Spécialiste en médecine interne et en gériatrie, ex-chef de service à l’Hôpital de Kenitra, ancienne interne aux Hôpitaux de Paris et Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), la Professeure Khadija Moussayer tient à alerter l’opinion publique sur les séquelles observées chez des personnes pourtant guéries du Covid-19.
Ainsi, déclare-t-elle, «si la plupart des malades atteints de Covid-19 guérissent en quelques semaines, des témoignages et constats médicaux font état de la persistance ou d'un retour des symptômes sur une longue période (de plusieurs mois) chez un certain nombre de patients, y compris de ceux qui n’ont pourtant pas développé la maladie».
«On redoute même l’apparition de nouveaux types de maladies dans un petit nombre de cas», poursuit-elle, avant d’énumérer les différents cas de figures observés de par le monde.
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- - Une fatigue et des sensations de douleur persistantes
«Certains témoignent de tachycardie, troubles respiratoires, d’une récidive de perte de l’odorat et du goût, de douleurs articulaires ou musculaires, de diarrhées ou de capacités physiques diminuées … Et surtout d’une fatigue persistante. Ces signes se retrouvent même chez des patients restés asymptomatiques», énumère la Pr. Khadija Moussayer.
- - Des séquelles lourdes pour les cas graves
«Certains patients gardent actuellement des séquelles plus sévères aux poumons, au cœur (lésions cardiaques), aux reins et au système nerveux... », détaille ensuite cette spécialiste, qui craint une récidive d’attaques encore plus destructrices pour le patient.
- - Des atteintes cardiologiques chez 78 % des contaminés
Fin juillet, une étude allemande d’observation publiée dans la revue Jama Cardiology alertait sur les risques de complications au niveau du cœur. Les médecins de l’hôpital universitaire de Francfort ont, dans ce cadre, fait passer une IRM à un groupe de 100 patients récemment remis du Covid-19, et ce, deux à trois mois après leur contamination.
«78 % présentaient des résultats anormaux, même pour ceux n'ayant pas développés la maladie», rappelle Khadija Moussayer au sujet de cette étude.
«Les chercheurs ont mis en évidence des inflammations du muscle cardiaque (le myocarde) pour 60 patients et/ou du péricarde, l’enveloppe entourant le cœur, et pour 22 autres, ils ont été témoins, selon les cas, d’une inflammation encore active ou de cicatrices», poursuit-elle.
Selon le Professeur, cette étude aussi intéressante que révélatrice sur l'ampleur des dégâts, mérite toutefois «d'être complétée par d'autres [études] pour apprécier et confirmer l'étendue précise de ces atteintes».
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Les zones d’ombre de la maladie
«On ne connait cette maladie que depuis sept mois et il est difficile d’avoir des certitudes sur le devenir des patients», déplore la spécialiste, qui rappelle cependant que les épidémies passées d’autres types de coronavirus que le Covid-19, comme le SRAS (ou Syndrome respiratoire aigu sévère), en 2003, et le MERS (Coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient), en 2012, nous donnent déjà cependant quelques enseignements utiles, par comparaison.
«On sait que des patients atteints de ces deux virus ont eu des problèmes pulmonaires 15 ans après, ainsi que des troubles musculo-squelettiques. On a relevé des phénomènes de fatigue chronique, jusqu'à quatre ans après l’hospitalisation, ainsi que des troubles psychiques durables (dépression, stress post-traumatique, anxiété…) six mois après la guérison. On risque de rencontrer les mêmes phénomènes avec la Covid-19», alerte-t-elle.
Mais ce n’est malheureusement pas tout. Selon la Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques, «les atteintes du Covid-19 dans ses formes sévères donnent lieu à des manifestations auto-immunes (observées dans l’orage "cytokinique" quand le malade tombe dans une détresse respiratoire)».
Et de rappeler qu’une «maladie auto-immune est une pathologie provoquée par un dysfonctionnement du système immunitaire qui se met à attaquer notre organisme au lieu de le protéger comme c’est son rôle habituel».
Le problème est de savoir si ces attaques auto-immunes peuvent ensuite évoluer vers une maladie auto-immune chronique, et à vie.
«On sait déjà que certains virus sont des facteurs déclencheurs de certaines maladies auto-immunes, comme le lupus, la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie cœliaque et le diabète de type 1», indique Khadija Moussayer, en concluant qu’il «convient donc de rester attentif à l’évolution de ce virus qui n’arrête malheureusement pas de nous surprendre».