec leurs camarades indépendantistes, il s’agit déjà d’une nécessaire rupture avec les rassemblements confidentiels de l’intergroupe «Sahara occidental»: sont officiellement à l’agenda du PE la date et l’objet de la réunion; et surtout au caractère partisan de l’organisation répond le pluralisme des échanges puisque tous les groupes politiques pourront y assister. Dans le droit fil du soutien à la marocanité du Sahara affiché par la France, il faudra compter sur la réaction des coordinateurs français de Renew (Marie-Pierre Vedrenne) et de Patriotes pour l’Europe (Thierry Mariani), ce dernier ayant déjà réclamé une réunion similaire avec le Maroc.
Si les manœuvres de l’extrême gauche européenne ne connaissent pas de répit, c’est aussi que le temps est compté -comme il l’est pour la Commission européenne, sommée de résoudre, en 2025, l’équation impossible entre les conclusions d’une Cour à Luxembourg et l’affirmation, non seulement dans les mots mais par la preuve, de l’importance donnée au partenariat stratégique avec Rabat.