Révision du Code de la famille: l’audace juste d’un Roi

Le Roi Mohammed VI.

Le roi Mohammed VI.

Voulue, menée et supervisée par un roi Mohammed VI qui se profile déjà comme le plus réformateur de tous les souverains ayant traversé l’histoire du pays, la révision en cours du Code de la famille donne toute la mesure d’une intelligence collective marocaine qui, sans rien sacrifier de ses valeurs, notamment religieuses, déploie un niveau rarement égalé d’Ijtihad, pour placer le Maroc et les Marocains au diapason du monde d’aujourd’hui. Décryptage.

Le 25/12/2024 à 14h57

Mmi Fatima a 68 ans quand Bba El Hachmi, son mari depuis plus de 50 ans, a rendu l’âme après une longue maladie. Issus tous les deux de familles de petits agriculteurs dans le Doukkala, ils avaient, au début des années 1970, opté pour l’exode vers la ville, en quête d’un meilleur avenir. Destination Rabat, où la sœur aînée de Fatima était déjà établie. Ils s’installent d’abord chez elle, dans le bidonville Douar El Kora, rasé depuis.

C’est la misère qui les y attend. N’ayant que son permis de conduire pour diplôme, El Hachmi se fera chauffeur de taxi. Son épouse sera femme au foyer et veillera au moindre centime rapporté. Seuls, et à la sueur de leur front, ils réussissent, au bout de dix années de dur labeur, à épargner de quoi acheter un lopin de terre dans un quartier populaire de la capitale. Ils y construisent une maison, brique par brique, se contentant d’abord du minimum, un rez-de-chaussée à peine habitable, où ils s’installent. Le bonheur.

Le reste suivra un pas après l’autre. Soudés tant par les épreuves que par un profond respect mutuel, ils feront leur chemin ensemble: Bba El Hachmi en force de travail et Mmi Fatima en trésorière. Au bout de plusieurs années, la maison est achevée, le rêve d’une vie enfin réalisé. Entretemps, le couple a trois filles, sur lesquelles reposent tous les espoirs de la famille.

Le destin en décidera autrement. Bba El Hachmi est rappelé au divin avant de voir ses filles grandir. Il partira toutefois relativement satisfait: sa famille a un toit au-dessus de la tête, et c’est tout ce qui compte. Le jour même des funérailles, qui a vu se mobiliser tout le quartier, surgit la famille presque oubliée de Bba El Hachmi, surtout ses frères. Ils ne sont pas là pour partager la peine de Mmi Fatima, mais pour lui réclamer leur part de l’héritage. Mais quel héritage? Le seul bien laissé par Al Marhoum est le modeste domicile dans lequel elle vit avec ses filles, explique-t-elle. Qu’à cela ne tienne. Ce sera la maison. Selon la loi, le défunt n’ayant pas enfanté d’héritier mâle, la femme et les filles n’ont droit qu’à des miettes. La petite famille de Bba El Hachmi est littéralement chassée de son habitation, pour se retrouver à la rue.

Cette histoire est 100% réelle. Et elle en rappelle tant d’autres, comme celle de cette veuve, placée de force dans une maison de retraite par son propre fils, qui a voulu garder, pour lui et son épouse, la maison paternelle. Et c’est à ce genre de drame que le nouveau Code de la famille, actuellement en gestation, viendra corriger. Plus jamais cela: la loi, injuste à bien des égards jusqu’ici, y veillera désormais.

Nous sommes le mardi 24 décembre, dans une salle contiguë de l’Académie du Royaume, à Rabat. L’instance pour la révision du Code de la famille, mise en place par le roi Mohammed VI, donne une conférence de presse pour présenter les grandes lignes de cette réforme tant attendue. En une phrase, Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice, à qui revenait cette charge, annonce la fin d’une injustice qui a frappé tant de mères et d’épouses au Maroc: «Le domicile conjugal est désormais exclu de l’héritage». En toute circonstance, le foyer restera la propriété exclusive du mari ou de la femme en cas de décès de l’autre époux. Une révolution. Des dispositions de la sorte, qui constituent l’épine dorsale de la réforme en cours, il y en a d’autres. Objet de bien des chantages, querelles et batailles judiciaires, la garde des enfants en cas de divorce reste, par défaut, l’exclusive de l’épouse. Même si elle se remarie. Et c’en est fini de l’humiliation au quotidien, voulant que la femme ait la primauté de la garde, mais que la tutelle légale soit toujours l’apanage du père. Dans le même ordre d’idées, l’effort au quotidien d’une femme au foyer est considéré comme une contribution aux finances du foyer, avec effet sur l’héritage.

Autre avancée majeure: la fin actée du mariage des mineures, avec 18 ans révolus comme règle pour toute demande future et 17 ans comme exception. Sans oublier le verrou apporté à la polygamie, qui n’est désormais autorisée qu’en cas d’infertilité de l’épouse.

Le tout dans le strict respect des règles religieuses et après un effort considérable d’Ijtihad. Une œuvre du Conseil supérieur des Oulémas, instance constitutionnelle regroupant, sous la présidence du Souverain, Amir Al-Mouminine, les plus grands érudits et savants religieux du Royaume.

D’ailleurs, trois projets, parmi la panoplie de réformes qui ont été soumises à son aval dans le cadre de cette révision, ont reçu une fin de non-recevoir, des textes religieux formels n’autorisant pas l’Ijtihad à leur égard. Au recours à l’expertise génétique pour établir la filiation paternelle s’ajoutent ainsi l’abrogation de la règle du Taâsib et la successibilité entre un musulman et un non-musulman. Néanmoins, des ouvertures restent possibles. Comme la possibilité de céder de son vivant un bien ou une somme d’argent à ses héritières, ou encore celle de laisser un testament et une donation à son conjoint en cas de différence de religion. Dans tout cela, la règle, tout aussi religieuse, ayant prévalu, est celle de la Maslaha (l’intérêt), le dessein ultime de la Loi islamique. L’intérêt des 50% de la population marocaine, que sont les femmes, mais aussi, et surtout, celui de toute la famille, socle de la société.

Ce ne sont là que les points les plus saillants d’une réforme qui ne fait que commencer et qui reste à formaliser dans le cadre d’un nouveau Code de la famille, et à adopter via le circuit législatif et qui gagnerait à être le plus clair et le plus juste possible. Une réforme voulue, menée et monitorée par le chef de l’État, le roi Mohammed VI en personne. Car c’est le Roi qui a été le premier à faire solennellement part des limites du code actuel. C’était le 30 juillet 2023, lors d’un discours à la nation à l’occasion du 23ème anniversaire de la fête du Trône. Le ton était dès lors donné. Que le texte à venir «soit empreint de modération, d’ouverture d’esprit dans l’interprétation des textes, de volonté de concertation et de dialogue, et qu’il puisse compter sur le concours de l’ensemble des institutions et des acteurs concernés». Et que l’on ne s’y trompe pas, «l’esprit de la réforme ne consiste pas à octroyer à la femme des privilèges gracieux, mais, bien plus précisément à lui assurer la pleine jouissance des droits légitimes que lui confère la Loi. Dans le Maroc d’aujourd’hui, il n’est en effet plus possible qu’elle en soit privée», avait dès lors averti le Souverain.

Quinze mois plus tard, commission après commission, séance de travail après séance de travail, toutes suivies de très près quand elles ne sont présidées par le Souverain, les premiers résultats sont au rendez-vous. Certains diront que ce n’est pas assez. Ce serait insulter ce que l’intelligence marocaine a produit de meilleur, en tenant compte des préceptes religieux. D’autres rétorqueront que nous sommes peut-être allés trop loin, trop vite. Ils n’auront qu’à le dire, face à face, à Mmi Fatima.

Le moteur du Roi: que justice soit rendue. Vue sous l’angle du monde islamique, cette réforme est ainsi la plus avancée, la plus audacieuse et celle qui aura le plus valorisé une règle religieuse aussi fondamentale que négligée: l’Ijtihad. L’effort intellectuel et la capacité à adapter le texte religieux et son interprétation aux nécessités des temps modernes ont été portés le plus loin sans jamais établir une séparation. L’Ijttihad et la Maslaha sont deux notions qui nécessitent un long travail soutenu qui repose sur l’érudition, le fiqh, la justice et la volonté de s’arrimer au monde moderne. L’ignorance n’est jamais très loin de la paresse. En sonnant la charge des réformes, le Souverain a mobilisé les forces vives du pays et les oulémas pour un travail d’exégèse qui apporte la preuve que la religion est compatible avec la modernité et l’égalité des genres.

Loin d’être la première, cette révision du Code de la famille rappelle celle de 2003, conduite par le même Mohammed VI. Une révolution à son époque. Aujourd’hui, force est de constater qu’en matière de progrès et de justice sociale, ce n’est jamais fini pour un Roi toujours à l’œuvre, un homme d’action et qui se profile d’ores et déjà comme le plus grand réformateur de tous les Souverains qui se sont succédé, depuis douze siècles, au Maroc.

Par Tarik Qattab
Le 25/12/2024 à 14h57

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J’adresse mes meilleurs voeux de bonne santé, de bonheur et de tres longue vie a sa majesté le roi Mohammed VI et de prospérité a notre pays, a l’occasion de la nouvelle annee.

Bravo pour cette nouvelle loi. Il est vraiment temps de bannir cette injustice et j'espère vivement qu'il y aura de nouvelles loi justes. Concernant le modèle européen et les multiples divorces celà n'a rien à voir. Avant cette nouvelle loi il y avait déjà des divorces en progression car justement la femme marocaine ne supporte plus l'injustice dans son couple ni dans les anciennes lois. Jamais un chat ne fuit une maison de mariage. Idem une femme ou un homme heureux dans leur couple finissent leur vie ensemble.

Un code qui s'éloigne de la religion musulmane pour se rapprocher de plus en plus de ce qui se fait en Europe et on voit le résultat aujourd'hui dans ses pays, de plus en plus de divorce

Exactement. Et les divorces ne sont que les prémices d'autres problèmes encore plus graves pour les enfants ayant grandi sans autorité paternelle et/ou sans amour maternelle. Pas étonnant que les personnes agées finissent leur vie dans des maisons de retraite. Le modèle de la famille marocaine inspiré de l'islam a toujours fait notre force et il faut le préserver à tout prix.

Les test adn interdits? L'Islam n'interdit pas la verité. L'Adn est la verité. La verité doit triompher du mensonge selon le Coran. Surtout qu'au temps du Prophète qui etait un homme moderne et en avance sur son temps ces tests n'existaient pas.Il les aurait avalisés, lui, qui encourageait d'aller chercher la science où qu'elle fût!

les tests de paternité sont interdits au maroc.... s'ils avaient lieu il y auraient beaucoup d'enfants du voisin pour ainsi dire !

La révision du code de la famille pour préserver les acquis et rendre justice aux victimes des lois abusives ne devrait pas porter, en aucun cas, préjudice et injustice aux personnes vulnérables, au maillon faible de la famille à savoir: les victimes du divorce, les enfants qui ne pourront plus revendiquer leur droit à l'héritage, puisque leur maison paternelle est exclue des biens (d'ailleurs le seul bien que possédait leur père) pour raison du"foyer conjugal"?!

Bba elhachemi! Oui c'est un cas assez répandu dans la société, mais se focaliser sur une situation parmi tant d'autres pour adopter une régle générale et l' imposer comme une loi aura des conséquences nuisibles surtout pour les héritiers descendants. C'est notamment le cas des enfants dont les parents sont divorcés et qui ne peuvent plus vivre dans la maison paternelle suite au divorce et/ou le deuxième mariage du pére. Alors privés de leur droit de vivre dans leur maison paternelle; ces enfants n'auront plus le droit de revendiquer le foyer paternel comme héritage pour cause de defendre le soit disant "foyer conjugal" même s'il s'agissait d'un premier foyer pour une première famille?!!

une femme divorcée avec des enfants ,garde la maison où elle a habitée ,elle peut se remarier avec un autre ,a t elle le droit de continuer à habiter avec le nouveau mari dans la même maison ,les enfants vont se retrouver avec un étranger,nouveau mari de leur mère qui pourrait leur dire que ce nouveau mari compte autant que leur père,pire,si la divorcée a une fille qui a grandi,alors un terrible problème se pose face à ce nouveau mari qui pourrait avoir des appétits ,non la divorcée ,remariée doit quitter la maison,et les enfants doivent habiter avec leur propre père!

Je suis un homme, bien des épreuves ayant passé dans ma vie J’ai les larmes aux yeux aujourd’hui… je suis fier de la femme marocaine une vrai courageuse, vaillante, une combattante ….c’est historique je suis entrain de vivre un moment inégalé de l’histoire de mon pays ! Le meilleur article jamais rédigé ! Une déclinaison littéraire qui force le respect. Bravo 360… si un jour je rencontre notre ROI : je lui dirai une chose, MERCI… et m’inclinerai auprès de son excellence.

GRAND MERCI à Sa Majesté d'avoir activé cette réforme. L'histoire de Bba Lhachmi est multiple ,il suffit d'écouter les gens .Quand cela touche les fortunés ,ils y auraient des choses à céder pour les modestes ;cela tourne au drame. Les temps ont changé ; ce n'est pas difficile de s'en convaincre. Les familles larges; par la force de mouvements à la recherche de ressources; se sont éclatées ,les cœurs par l'éloignement se refroidissent entre générations de moins en moins regardantes .C'est "le progrès" sociétale et ce qu'il engendre de matérialisme. QUAND ON LAISSE LA POSSIBILITE AU POSSEDEUR DE CHOISIR les héritiers de son propre labeur, en quoi aurait on transgressé L'Islam qui TEXTUELLEMENT bannit ADDOLM. Libre à ceux qui veulent respecter un modèle. Chacun trouvera son compte. MERCI.

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