La question ne cesse d’être soulevée encore et encore: faut-il arrêter de planter des palmiers dans nos villes? Pour Salima Belemkaddem, architecte paysagiste et enseignante à l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P) et présidente du mouvement Maroc Environnement 2050, la réponse est claire: «Evidemment!» En effet, les membres de ce mouvement s’activent depuis 2021 pour dénoncer le remplacement des arbres par les palmiers. Aujourd’hui, ils préparent de nouvelles actions, dont le lancement d’une campagne participative de boisement sur l’ensemble du pays, pour inverser la tendance palmiers-arbres.
«Ce qui se passe dans tout le territoire marocain, toutes les régions et villes confondues, est très inquiétant», a lancé Salima Belemkaddem, contactée par Le360. Pour elle, il est plus que jamais urgent de «se mobiliser pour préserver l’identité paysagère de nos villes et arrêter ce massacre contre la biodiversité». C’est dans cette perspective que le mouvement Maroc Environnement 2050 a décidé de frapper aux portes de plusieurs ministères.
Un «désastre» écologique
Dans ses correspondances aux ministères de l’Intérieur, de l’Aménagement du territoire national et de la Transition énergétique, l’association dénonce l’étouffement que subissent les villes du Maroc, s’indignant contre la «catastrophe» de remplacer les arbres par les palmiers, qui «n’ont pas leur place» dans les villes marocaines.
«C’est un véritable désastre écologique», s’indigne Salima Belemkaddem, insistant que «le palmier washingtonien (qui meuble actuellement les avenues et boulevards de la majorité des villes du Royaume, NDLR) ne devrait même pas atterrir au Maroc, vu qu’il n’appartient nullement au paysage végétal du pays».
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Ce qui est plus inquiétant, selon cette experte, c’est que la plantation de ces palmiers se fait sur l’autel de la biodiversité, alors qu’une seule espèce végétale étrangère commence à se substituer aux autres plantes. «On remplace les arbres qui font la richesse végétale de notre pays par ces palmiers qu’on plante dans toutes les villes, sans aucun égard aux spécificités de chaque région.»
Un autre argument soutient cette position: «Ils n’apportent rien.» Arracher des arbres pour planter des palmiers est donc «insensé», selon la militante. «Nous avons besoin d’ombre dans nos villes et nous avons besoin de créer des îlots de fraîcheur contre ces îlots de chaleur. La température, l’humidité, la saisonnalité, la floraison la protection contre la poussière et l’inondation,… c’est ce que nous offre un arbre», clame-t-elle.
Pour ceux qui estiment que planter des palmiers permettrait d’économiser de l’eau, l’experte souligne que ces plantes «ont besoin d’autant, voire plus, d’eau que les arbres, qui eux, en revanche, peuvent devenir autonomes après leurs trois années de vie».
Bien reçues, mais…
Bien que ses correspondances aient été reçues par les différents ministres, Salima Belemkaddem précise que seul le département chapeauté par Leila Benali a répondu, invitant les membres du mouvement à une réunion. «Les représentants du ministère ont exprimé leur accord entier avec notre position et ont salué l’initiative que la ministre, d’après eux, a qualifié de très bonne», fait-elle savoir.
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Aussi encourageante qu’elle fut, cette réunion n’a été que le premier pas. «Malgré les encouragements, le ministère nous a indiqué que c’est auprès des communes et collectivités territoriales qu’il faut porter le projet», explique Salima Belemkaddem, qui n’a pas tardé à appliquer le conseil, en commençant par la commune de Casablanca. Une première tentative restée sans suite, vu que la présidente du Conseil de la métropole, Nabila Rmili, n’a toujours pas répondu à son invitation.
«Inverser la tendance»
Même si la présidente du Conseil communal de Casablanca n’a toujours pas répondu à la correspondance de Maroc Environnement 2050, Moulay Ahmed Afilal, vice-président dudit Conseil affirme que les responsables de la ville sont «tout à fait d’accord qu’il faut arrêter de planter des palmiers. Les Casablancais sont contre les palmiers, nous le savons et nous le sommes aussi.»
Interrogé par Le360 sur les raisons de la substitution des arbres par les palmiers, ce responsable communal assure que «ce n’est pas la commune qui est derrière la plantation des palmiers. Il faut savoir que ce sont les SDL qui plantent ces palmiers lorsqu’elles réalisent certains projets.»
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Plus précisément, explique Moulay Ahmed Afilal, il s’agit d’un choix des sociétés Casa Aménagement et Casa Transports, qui «préfèrent planter des palmiers puisqu’ils permettent de structurer les artères de la ville et prennent moins d’espace».
Quoi qu’il en soit, le responsable assure que le Conseil communal a déjà élaboré un plan pour «inverser cette tendance». «Nous nous sommes récemment réunis en présence de la présidente. Parmi les points sur lesquels nous nous sommes mis d’accord, figure la nécessité d’arrêter de planter les palmiers et multiplier les plantations d’arbres afin d’intensifier le boisement de la ville», étaye-t-il.
Un militantisme en ligne qui peine à se traduire en actes concrets?
Alors que les militants «anti-palmiers» espèrent voir les responsables et élus locaux se mobiliser pour «sauver la biodiversité de nos villes», un combat qu’ils mènent depuis 2021, en dehors des réseaux sociaux, la participation citoyenne semble ne pas être au rendez-vous. C’est le constat fait par Salima Belemkaddem, soulevant qu’«il y a quelque chose d’incohérent dans la réaction des gens».
Selon la militante, l’engagement et la mobilisation des internautes sur les réseaux sociaux n’a malheureusement pas su se traduire dans la réalité. «Sur les réseaux sociaux les réactions dépassent, sur l’ensemble des postes, quelques milliers de réactions et commentaires, mais quand on regarde la pétition, il y a peu de signatures par rapport au nombre des likes», regrette-t-elle.
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En ligne depuis le 24 juillet 2023, la pétition lancée par Maroc Environnement 2050 a récolté à peine 2.664 signatures. Pourtant, indique Salima Belemkaddem, «il y a une demande et il y a une large partie de la population marocaine qui conteste l’invasion de nos villes par ce palmier washingtonien et la standardisation de sa plantation».
Encore plus déterminée, elle s’engage à continuer, aux côtés des autres militants écologistes, la lutte au nom de la biodiversité. «C’est une affaire nationale et vitale. L’aménagement du territoire et l’écologie sont deux immenses responsabilités nationales, parce qu’on prépare l’avenir des futurs Marocains dans le contexte d’urgences écologiques», tonne-t-elle.