Wassila, 33 ans: «J’ai divorcé de mon mari alcoolique. Il ne me verse pas la pension alimentaire des enfants. J’ai ouvert un compte bancaire à mon fils de 11 ans pour ses études supérieures. Un sacrifice. Un jour, j’étais fauchée et je voulais retirer de l’argent de ce compte. Le choc: j’ai le droit d’ouvrir un compte à mon fils mineur, mais pas d’en retirer de l’argent. Je l’alimente et le père peut le vider!»
En fait, tout dépend des agences bancaires! Certaines demandent même l’autorisation du père pour l’ouverture du compte!
La tutelle revient de droit au père, à moins qu’il n’en soit déchu par un jugement.
En cas de divorce, la garde est confiée en priorité à la mère, puis au père, puis à la grand-mère maternelle de l’enfant. À défaut, le tribunal confie la garde de l’enfant à l’un des proches parents capables de l’assumer. La garde va jusqu’à 18 ans.
Dans la majorité des divorces, les mères tiennent à garder leurs enfants. Souvent, les pères s’en déchargent.
Mais il y a une minorité de pères qui veut la garde des enfants et qui dénonce une injustice. Hamza: «La réforme du Code de la famille doit rendre justice aux pères. Ce sont mes enfants à moi aussi et après le divorce, je voulais les garder. Mais la mère est prioritaire.»
Un divorce est toujours un déchirement pour les parents et les enfants, quel que soit le parent qui obtient la garde.
Le parent n’ayant pas la garde a le droit de visiter et de recevoir l’enfant. Les parents peuvent se mettre amicalement d’accord sur un programme de visite ou le déposer au tribunal. Sinon, le tribunal fixe les périodes de visite et en précise le temps et le lieu.
Souvent, les enfants sont chez la mère la semaine et chez le père le weekend et la moitié des vacances scolaires. Ceci, quand le père joue son rôle convenablement. Beaucoup de pères ne voient pas régulièrement leurs enfants, surtout s’ils se sont remariés et ont d’autres enfants.
Beaucoup de pères ne versent pas la pension alimentaire ou pas régulièrement. Ils évitent alors de voir leurs enfants pour ne pas rencontrer les mères qui vont protester.
Il arrive aussi que la mère ayant la garde refuse au père la visite soit pour se venger, soit pour l’obliger à verser la pension alimentaire. Les enfants deviennent des otages, maltraités par les conflits entre leurs parents.
Au Maroc, on commence à voir une nouvelle pratique de garde des enfants: la garde alternée. Que ce soit le père ou la mère qui a la garde des enfants, ils se mettent d’accord pour que leurs enfants passent le même temps chez chacun d’eux. Une semaine chez le père et une semaine chez la mère.
Une pratique courante et codifiée en Occident, mais rare chez nous. Le Code de la famille n’en parle pas du tout.
L’avantage? Les deux parents s’impliquent dans l’éducation et la scolarité des enfants. L’inconvénient? L’instabilité des enfants, qui passent d’un foyer à l’autre. Mais peut-être que l’enfant est épanoui et équilibré car il bénéficie d’une relation constante avec ses parents. À condition que ces derniers aient une relation harmonieuse qui le sécurise.
À 15 ans, l’enfant a le droit de choisir de vivre chez l’un des parents.
Mais le problème de la mère qui a la garde, c’est que le père est le représentant légal du mineur et son seul tuteur. S’il décède, la mère obtient la tutelle.
Mais attention! Le père peut, de son vivant, désigner un tuteur légal. S’il meurt, la mère perd la tutelle. Le père peut désigner par testament celui qui s’occupera de l’héritage de l’enfant.
La mère est toujours perdante: elle a la garde de l’enfant, mais dépend d’un tiers. Elle ne le découvre qu’après le décès du mari. Amina, pharmacienne: «Au décès de mon mari, mon beau-frère m’a informée que ce dernier lui a légué la tutelle et la gestion des biens de mes enfants, 2 ans et 4 ans. Quelle trahison! Mon beau-frère décide de tout pour mes enfants! J’ai besoin de son accord pour les vacances, quitter le territoire, acheter un livre ou un pyjama. Il décide du lieu de scolarité de mes enfants, de leurs loisirs… Je ne le pardonnerai jamais à mon mari!»
Sans la tutelle, une mère ne peut inscrire ses enfants à l’école, leur faire changer d’établissement, leur faire des documents officiels, voyager avec eux hors du Maroc, les faire hospitaliser…
Certains pères font du chantage aux mères: ils leur donnent l’accord si elles ne réclament pas la pension alimentaire. Ce qui contribue à la précarité des mères et de leurs enfants.
Le père peut quitter le Maroc avec l’enfant sans autorisation de la mère, mais la mère a besoin de l’autorisation paternelle. Cette semaine, la DG d’une multinationale à Casablanca prenait l’avion pour Agadir. Un officier lui a demandé l’autorisation paternelle pour son fils!
La mère peut avoir une tutelle temporaire si le père est malade ou à l’étranger, ou s’il est inconnu, incapable ou déclaré absent. Mais il faut avoir la preuve légale de son absence. Sinon, c’est la galère. J’ai dû accompagner une mère rurale pour inscrire sa fille au collège. Le père est totalement absent de leur vie et ne verse pas la pension alimentaire fixée par le tribunal. J’ai bataillé pour que le directeur accepte le transfert du dossier sans l’accord du père-tuteur.
La bonne nouvelle c’est que, en février dernier, le tribunal de la famille de Casablanca a levé la tutelle d’un père absent de la vie de son enfant, pour l’octroyer à la mère. Une première.
Espérons que le prochain Code de la famille attribue la tutelle à la mère qui a la garde des enfants!