RÉTRO 2017. Partis politiques: la fin des dinosaures

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Hamid Chabat, Ilyas El Omari et, plus récemment, Abdelilah Benkirane… L’année 2017 a été marquée par le départ de bon nombre de ceux qu’on croyait indéboulonnables de la tête de leur parti. Et ce n’est pas fini.

Le 28/12/2017 à 13h32

Il y a quelques mois encore, personne n’aurait parié là-dessus. Abdelilah Benkirane, désormais ancien secrétaire général du Parti de la justice et du développement, a fini par quitter le navire. D’abord celui du gouvernement, dont il était le chef. Faute d’avoir pu constituer une majorité, et après cinq mois de blocage, il a été remplacé, sur décision du souverain, par Saâd-Eddine El Othmani. C’était le vendredi 17 mars 2017. Ensuite, il a quitté le parti qu’il dirigeait. Il a eu beau tenter de se maintenir en invoquant un changement dans les statuts du Parti de la Lampe pour briguer un troisième mandat, il a de nouveau échoué. Réuni les 9 et 10 décembre dernier, le congrès national de cette formation a opposé son veto.

Celui qui est entré en politique tambour battant, avec à son actif, un PJD vainqueur des deux dernières élections législatives, a dû sortir par la petite porte. Fini donc les discours enflammés, les foules charmées, les médias alignés et les postures, bien souvent, belliqueuses. Simple repos d’un guerrier ou véritable traversée du désert, voire la fin d’une carrière? Seul le temps le dira et le personnage est connu pour être, tout au moins surprenant. D’autant qu’il jouit encore d’une large popularité, aussi bien au sein du parti qui a fini par le lâcher qu’auprès d’une partie de la population.

Benkirane est loin d’être le seul dirigeant dont la carrière a récemment chaviré. Ayant obtenu de faibles résultats après les législatives du 7 octobre 2016, Salaheddine Mezouar a démissionné de la présidence du Rassemblement national des indépendants. Des élections ont lieu et c’est le nouvel homme fort de la scène politique nationale, Aziz Akhannouch, au demeurant une des plus grandes fortunes du pays, qui en sort grand gagnant. Admirez le score: 1.707 voix contre 98 pour son rival Rachid Sassi. 

Depuis, le brillant Mezouar se contente de quelques apparitions. Ceci, après de bons et loyaux services rendus au parti. C’est lui qui avait évincé un autre dinosaure, à savoir Mustapha Mansouri, de la présidence. Il a en cela enclenché un début de réforme d’une formation étiquetée, encore aujourd’hui mais dans une bien moindre mesure, comme celle de l’Administration. Une réforme dont Akhannouch a fait une priorité en 2017. Objectif: remporter les prochaines législatives, prévues en 2021. Nouvelles structures, rajeunissement et féminisation, rassemblements dignes des plus grands partis en Europe et dans lesquels les PowerPoint ont pris le dessus sur les discours-fleuve, placards de luxe pour les représentants de l’ancienne garde…Aziz Akhannouch en veut et tout porte à croire que, là encore, il va transformer l’essai.

Si Mezouar a volontiers cédé sa place, «épuisé» par des années de labeur et de déplacements en tant que ministre des Affaires étrangères, une autre bête politique s’est, elle, accrochée jusqu’au bout. Il s'agit de Hamid Chabat, le tonitruant ancien secrétaire général de l’Isqlal, formation non seulement historique mais comptant le plus important maillage territorial au Maroc. Il aura lutté, utilisé des méthodes à la limite de la légalité, hurlé au scandale et à l’entrisme du «Makhzen», il a fini par être abandonné. Y compris des siens et de ceux qui se revendiquaient de sa «thèse».

Enfant du parti, au tempérament à l’exact opposé de Chabat, Nizar Baraka l’a emporté lors du 17e congrès du parti de la Balance le 7 octobre 2017 à l’issue d’un Conseil national où a obtenu 924 voix contre 230 pour un Chabat qui y a cru jusqu’à la dernière minute, perdant sa retenue et jusqu’à sa dignité. On retiendra à ce propos une conférence donnée le 12 septembre, soit peu avant sa chute, et dans laquelle il s'est attaqué à quasiment toutes les institutions du pays, au «Makhzen», aux conseillers royaux, au ministère de l'Intérieur, aux services de sécurité, aux renseignements… Chabat voulait ainsi passer un martyr. Ce n’était rien d’autre qu’un suicide politique.

Chabat s’est finalement résigné à partir. Mais un autre acteur de la scène politique s’accroche encore: Ilyas El Omari. L’expression «retenez-moi sinon…je reste» ne saurait trouver meilleure incarnation qu'en celui sur lequel bien des espoirs ont été fondés.

Le PAM était donné vainqueur aux dernières législatives, mais c’est le PJD qui a gagné. Le parti était censé être la locomotive du renouvellement des acteurs politiques. C’est en son sein qu’existe la plus grande concentration de notables et de scandales politiques. La région du Nord était donnée comme l’avenir économique du pays. Mais à force d’annonces non honorées, comme en témoignent les retards enregistrés dans l’exécution du programme «Al-Hoceima Manarat Al Moutawassit», le doute s’est un moment installé. Et les événements d’Al Hoceima sont passés par là –il se dit même qu’El Omari y aurait été pour quelque chose. Ils ont révélé une réalité sociale jurant avec les films institutionnels présentés devant les investisseurs étrangers. Qu’à cela ne tienne. Ayant d’abord fait diversion suite à la colère exprimée notamment dans le communiqué du cabinet royal à l’issue du conseil des ministres de juin dernier, Ilyas El Omari présente sa démission du secrétariat général du PAM.

La décision était censée être irréversible, mais en politique, la seule constante, c’est le changement. Et c’est très vite qu’El Omari est revenu sur sa démission, revenant sur la scène après une courte absence, activant tous les canaux possibles de communication pour dire qu’il est encore aux commandes et poussant parfois le ridicule jusqu'à être le premier à descendre de l’avion qui transportait l’équipe nationale après sa victoire contre la Côte d’Ivoire. Mais comme pour Chabat et Benkirane, d’aucuns y voient les dernières gesticulations d’un homme politique désormais fini.

Aujourd’hui, on se demande à qui sera le tour, entre un Mohand Laenser (secrétaire général du Mouvement populaire) qui se dit consentant au départ et un Driss Lachgar (Union socialiste des forces populaires) qui ne lâche rien. Quitte à vider, au propre comme au figuré, une formation qui n’est plus que l’ombre de ce qu’elle a été.

Par Tarik Qattab
Le 28/12/2017 à 13h32