Benkirane et les bourgeoises francisées

Zineb Ibnouzahir.

ChroniquePourquoi cette élite bourgeoise –qui pourrait passer ses journées à s’en foutre royalement du reste de la populace tout en jouant au golf à 4 heures du mat’ parce qu’elle le vaut bien ou, mieux encore, pourrait plier bagage pour vivre sous d’autres cieux où la laïcité et les libertés individuelles sont érigées en règles sacrées– reste-t-elle au Maroc et continue-t-elle d’œuvrer dans l’associatif?

Le 10/12/2023 à 12h34

Le 2 décembre à Fès, Abdelilah Benkirane est revenu sous les spotlights de la scène médiatique et politique, son lieu de prédilection, dans l’un de ses costumes préférés, celui de père la pudeur, grand défenseur de nos vertus, protecteur des mœurs traditionnelles et religieuses marocaines et surtout digne représentant du vrai et authentique Maroc, au nom duquel il prend la parole.

À vrai dire, en laissant de côté nos divergences de points de vue, on ne peut qu’admirer la ténacité de cet homme qui, après la sévère déculottée subie aux dernières élections, preuve criante du désaveu de sa base électorale, tente de revenir encore et encore, tantôt par la porte, tantôt par la fenêtre, en haut de sa tribune politique. On tient là un beau spécimen de politicien prêt à bondir de sa boîte pour faire feu de tout bois dès que l’occasion se présente.

Et en ce moment, Dieu sait que les occasions ne manquent pas pour le patron du PJD qui tente à tout prix de se rappeler à notre «bon» souvenir. Il y a bien sûr le conflit Israël-Hamas sur fond duquel le parti de la Lampe tente de se racheter une virginité auprès de son ancien électorat, en multipliant les propos antisémites et en allant jusqu’à offrir une tribune à l’ex chef du Hamas, Khalid Mechaal, qui s’est adressé directement aux Marocains dans un appel à peine dissimulé à l’insurrection. Des dérapages à n’en plus finir, ponctués de larmes de crocodile pour tenter de se faire absoudre du fait d’avoir signé, «à l’insu de leur plein gré», eux les dignes représentants du PJD, l’accord de normalisation avec Israël. Mais comment faire encore confiance à un parti qui n’assume pas ses propres actes? Le croire, ce serait croire cet homme infidèle, pris en flagrant délit de coït avec une autre, et qui prétexterait avoir trébuché et s’être retrouvé là... Oups.

Autre sujet d’actualité qui représente du pain béni pour Benkirane, la révision en cours de la Moudawana. Alors que le roi Mohammed VI a posé au gouvernement un ultimatum de six mois, le 26 septembre dernier, pour mener à bien la réforme du Code de la famille, ouvrant ainsi la voie à un Maroc où l’égalité entre hommes et femmes, notion qui figure dans la Constitution, serait véritablement appliquée dans la loi, Abdelilah Benkirane, lui, s’emploie à semer des grains de sable dans les rouages du processus.

Fidèle à lui-même, celui-ci a donc décidé de s’attaquer à sa cible préférée, les féministes, en employant sa tactique de prédilection, les isoler du reste des Marocains en leur collant une étiquette sur le front, celles de femmes francisantes complètement déconnectées de la vie réelle des Marocains. Le populisme couplé au refroidissement des relations entre le Maroc et la France, voilà donc le terreau dans lequel le sieur Benkirane entend faire germer et prospérer son idéologie archaïque.

«Nous récusons l’atteinte au référentiel islamique par certaines organisations et associations», annonce-t-il ainsi, tirant à boulet rouge sur ceux qui appellent à la fin de la polygamie, de l’interdiction des relations hors mariage et du mariage des mineurs, avec pour premier argument bidon le nom de ces mêmes associations. «Rien qu’à entendre leur nom, vous comprendrez», nous éclaire-t-il ainsi de sa science, dans un tacle aux organisations féministes dites progressistes. Ah bon? Voyons voir un peu ces noms qui en disent long sur le projet qui va à l’encontre des intérêts des Marocains et tâchons nous aussi de mourir moins cons: «Union de l’action féministe», «Association démocratique des femmes du Maroc», «Association marocaine des femmes progressistes», «Association marocaine des droits des femmes»… Non, même à y voir de plus près, on ne voit pas. Notre bêtise est donc incurable, à moins que ce ne soit notre intelligence qui se sente insultée.

La plupart des membres de ces organisations «vivent dans les nuages, ont de très bons salaires et règlent leurs problèmes d’une manière ou d’une autre. Et elles ne se soucient ni de la débauche ni de l’adultère», poursuit-il, bien déterminé à jouer sur la fracture des classes sociales au Maroc et à clouer au pilori de la vindicte populaire cette élite bourgeoise, qui a «reçu un enseignement à la française» et qui, complètement déconnectée de la religion et de la vie des Marocains, tente de corrompre leur esprit et leur pureté en important un mode de vie occidental. On en oublierait presque que chez nous au Maroc, le sexe adultère se pratique à l’arrière d’une Benz, dans un coin isolé de bord de mer, par des gens qui imposent aux autres l’interdiction des relations sexuelles hors mariage. Non, Monsieur Benkirane, l’Occident n’a rien à nous (ni à vous) apprendre en matière de «perversion des mœurs». On sait se montrer très imaginatifs quand il s’agit de contourner les lois, et cela, qu’on soit musulman pratiquant ou passif.

Des bourgeoises biberonnées à la laïcité, prêtes à mettre en pièce le référentiel islamique du Maroc, voilà donc à quoi cet homme-là réduit les femmes qui œuvrent dans des organisations qui militent pour l’égalité des droits en omettant pourtant de dire l’essentiel, à savoir que chaque association dite féministe au Maroc ne se contente pas de parlote politique mais œuvre sur le terrain et, pour nombre d’entre elles, a mis en place des centres d’écoute, d’aide et d’accueil.

Benkirane, qui tente de faire croire à ceux qui lui accordent un peu de crédit, que la révision de la Moudawana se discute dans la langue de Molière, dans les salons de villas huppées d’Anfa et de Souissi, entre deux coupes de champagne, omet ainsi de parler de toutes ces femmes, de conditions défavorisées, qui sont recueillies, écoutées, aidées juridiquement, socialement, financièrement par ces associations.

Il omet de parler de toutes ces femmes, de toutes les conditions sociales, qui se retrouvent à la rue après la mort d’un mari ou après un divorce, écartées par une belle-famille prompte à faire main basse sur un héritage. Il omet de parler des conditions de vie de ces mères célibataires, abandonnées de tous et traitées de putes quand bien même le fruit de leurs entrailles est issu d’un viol.

Il ne parle pas non plus du drame vécu par ces orphelins abandonnés parce que conçus en dehors des liens du mariage. Il tait dans un silence monstrueux la souffrance des petites filles et des adolescentes contraintes de se marier, qui trouvent parfois refuge dans ces associations pour échapper à leur triste sort, quand elles ne décident pas de se suicider, préférant au contraire exiger le maintien du mariage des mineurs au nom du respect de la religion.

Il ne dit rien de ces femmes battues qui appellent en larmes pour demander de l’aide ou qui débarquent paniquées avec des enfants terrifiés pour fuir un mari violent… Non, de tout cela et de bien pire encore, Benkirane ne dit rien, préférant faire croire aux Marocains que ces bourgeoises francisées ne connaissent rien à leur vie alors même que ce sont elles et leurs équipes qui vont au front chaque jour, pour venir en aide aux Marocains que Benkirane connaît si bien.

La question qu’il ne pose pas est: pourquoi diable cette élite –qui pourrait passer ses journées à s’en foutre royalement du reste de la populace tout en jouant au golf ou, mieux encore, pourrait plier bagage pour vivre sous d’autres cieux où la laïcité et les libertés individuelles sont érigées en règle sacrées– reste-t-elle au Maroc et continue-t-elle d’œuvrer dans l’associatif? Quel est donc son projet? Toutes ces bonnes femmes hystériques, comme il tente de les dépeindre, se réveilleraient-elles donc le matin bien déterminées à faire chier leur monde avec des principes dont personne ne veut? À d’autres, cher Monsieur Benkirane et consort.

Ce discours débilisant qui consiste à placer le militantisme pour les droits des femmes sous la bannière d’une occidentalisation diabolique, qui associe le principe d’égalité à une tentative de destruction de la société marocaine, est une insulte à l’intelligence des Marocains. On ne connaît que trop bien, depuis le temps que l’on pratique le PJD et sa branche rigoriste, le MUR, ces mécanismes de pensée archaïques. L’égalité et la justice ne sont pas des principes contraires à la religion musulmane; bien au contraire, c’est même-là son fondement. Quant à l’ijtihad, il n’est ni interdit ni haram, jusqu’à preuve du contraire.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 10/12/2023 à 12h34

Bienvenue dans l’espace commentaire

Nous souhaitons un espace de débat, d’échange et de dialogue. Afin d'améliorer la qualité des échanges sous nos articles, ainsi que votre expérience de contribution, nous vous invitons à consulter nos règles d’utilisation.

Lire notre charte

VOS RÉACTIONS

benkirane faisait la sieste dans sa boutique à akkari rabat,sa boutique était vide,du jour au lendemain il devient le tout premier ministre au maroc, en utilisant l'islam pour accéder à ce poste,désavoué il est parti ,et avec une grosse pension sadaka de 7 millions ,une voiture grandiose ,cette sadaka est 15 fois supérieure à la pension des retraités ex profs de benkirane,aujourd'hui il utilise la moudawana comme chantage pour une augmentation de sa pension sadaka,n'oublions pas qu'il a été enseignant,il suit la même méthode que les nouveaux enseignants qui ont paralysés les écoles pour une augmentation de salaires de 2000 dh /mois

Lalla Zineb, je suis un homme et je vous kiffe graaaave. Il y a des situations ou je suis anti démocratique, et dans ce cas benkiki, je le suis. On devrait lui interdire catégoriquement la prise de parole.

« Le 2 décembre à Fès, Abdelilah Benkirane est revenu sous les spotlights de la scène médiatique et politique, son lieu de prédilection, dans l’un de ses costumes préférés, celui de père la pudeur, grand défenseur de nos vertus, protecteur des mœurs traditionnelles et religieuses marocaines et surtout digne représentant du vrai et authentique Maroc, au nom duquel il prend la parole. » Pourquoi continuons à donner la parole à quelqu’un dont le seul fond de commerce est sa « propre interprétation » de nous valeurs islamiques. Surtout à quelqu’un qui refuse d’admettre le dégagisme dont son parti a fait l’objet lors des dernières élections législatives. Le seul représentant du vrai et authentique Maroc est, pour tous les Marocains, sa majesté le Roi Mohamed VI.

Pour la petite histoire, la fille de A. Yassine, chef SPIRITUEL du mouvement Al Adl Wal Ihsane, a fait ses études à la mission française, notamment au lycée Descartes 😂 de Rabat. Nabila Benkirane, épouse de A. Benkirane, a fait elle aussi ses études au Lycée Descartes, Oussama, Soumia et Rédouane, les rejetons de Benkirane chef de NOS MOLLAHS ont aussi étudié en français à Descartes de Rabat et pleins d'autres de nos politicards, il suffit de creuser sur Net et voir leur CV. Ma question à certains de nos politicards donneurs de leçons, pourquoi ont-ils peur que les enfants DU PEUPLE soient pas méritants que les leurs et ne leur fassent concurrence grâce à une formation équivalente? Mais nos mollahs osent donner des leçons sur le mariage des mineures et sur la polygamie? Quelle hypocrisie.

Quand j'écoute à ce que M.BENKIRANE dit , je ne peux m'empêcher de penser à cette partie d'un verset du coran : ۞ وَإِذَا رَأَيْتَهُمْ تُعْجِبُكَ أَجْسَامُهُمْ ۖ وَإِن يَقُولُوا تَسْمَعْ لِقَوْلِهِمْ ۖ كَأَنَّهُمْ خُشُبٌ مُّسَنَّدَةٌ ۖ مْ

En lisant cet excellent article sur notre mégaphone et chef de la secte du PJD, le gourou benkiki va surement péter une durite.Notre has been benkiki aime nager dans l'eau trouble pour mieux manipuler la masse populaire et surtout lorsqu'il se retrouve devant ses adeptes, pardon ses pingouins, avec sa djellaba bon marchée, un tasbih et un trou balle noir sur la front, toutes les imbécillité, absurdité et les âneries qui prononcera devant ses pingouins, qui applaudiront comme des c avec Allahu akbar (voir ses vidéos). Par contre ces pingouins de la secte du PJD et autres sous-traitants du PJD, souhaitent profiter de l’article 20 du Code de la famille qui donne plein pouvoir AU JUGE d’autoriser le mariage des mineures (la honte), alors que le législateur a fixé à 18 ans! Ein haufen heuchler

حرت كيفاش نوصف ليك شعوري :)

Bonsoir Madame Zineb Ibnouzahir. Vous adorez disserter sur ce croulant et ses acolytes forniqueurs. Il a de la chance, c'est tout ce qu'il cherche, qu'on parle de lui en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel, c'est qu'on parle de lui! Cordialement.

Oh my god ..quel article courageux étant plein de vérités !!! félicitations un régal de lecture

Merci pour cet excellent article !! Benkirane est l'incarnation de l'archaïsme et de la stupidité comme on a pu le constater après sa sortie suite au séisme dramatique qui a frappé notre pays. Sur cette affaire de la révision de la Mudawwana, Benkirane et ses acolytes du PJD sont en train de montrer leur vrai visage, celui de la régression.

Nabila sa femme, son fonds de commerce d'après ses dires, a fait ses études au lycée Descartes et fait partie de ces femmes francisées . Quelques uns de ses enfants ont fait la mission française. Il doit avoir honte de lui et se mettre dans son petit coin et arrêter ses activités politiques. Retraite bien payée pour fermer sa petite gueule.

Khaled Machaal pour s'adresser aux marocains est passé par le PJD, mais je ne crois pas que le très démocratique MACRON a respecté quiconque pour passer son message.

M. benkirane au lieu de profiter de la religion pour vous faire réélire, proposer nous un programme économique viable qui peut faire progresser le Maroc. proposer nous un programme éducatif pour résoudre le problème du système malade de notre beau pays, proposer des solutions aux vrais problèmes et par la grâce de dieu allez vous recueillir chez vous et prier dieu pour qu'i vous pardonne tout le mal que vous avez fait à notre pays pendant votre court mais horrible passage au gouvernement. le Maroc n'a pas besoin d'un fkih, il a bon besoin de bons gestionnaires

Tres bel article. Tout a ete dit. Benkirane tait la triste realite des femmes marocaines pour faire plaisir a ses electeurs et, qui sait, se faire plaisir aussi. La reforme doit tenir compte de la realite, des voeux de modernite et d'un futur ou le mariage ne sera pas la seule issue. D'ailleurs cette "union sacree" ne l'est plus pour des Marocains de plus en plus nombreux et des deux sexes, qui ont opte pour le celibat tant la fracture entre les deux groupes est immense. Ce sont les celibataires qui constituent la nouvelle facette du Maroc moderne, qui en a ras-le-bol des cancans obsoletes. Reflechir a un nouveau code c'est aussi integrer leurs particularites et creer une nouvelle appellation. Car personne ne doit etre ecarte sous des pretextes depasses ou d'un Orient chimerique.

Benkirane lui même n’est rien d’autre qu’un petit bourgeois qui profite du système qu’il s’est fabriqué quand il a été élu par un peuple qui ont cru en lui puis l’ont fuit lorsqu’il a été démasqué. Il faut l’ignorer et ne jamais le citer. Il doit sombrer dans l’indifférence.Vive le Maroc sans PJD ni mur. Ce ne sont que des menteurs.

Les minorités agissantes se retrouvent dans les deux bords. Seul Dieu connaît les motivations profondes de chacune. Maintenant, comme le rappelle la plus haute autorité de l’Etat, ce qui est rendu licite par Dieu ne peut être interdit et ce qui est interdit par Dieu ne peut être rendu licite. La société marocaine évolue et devrait accompagner ses mutations dans la quiétude, la raison et le sens des responsabilités, en dehors de toutes les manœuvres de ceux qui prétendent défendre les intérêts de la majorité qui, elle, vaque à ses tâches de vie au jour le jour et n’en a cure des bourgeoises ou de leurs pourfendeurs. Se battre pour un Maroc authentique, mais bien dans sa peau, et moderne, sans artifices ou singeries, devrait être le but de ceux qui ont la lourde tâche de remodeler le Code.

"Quant à l’ijtihad, il n’est ni interdit ni haram, jusqu’à preuve du contraire." A vrai dire il y a un ijtihad 2.0 ou 4.0 (que sait-je) qui ne plait pas à tout le monde. Pour en fin de compte expliquer à la populace que les crypto currencies n'apporte pas que du mal être. God Bless America (est difficile à dire après le veto). moi je l'assume.

Des pensées d'un autre âge, d'un autre espace géographique. Le religieux ne devrait en aucun cas de mêler de nos lois civiles. Seules l'égalité et la liberté doivent orienter notre vie sociale. Finir avec le mariage des fillettes, finir avec la polygamie, finir avec un héritage inégalitaire, finir avec des enfants sans noms de famille nés d'une relation voulue par un homme sur une femme. Ces enfants innocents sont légitimes. Ils sont là progéniture du père prouvé par les analyses ADN. Beaucoup de dogmes à abolir pour édifier notre société libre et égalitaire loin des idéaux tribaux venus d'ailleurs.

0/800