Dans la lignée du mouvement #Metoo aux Etats-Unis, porté par des voix féminines célèbres, le mouvement #BghathaLwa9t est incarné au Maroc par des artistes féminines connues du grand public. Samia Akariou, Nora Skali, Loubna El Jaouhari, Bouchra Hraich, Fatim-Zahra Qanboua, Saadia Ladib, Sofia Belkamel et Faty El Jaouhari ont accepté, dans le cadre de cette campage, de devenir les porte-voix de femmes qui n’osent pas parler ou qu’on a contraintes au silence.
Dans une série de capsules émouvantes diffusées sur les réseaux sociaux, elles racontent leurs calvaires, en se glissant dans la peau des victimes pour mieux nous sensibiliser à des phénomènes de société devenus horriblement banals. Victimes de viol, mariées de force beaucoup trop jeunes, porteuses de grossesses non désirées… à la place de ses femmes, elles partagent leurs lourds secrets et nous rappellent que n’importe laquelle d’entre nous est concernée.
Car de #Metoo à #BaghathaLwa9t, si les revendications d’une rive à l’autre de l’Atlantique ne sont pas toutes les mêmes, il s’agit en substance d’un même combat, celui de la justice et de l’égalité des sexes dans les lois. Et au Maroc, nous sommes toutes et tous concernés par des lois dont l’esprit est en contradiction non seulement avec l’esprit de la Constitution mais aussi avec les droits humains.
Du Code de la famille au Code pénal, les articles décriés depuis bien longtemps par les féministes doivent aujourd’hui être dénoncés par tous. Car l’égalité dans l’héritage, la fin de l’interdiction de l’avortement ou encore du mariage des mineurs, la révision des lois sur la garde des enfants en cas de divorce sont des exigences nécessaires qui se situent au cœur d’enjeux sociétaux qui concernent tous les Marocains, et pas seulement les féministes.
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«Nous en avions assez de parler sans être entendues, sans être reconnues, nous en avions assez de revendiquer l’égalité, davantage de justice et de vivre-ensemble dans un pays où les lois nous protègent au lieu de nous mettre constamment en danger. Nous en avions assez de ne pas être soutenues», explique Sonia Terrab, créatrice et productrice de la campagne #BghathaLwa9t.
C’est pour cette raison que, poursuit-elle, «nous leur avons demandé (aux artistes féminines, NDLR) de parler à notre place, de porter haut et fort nos voix et notre combat, ce combat qui est aussi le leur, le vôtre, à toutes et à tous, le combat pour l’égalité, la justice, pour un Maroc où citoyennes et citoyens sont enfin égaux».
A travers une présence médiatique importante, un morceau de rap écrit et interprété par la jeune Frizzy et produit par Hadès, ainsi qu’une série de capsules émouvantes, #BghathaLwa9t a ainsi pour objectif de sensibiliser à la nécessité de réformer le Code de la famille et le Code pénal, et de contribuer au grand chantier de réforme annoncé dans le discours royal du 30 juillet dernier.
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Cette campagne nationale pour une justice de genre égalitaire au Maroc s’inscrit, par ailleurs, en marge d’un rapport analyse de genre comme outil de plaidoyer, le «Collectif pour une législation égalitaire: CLE», soutenu par ONU Femmes.
Constitué d’une dizaine d’associations «émergentes», ce collectif, qui compte parmi les membres de son comité de pilotage Nouzha Skalli, Rachida Tahri ou encore Leïla Rhiwi, a ainsi pris l’initiative de contribuer à la lutte pour l’égalité en réalisant une analyse de genre des principaux textes juridiques et institutionnels du Maroc. Car au-delà des débats sur la nécessaire réforme de la Moudawana, ce collectif estime que la lutte contre les discriminations et l’inégalité entre hommes et femmes est au cœur de la lutte pour la démocratie.
Le rapport issu de ce travail de groupe consiste en une analyse de genre des principaux textes juridiques et institutionnels du Maroc. Tout en appréciant les réformes réalisées, il identifie les cadres légaux et institutionnels dans lesquels subsistent des discriminations directes ou indirectes et propose les réformes ou amendements nécessaires à leur harmonisation avec les engagements internationaux du pays.