Après l’invasion de l’Ukraine, les étudiants marocains, inscrits par milliers, principalement en médecine générale, pharmacie et médecine dentaire, ont vu leur parcours brutalement interrompu. Contraints de fuir la guerre, ils ont tenté de poursuivre leurs études à distance ou de revenir au Maroc pour y obtenir une équivalence de leur diplôme. Mais le processus s’avère éprouvant…
Entre promesses d’amélioration et frustration des concernés, où en est réellement le dossier des diplômés d’Ukraine?
Pour comprendre les réalités de ces jeunes diplômés en attente d’une reconnaissance officielle, le360 a rencontré Mehdi Amiry, médecin marocain ayant terminé son cursus en Ukraine. Comme bien d’autres, il a dû fuir la guerre. Pendant des mois, il a «suivi des cours en ligne tout en effectuant des stages bénévoles», précise-t-il. Ce n’est qu’à son retour au Maroc qu’il a pu passer son examen clinique final, avant d’attendre sept longs mois pour récupérer son diplôme ukrainien, une étape indispensable pour entamer les démarches d’équivalence.
Le retour au Maroc n’a pas signifié la fin du calvaire. L’obtention de l’équivalence de son diplôme s’est transformée en un parcours du combattant. «Entre la traduction des documents, le dépôt sur la plateforme officielle et les allers-retours pour un dépôt physique, chaque étape a été une épreuve», explique Mehdi Amiry. Certaines demandes sont rejetées sans explication, obligeant les candidats à recommencer le processus. Aujourd’hui, six mois après avoir déposé son dossier, il n’a toujours pas été convoqué pour son stage obligatoire.
12.000 étudiants marocains laissés sans solution
Avant le déclenchement de la guerre, l’Ukraine accueillait près de 12.000 étudiants marocains, notamment dans les domaines de la médecine. Aujourd’hui, seuls 2.000 d’entre eux poursuivent la procédure d’équivalence. «Parce qu’il y a des malentendus avec les décideurs marocains, beaucoup ont abandonné ou sont partis ailleurs», confie Mustapha Chfeg, membre de l’Association des parents d’étudiants marocains en Ukraine. Il ajoute: «Imaginez ce nombre… Notre pays a besoin de ces cadres, mais il les perd faute de solutions claires.»
Les difficultés s’accumulent et pour les parents, l’inquiétude grandit. Rien que pour la médecine dentaire, «1.200 dossiers d’équivalence sont en attente au ministère, sans explication», ajoute Mustapha Chfeg.
Certains de ces diplômés, comme Mehdi Amiry, exercent officieusement dans certaines structures médicales. Si les stagiaires marocains sont généralement rémunérés, ce n’est pas le cas de ceux qui attendent leur équivalence. «Nous n’avons même pas de statut et encore moins de protection sociale», renchérit-il. Et ce, malgré l’environnement à haut risque où ils s’exposent.
La tutelle répond, sans convaincre les concernés
Le directeur des équivalences au ministère de l’Enseignement supérieur, Hicham Berjaoui, rejette l’idée d’un blocage: «Certes, un embonpoint des demandes a eu lieu, mais l’engorgement des dossiers a été résolu. Les étudiants reçoivent désormais leurs équivalences dans des délais raisonnables.» La réalité perçue par les étudiants et leurs familles est tout autre. «Il y a eu des améliorations, mais les délais restent longs et ne sont pas optimaux», affirme Mehdi Amiry.
Il met en avant plusieurs mesures: digitalisation du processus, coordination avec l’Ukraine pour récupérer les documents académiques, et assouplissement des conditions d’obtention de l’équivalence. Hicham Berjaoui évoque un «concours national normalisé qui permet d’accéder directement à l’équivalence». Les vrais blocages sont ailleurs.
Certains estiment que les solutions proposées, comme le concours, ne correspondent pas à tous les profils. D’autres redoutent une fuite des talents. «N’importe quel pays nous accueillera volontiers, on a choisi le Maroc par amour», révèle le médecin.
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Le paradoxe est frappant: le Maroc manque cruellement de médecins, mais les jeunes diplômés formés à l’étranger peinent à intégrer le système.
Les médecins et associations demandent une procédure plus rapide et plus transparente, la réduction des délais d’attente et une meilleure communication avec les autorités. Les discussions se poursuivent avec les ministères et l’ambassade d’Ukraine. Faute de solutions, ces médecins risquent de partir exercer ailleurs, privant le Maroc de cadres qualifiés. Reste à savoir si les autorités agiront avant qu’il ne soit trop tard.
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