Domitille Kiger, championne du monde de parachutisme: «Il faut transformer la peur en moteur»

Domitille Kiger, championne du monde de parachutisme et conférencière professionnelle, lors de la célébration des 12 ans du restaurant japonais ILOLI, à Casablanca. (K.Sabbar/Le360)

Le 01/03/2025 à 15h04

VidéoMultiple championne du monde de parachutisme, Domitille Kiger a fait du ciel son terrain de jeu. Entre audace, dépassement de soi et quête de nouveaux défis, elle raconte comment le parachutisme lui a appris à transformer la peur en moteur. De ses premiers sauts à ses ambitions futures, elle partage son regard sur la prise de risque et l’importance d’oser, malgré les doutes.

Domitille Kiger est une référence mondiale du parachutisme, spécialiste du vol libre et dix fois championne du monde. Son fief? Organiser des sauts synchronisés, qui rassemblent parfois jusqu’à 100 parachutistes, pour réaliser des figures artistiques. Le tout, en 45 secondes de chute. Avec plus de 10.000 sauts à son compteur, elle est forte d’une carrière marquée par la pluralité et d’une personnalité solaire qui contamine. Elle conjugue l’adrénaline et la prise de risque avec sa deuxième casquette de conférencière professionnelle.

De passage à Casablanca à l’occasion du 12ème anniversaire du restaurant japonais ILOLI, associé à une initiative caritative en faveur de l’association française les Chefs du cœur, elle revient sur son parcours, la philosophie qui l’accompagne à chaque saut et ses projets à venir.

Le360: qu’est-ce qui vous a attirée vers le parachutisme?

Domitille Kiger: j’ai eu envie de sauter pour la première fois à l’âge de 12 ans, mais j’ai rapidement découvert que c’était interdit à cet âge. J’ai donc dû patienter jusqu’à mes 15 ans. Ce qui m’attirait, c’était à la fois cette sensation de liberté, le fait d’être au cœur du ciel, de voler, mais aussi les personnes que j’ai rencontrées dans ce milieu. C’est cet univers qui m’a fascinée et qui m’a retenue.

Comment a commencé votre carrière?

J’ai commencé le parachutisme à 15 ans et intégré l’équipe de France à 23 ans. Pendant ces années, je sautais presque exclusivement l’été, car j’étais d’abord au lycée, puis à l’université. Pour rester dans cet environnement, j’ai trouvé des petits jobs au centre de parachutisme: je pliais les parachutes des autres, tenais la buvette ou le snack.

Aujourd’hui, vous êtes multiple championne du monde: à quel moment avez-vous compris que vous pouviez aller au-delà de la passion?

Quand l’opportunité d’intégrer l’équipe de France s’est présentée, ma vie sportive a complètement changé. Nous étions encadrés, formés par des coaches, et nos sauts étaient pris en charge. C’était un tournant majeur. J’ai commencé à voyager pour les compétitions et à rencontrer des femmes qui vivaient de cette discipline. Jusqu’alors, je n’avais pas d’exemple de femmes pouvant faire carrière dans le vol libre. Cela a élargi mes perspectives et m’a fait comprendre que c’était ce que je voulais faire. Je m’y suis consacrée pleinement et 15 ans plus tard, j’y suis toujours.

Parlez-nous de votre prochain saut.

Mon prochain saut est prévu à Beni Mellal, où j’emmènerai quelques Marocaines pour un saut en tandem (saut en parachute accompagné d’un moniteur, NDLR). Ce sera une expérience très sympathique, d’autant que certaines ont un peu d’appréhension. L’objectif est justement de les encourager, de leur donner la motivation d’oser et l’audace de se lancer malgré la peur.

Quel est le prochain record mondial que vous allez tenter de battre?

Le grand projet de cette année aura lieu en août à Chicago: tenter de battre le record du monde de grande formation tête en bas avec un saut réunissant 200 parachutistes.

Pourquoi avoir choisi le Maroc pour votre prochain saut?

Le Maroc occupe une place vraiment spéciale dans mon cœur. C’est le premier pays que j’ai découvert en dehors de la France, à 18 ans, et ce voyage a été à la fois un choc culturel et un véritable coup de foudre. Les couleurs, les odeurs, la beauté des paysages, la chaleur humaine… tout m’a captivée. Depuis, j’ai dû venir une quinzaine de fois. J’ai passé beaucoup de temps à Beni Mellal et à Taroudant, les deux centres de parachutisme du pays. Chacun a son propre charme: l’un est niché dans l’Atlas, l’autre en plein désert, mais tous deux offrent des paysages magnifiques et sont animés par des équipes formidables. J’y ai noué de nombreuses amitiés et, dès que l’occasion se présente, je saute dans un avion pour revenir!

Vous êtes également conférencière professionnelle. Vous intervenez ce soir pour aborder le sujet de la prise de risque…

Effectivement, je vais parler de la prise de risque, mais surtout d’audace et partager les sources dans lesquelles je puise la mienne. Cette audace est née lors de mon tout premier saut, un moment où j’ai ressenti la peur la plus intense de ma vie. Pourtant, en une fraction de seconde, j’ai basculé de la peur à la joie, puis à la fierté de l’avoir fait. J’ai réalisé qu’il y avait un lien direct entre l’intensité de la peur avant et le plaisir ressenti pendant et après. C’est ce qui m’a donné l’audace d’oser dans bien des domaines, aussi bien dans ma vie personnelle que professionnelle. Ce soir, j’explorerai plusieurs piliers de l’audace: le courage, la confiance et les convictions. L’idée n’est pas d’apprendre à ne plus avoir peur, car c’est impossible, mais plutôt de découvrir comment agir malgré elle.

«Mon plus grand rêve, aujourd’hui, serait de sauter au-dessus de Paris.»

—  Domitille Kiger


Avez-vous connu des moments où la peur a failli prendre le dessus?

Ça m’arrive encore de temps en temps, surtout lors de tentatives de records. Ce n’est pas tant la peur de sauter, mais plutôt la pression, la peur d’échouer. Aujourd’hui, avec mon rôle de leader dans l’organisation de ces records, il y a des moments où je me retrouve à la porte de l’avion, la lumière vient de passer au vert, dans quelques secondes je dois sauter… et mon cœur s’emballe. À cet instant, une part de moi pense: je n’ai plus envie d’y aller, je préférerais être ailleurs. Mais je n’ai plus le choix, il faut y aller.

Comment gérez-vous ces émotions-là?

Avec le temps, j’ai appris à reconnaître ces pensées pour ce qu’elles sont: une réaction naturelle, inévitable. On ne peut pas les empêcher, mais on peut agir malgré elles. Alors, quand elles surgissent, je prends une grande inspiration, je me répète des phrases qui me reboostent, qui me redonnent confiance et je saute quand même.

Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui hésite à se lancer dans une activité qu’il juge trop risquée?

C’est de se connecter à la sensation de joie et de fierté qu’il ressentira après l’avoir fait. L’idée est de se projeter dans le futur, s’imaginer en train d’agir, puis visualiser la sensation de satisfaction et d’accomplissement. Il faut s’accrocher à ce ressenti, se dire: j’ai envie de vivre ça. C’est cette projection qui, en tout cas pour moi, m’a donné l’énergie et le courage d’agir malgré la peur. J’espère que ceux qui testeront cette méthode y trouveront aussi une source de motivation.

Y a-t-il un saut ou un défi que vous rêvez encore de réaliser?

Il y a encore de nombreux sauts que j’aimerais réaliser, mais mon plus grand rêve, aujourd’hui, serait de sauter au-dessus de Paris. C’est ma ville de naissance, j’y vis actuellement et ce serait une expérience incroyable. Cependant, c’est un défi de taille, car l’espace aérien y est extrêmement contrôlé. Sans être militaire, obtenir une autorisation est loin d’être simple. Je ne sais pas si cela se concrétisera un jour, mais une chose est sûre: je compte bien continuer d’essayer.

Par Camilia Serraj et Khadija Sabbar
Le 01/03/2025 à 15h04

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