Sahara: Alger active deux instruments africains pour plaider «sa» cause… et essuie, à domicile, une double déconfiture

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf.

Ayant accueilli coup sur coup la Conférence internationale sur les crimes du colonialisme, initiative de l’Union africaine débouchant sur la Déclaration d’Alger, puis la 12ᵉ édition du Séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, l’Algérie a tout tenté pour imposer la question du Sahara dans l’agenda de l’UA. Mais l’opération s’est soldée par un double revers: aucune mention du Sahara n’a été intégrée à la Déclaration d’Alger et le Séminaire s’est conclu sans le moindre communiqué final, plusieurs pays du continent s’étant frontalement opposés à un nouveau coup de force du régime. Récit.

Le 04/12/2025 à 10h05

Complètement isolée sur la scène internationale concernant le dossier du Sahara, d’autant plus depuis la résolution 2797 du Conseil de sécurité qui consacre le plan d’autonomie marocain comme unique issue viable, l’Algérie s’acharne à raviver le sujet au sein de l’Union africaine. En vain: l’échec est constant. Deux événements organisés coup sur coup à Alger sous l’égide de l’UA en sont la preuve. Le régime y a vu l’occasion de pousser son agenda et de tenter, encore une fois, de présenter le Sahara comme la «dernière colonie d’Afrique». À chaque rendez-vous: tapis rouge, protocole royal dans les palaces d’Alger, envolées lyriques du chef de la diplomatie, Ahmed Attaf, entretiens bilatéraux en série et opérations de charme pour rallier des soutiens. Et pourtant, chaque tentative se solde par un fiasco retentissant. Impossible de forcer le retour artificiel de la question du Sahara à l’agenda africain, alors que l’UA s’en est officiellement dessaisie depuis 2018 au profit exclusif de l’ONU.

Acte I. Les 30 novembre et 1ᵉʳ décembre derniers, Alger a tenté de détourner politiquement la Conférence internationale sur la criminalisation du colonialisme en Afrique, pourtant pensée par l’UA pour porter les revendications africaines en matière de réparations. Profitant d’un événement accueilli sur son propre sol, le régime a cherché à glisser dans la «Déclaration d’Alger» un narratif assimilant le Sahara à la «dernière colonie d’Afrique», espérant ainsi forcer son retour dans un cadre panafricain. Le discours offensif d’Ahmed Attaf, centré sur le Sahara et totalement déconnecté du mandat réel de la conférence, a dévoilé la manœuvre. Objectif, contourner la décision 693 de l’UA, adoptée à Nouakchott en 2018, qui cantonne l’organisation à un rôle d’appui à l’ONU et interdit tout traitement du dossier en dehors du mécanisme restreint de la Troïka.

Mais la manœuvre d’Alger a vite capoté. Cette tentative de rouvrir une brèche institutionnelle pour relancer son activisme s’est heurtée à un refus unanime au sein de l’UA. La Déclaration d’Alger adoptée à l’issue de la conférence fixe un cadre continental exclusivement dédié à la mémoire, à la vérité et à la justice. Pas la moindre allusion au dossier du Sahara, ni de près ni de loin.

Le texte demeure strictement recentré sur les crimes coloniaux et leurs séquelles. La Déclaration recommande notamment de consacrer le 30 novembre comme Journée africaine en hommage aux victimes de la traite transatlantique, du colonialisme et de l’apartheid, afin d’ancrer durablement la mémoire des souffrances infligées aux peuples du continent. Elle enjoint ensuite les anciennes puissances coloniales à reconnaître publiquement les crimes commis et à assumer pleinement leurs responsabilités historiques. La Déclaration préconise également un audit continental pour mesurer l’impact économique du système colonial, première étape vers une stratégie de réparations incluant la restitution des richesses spoliées, l’annulation des dettes et un financement équitable du développement. Elle exige enfin une réforme en profondeur de l’architecture financière mondiale, afin de garantir aux États africains un véritable pouvoir de décision au sein des institutions internationales et un accès plus juste aux financements.

«Naksa»

Autant dire que, face à l’ampleur des enjeux traités, une bande de mercenaires mobilisés au service d’Alger n’avait aucune légitimité à s’inviter dans le débat. La Déclaration ne contient ni disposition, ni allusion, ni la moindre formulation permettant de raccrocher le dossier du Sahara, preuve éclatante qu’il ne relève ni du thème, ni du périmètre ni de l’esprit du texte adopté. L’épisode n’a fait que confirmer l’isolement du régime, déjà mis en lumière par l’indifférence glaciale du Secrétaire général de l’ONU à l’égard d’Ahmed Attaf lors du sommet UE-UA de Luanda, une scène devenue virale.

Acte II. Dos au mur, Alger a tenté un nouveau happening diplomatique pour imposer une mention du Sahara. Cette fois, c’était à l’occasion de la 12ème édition du Séminaire de haut niveau sur la paix et la sécurité en Afrique, également tenue à Alger les 1er et 2 décembre. Mais la tentative s’est heurtée à un NIET catégorique, en particulier de la présidence du Conseil paix et sécurité, l’organe exécutif de l’Union africaine, assurée en décembre par la Côte d’Ivoire. Dirigeant les travaux, le ministre ivoirien des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur, Léon Kacou Adom, s’est illustré par une fermeté impeccable, refusant sans ambiguïté que la moindre référence au Sahara figure dans le communiqué final du séminaire.

Le ministre ivoirien des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’Extérieur, Léon Kacou Adom.

Le tout, devant le regard approbateur du Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Bankole Adeoye (Nigeria).

Le Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Bankole Adeoye.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir insisté. Alger a profité du Séminaire, devenu «Processus d’Oran» dans sa version maison, pour tenter, une fois encore, de réimpliquer l’Union africaine dans le dossier du Sahara marocain, en cherchant à maquiller sa thèse séparatiste en prétendue position continentale. Multipliant les entretiens bilatéraux et les opérations de charme, Ahmed Attaf s’est efforcé de rallumer un rôle africain dans un dossier qui, depuis des décennies, relève exclusivement du cadre onusien. Mais rien n’y a fait: la Commission de l’Union africaine comme le Conseil de paix et sécurité sont restés inflexibles.

Cette constance prive Alger de l’appui institutionnel qu’elle espérait arracher une fois de plus. Le Séminaire s’est d’ailleurs conclu sans aucun communiqué final, signe patent de l’incapacité du régime à imposer son agenda et de l’absence totale de consensus autour de la vision qu’il tentait de faire valoir. Même sur son propre terrain, la diplomatie algérienne enregistre ainsi un nouvel échec. Ni l’accueil en grande pompe, ni la mobilisation des rares 5 étoiles de la capitale, ni les dépenses somptuaires engagées sur le dos du contribuable n’auront réussi à faire pencher la balance.

Cette démarche s’inscrit dans un contexte diplomatique particulièrement défavorable à Alger, alors que le soutien international à la thèse du Polisario a rétréci comme une peau de chagrin lourde à porter pour le régime algérien. Dans le même temps, le plan d’autonomie marocain s’impose et gagne en légitimité, comme l’atteste la résolution 2797 du Conseil de sécurité. Les tentatives d’instrumentaliser la question sahraouie au nom de la souveraineté africaine ont définitivement ruiné toute influence d’Alger, y compris sur le continent, jadis considéré comme son terrain réservé.

L’Union africaine s’aligne désormais sans équivoque sur le processus onusien, reconnaissant dans le plan d’autonomie marocain la seule voie crédible vers une solution définitive. Les manœuvres visant à transformer des enjeux continentaux majeurs en tribunes exclusives pour la thèse séparatiste se sont soldées par un échec total. Limités à un battage médiatique stérile, ces efforts se heurtent à la dure réalité. Au point que, jusque dans les rangs du régime et parmi ses relais, on parle désormais de «Naksa», une débâcle face à laquelle le régime n’a désormais qu’un seul levier: le déni.

Par Tarik Qattab
Le 04/12/2025 à 10h05