Des écoles fermées sans considération pour les familles. Dans la commune rurale d’Ouled Mhamed, dans la région de Settat, trois écoles primaires ferment. Les parents ont été consultés et invités à remplir un formulaire. Tous ont refusé le transfert et ont signé une pétition pour annuler la fermeture des écoles. En vain.
L’une de ces écoles, à Krimate Ri’yine, existe depuis les années 70. Selon des parents d’élèves, l’école est proche des douars, dont certains se trouvent à 7 kilomètres! À la campagne, l’évaluation des distances diffère de celle dans la ville…
Sept kilomètres ou plus sont parcourus à pied, tous les jours, par des enfants, sous le soleil, le vent ou la pluie, de jour ou dans l’obscurité du lever et du coucher du soleil.
Selon des parents d’élèves, cette école scolarisait 160 enfants à partir de 6 ans. En septembre 2023, ils ont été informés de la fermeture de l’école. Après la protestation des parents, la décision a été annulée.
Sauf qu’en septembre 2024, les parents apprennent que l’école ne rouvrira pas. Les enfants sont transférés dans une autre école, nouvellement construite. À ce jour, ces élèves n’ont pas encore repris l’école !
Le problème est l’éloignement de la nouvelle école, qui se situe entre 14 et 20 kilomètres des douars. Un père: «L’ancienne école se trouvait à 6 km de notre maison. Ma femme accompagnait nos 2 enfants 2 fois par jour. Qui va les accompagner à cette nouvelle école, qui est à 15 km de la maison? Nos enfants doivent se réveiller à 5 heures du matin, marcher trois quarts d’heure sur une piste cabossée, avec des reliefs et sans éclairage. Arrivés à la route goudronnée, ils doivent attendre le bus qui fera 15 kilomètres pour le conduire à l’école. Mais, il n’y a pas assez de bus pour tous les élèves. Donc il fera la tournée des douars. Il faut compter au moins deux heures avant d’arriver à l’école. S’ils étudient l’après-midi, c’est pire. Nous devons attendre le bus sur la route goudronnée et revenir par la piste, à pied, dans le noir. Ici, nous n’avons pas d’éclairage public comme en ville.»
Une mère: «J’accompagnais mes enfants à l’école et mon mari allait travailler. Avec la nouvelle école, je ne peux plus les accompagner, car on doit traverser une forêt, dans l’obscurité. J’aurais peur pour moi et pour mes filles. Mon mari doit-il cesser de travailler pour accompagner nos enfants? Nous sommes déjà très pauvres!»
J’ignore les raisons de ces fermetures. L’Académie de l’Éducation nationale cherche probablement à mutualiser le coût de la gestion de plusieurs écoles éparpillées. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des familles.
La mobilisation des parents est fortement médiatisée, soutenue par les réseaux sociaux. Des vidéos montrent des pères qui contestent ces fermetures, et d’autres qui se plaignent de l’absence d’infrastructures routières et sanitaires… Une mobilisation surprenante, puisque les populations rurales ont toujours subi leur précarité sans se plaindre. Pas cette fois-ci: ils promettent de résister jusqu’à la réouverture des écoles!
«Un responsable nous a dit que l’école ne rouvrira jamais, que nous pouvons continuer à nous agiter, ou même aller à Rabat, cela ne changera rien.»
— Un parent l'élève dans la commune rurale d’Ouled Mhamed, près de Settat.
Des sit-in sont organisés devant la Délégation de l’Éducation nationale et la Préfecture de Settat. Des cortèges allaient être organisés pour partir manifester à Rabat, mais ils ont été interdits par les autorités. Des manifestations ont donc eu lieu sur la route menant à Settat, regroupant les pères et les élèves qui chantaient l’hymne national. Dans ces rassemblements, ils clamaient d’une seule voix: «Vive le Roi!»
Dans des témoignages émouvants, les pères se plaignent d’être ballottés d’une institution à l’autre, parlent de Hogra, de manque de considération. Un père: «Un responsable nous a dit que l’école ne rouvrira jamais, que nous pouvons continuer à nous agiter, ou même aller à Rabat, cela ne changera rien.»
Ces petits agriculteurs sont déterminés à scolariser leurs enfants, malgré la précarité dans laquelle les enfonce d’année en année une sécheresse impitoyable. Pire, ils ne sont pas encore informés du coût du transport pour leurs enfants. «Nous ne pouvons pas payer. J’ai trois enfants. Je serai obligé de sacrifier l’aînée pour scolariser les plus jeunes», déplore ce père.
Selon un autre père, les horaires sont inadaptés à la vie à la campagne: «Les enfants étudient soit de 8h00 à 12h00, soit de 14h00 à 18h00. Mais à 18h00, il fait déjà nuit. L’école doit sécuriser les élèves et leurs familles, au lieu de leur créer un souci supplémentaire.»
Cette situation est déplorable, allant à l’encontre de la politique de l’État qui vise à faciliter l’accès à la scolarité. Les populations rurales souffrent déjà de la sécheresse et de l’augmentation du coût de la vie, et la scolarisation de leurs enfants entraîne de grands sacrifices. Ce genre de difficultés supplémentaires va certainement aggraver le décrochage scolaire et réduire à néant les rêves de dizaines d’enfants d’échapper à la pauvreté.
J’invite les personnes qui ont décidé de fermer ces écoles à venir, accompagnés de leurs enfants, parcourir 6 kilomètres à pied, un jour, un jour seulement, dans la poussière, le froid ou la chaleur, sous le soleil ou la pluie, dans l’obscurité du matin ou du soir… uniquement pour qu’ils prennent conscience du calvaire que vivent les enfants en zone rurale pour être scolarisés, et qu’ils en tiennent compte dans leurs prises de décision.
Quand je pense qu’au Japon, sur l’île Hokkaido, une station de train devait fermer par manque de passagers. Elle a été maintenue ouverte pour une lycéenne, une seule. Les horaires de train ont même été adaptés à son emploi du temps!
La scolarité est un droit. En exclure un seul enfant est une atteinte au développement du pays.
Selon un père, membre d’une association de parents d’élèves, une promesse a été faite par les autorités locales, le président de la Commune et la Délégation régionale de l’Éducation nationale: en ce jour de vendredi se tiendra une réunion pour trouver des solutions et sortir de cette impasse. Je l’espère vivement.